Le danger de l’accord d’investissement avec la Chine
L’économiste Francisco Juan Gomez Martos livre, dans une tribune au « Monde », une analyse politique de l’accord d’investissement entre l’Union européenne et la Chine et estime que l’aversion de la Chine pour le principe de la transparence et son refus d’une société civile indépendante constituent des obstacles majeurs.
Tribune.
L’annonce, le 30 décembre 2020, de l’accord d’investissement avec la Chine (ACI) a été présentée par la Commission européenne comme un grand succès, visant à renforcer le multilatéralisme en déclin et l’« autonomie stratégique » de l’Union européenne (UE) en tant qu’acteur mondial.
Cet accord a pourtant une portée qui va bien au-delà des aspects concernant la libéralisation des prestations de services et des investissements étrangers directs. Il est éminemment politique et mérite donc un débat approfondi sur les conséquences prévisibles de sa mise en œuvre.
Ce débat doit prendre en compte l’expérience des relations avec la Chine acquise dans plusieurs secteurs.
Du point de vue géostratégique, non seulement cet accord ne répond pas à l’autonomie stratégique de l’Union européenne, mais montre, au contraire, la subordination naïve de l’UE aux intérêts stratégiques de Pékin, qui a voulu éviter la formation d’une alliance entre les Etats-Unis, l’UE et le Japon, regroupant toutes les démocraties libérales du monde prônant l’économie de marché et défendant les règles du multilatéralisme.
Du point de vue économique, si le marché intérieur européen est le principal atout de l’UE et du bien-être de ses citoyens, de récentes recherches montrent que l’intégration commerciale européenne perd de son élan. Cette détérioration est imputable en grande partie au rôle de la Chine puisque les Etats membres de l’UE sont de plus en plus intégrés dans la chaîne de valeur chinoise.
Du point de vue commercial, l’accord naît dans le cadre d’un déficit commercial permanent de l’UE à l’égard de la Chine, ce qui paradoxalement n’est pas abordé par l’accord. Depuis le début de ce siècle, l’UE a enregistré des déficits commerciaux importants avec la Chine qui augmentent régulièrement et qui ont toujours été sous-estimés.
Une dépendance structurelle accrue par rapport à la Chine
L’excédent cumulé chinois dans ses relations commerciales avec l’UE a atteint 1 800 milliards d’euros au cours des douze dernières années, l’équivalent du PIB de l’Italie en 2019. Dans ce contexte, la première priorité des négociations de l’UE avec la Chine aurait dû viser à faire pression pour qu’elle améliore l’accès à son marché et augmente ses importations de produits européens, créant ainsi des emplois en Europe en cette période particulièrement délicate
Du point de vue industriel : l’accord ouvre la voie à une dépendance structurelle accrue par rapport à la Chine dans les secteurs-clés. La crise a montré la vulnérabilité et la dépendance de l’industrie européenne vis-à-vis de la Chine dans l’approvisionnement en masques, équipements de protection individuels, tests et autres denrées de première nécessité pour lutter contre le virus.
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