Technologie image : protéger les citoyens

« Protéger la technologie qui protégera les citoyens»

« Il est urgent de faire évoluer le cadre légal pour permettre d’identifier les usages socialement utiles et désirables qui devraient être encouragés »

 

Tribune par Xavier Fischer, le PDG de Datakalab dans l’Opinion

 

 

La technologie du traitement d’image ? Ce secteur est traité avec suspicion parce qu’on l’associe immédiatement à la reconnaissance faciale généralisée et à ses usages peu recommandables. Elle aide le gouvernement chinois à repérer les Ouïghours, elle sert d’inspiration aux scénaristes de séries d’anticipation comme Black Mirror et participe au sentiment de surveillance généralisée qui rend la technologie dans son ensemble coupable de tous les maux. Si l’évolution récente de l’analyse d’image crée un grand nombre de craintes légitimes et de fantasmes négatifs, il est important de rappeler que Big Brother n’est pas une fatalité.

Voilà pourquoi il est urgent de ne pas mettre toutes les technologies dans le même panier. Nous savons depuis toujours que ce n’est pas la technologie qui est bonne ou mauvaise mais l’usage qu’on en fait, tout comme un couteau de cuisine ne doit pas être assimilé systématiquement à une arme blanche. Il faut donc aider la société à distinguer les bons et les mauvais usages de la technologie.

Protection. L’Union Européenne vient justement de le faire en interdisant la reconnaissance faciale généralisée dans l’espace public et nous pouvons nous en féliciter à l’aune de nos valeurs et du respect du RGPD qui protègent les citoyens et leurs données personnelles. Mais, à côté de ces usages qui effraient à juste titre, il y a mille et une bonnes raisons de traiter des images — et de le faire dans le respect total de la vie privée. Un exemple : l’analyse du port du masque dans les transports. Il s’agit pour les régies de transports de mesurer le respect des gestes barrières pour distribuer des masques aux endroits les plus critiques et diffuser des messages destinés aux usagers. Pour ce faire, des sociétés françaises ont mis au point des algorithmes capables de transformer l’image en donnée statistique en moins d’un dixième de seconde et ce, sans conserver ni image, ni donnée personnelle. Le traitement d’image se fait en quelque sorte sans image.

« Sans cadre clair, la Cnil est dans son rôle en continuant d’interdire, par défaut, tous les usages de la technologie, plutôt que d’essayer de faire le tri »

Mais la mise en œuvre d’une solution de ce type — pourtant urgente — aura nécessité la publication, en mars dernier, d’un décret ad hoc. Ce système d’autorisation préalable, soumis à la lenteur administrative, n’est pas viable et empêche le développement d’applications utiles et sûres du traitement d’image. Pourquoi, en effet, se limiter aux transports et ne pas s’intéresser aux lieux culturels, aux lieux de travail, aux stades et salles de concerts, aux centres commerciaux, aux parcs d’attractions, aux écoles, aux universités ?

Et il ne s’agit pas que du port du masque : les données intelligentes permettent de mesurer les flux dans les lieux publics à forte affluence, de prévenir les mouvements de foule dans les stades, de faire respecter les conditions de sécurité et le port du casque sur les chantiers, d’améliorer les conditions de transports et la sécurité des voyageurs en mesurant la densité d’usagers sur les quais, d’analyser les flux de voitures pour optimiser le trafic, de prévenir les services d’entretien des villes de la présence de déchets et de dégradations sur la voie publique… Les municipalités, les pouvoirs publics et le secteur privé doivent pouvoir saisir ces opportunités — et bien d’autres — à condition, bien sûr, de les traiter avec la même exigence éthique.

Souveraineté. Il est donc urgent de faire évoluer le cadre légal pour permettre d’identifier les usages socialement utiles et désirables qui devraient être encouragés. L’analyse d’image à des fins statistiques comble un vide technologique. Le vide juridique correspondant tient à l’ancienneté des textes, qui n’ont pas prévu ces technologies. Sans cadre clair, la Cnil est dans son rôle en continuant d’interdire, par défaut, tous les usages de la technologie, plutôt que d’essayer de faire le tri. Cette politique — ou cette absence de politique — prive la France d’outils et d’usages qui font avancer le bien commun et améliorent notre quotidien. Elle condamne aussi les entreprises technologiques et les start-up à péricliter ou s’exporter.

Sans intervention rapide du législateur, nous regarderons une fois de plus nos talents — que nous avons formés dans nos écoles et nos laboratoires de recherche et financés avec nos banques et la BPI — faire le bonheur de sociétés chinoises ou américaines qui nous remercient de tant de générosité. Ne bloquons pas ce formidable élan français dont le génie technologique est reconnu partout dans le monde. Ne bloquons pas doctrinalement ces sociétés de traitement d’image dans leur développement et la création d’emplois. Ne laissons pas filer, par incompréhension et par méfiance réflexe à l’égard de toute nouveauté, notre souveraineté nationale sur une technologie importante pour l’avenir. Dotons-nous rapidement d’une nouvelle loi, pour protéger la technologie qui protégera les citoyens.

Xavier Fischer est PDG de Datakalab.

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