« La Religion dans la France contemporaine »

« La Religion dans la France contemporaine »

Dans « La Religion dans la France contemporaine », les sociologues et historiens des religions Philippe Portier et Jean-Paul Willaime analysent les mutations qui touchent tout autant aux dimensions privées que sociales et politiques de la religion.(Analyse du Monde)

 

Analyse

Depuis des années, les problématiques liées aux questions religieuses ont envahi les discours politiques, les chaînes d’information et les amendements parlementaires. Du voile islamique à l’organisation du culte musulman, de l’enseignement privé confessionnel à la radicalisation, du mariage pour tous à la bioéthique, elles sont omniprésentes. Elles ont réinstallé dans le débat public une question que l’on avait cru résolue depuis des lustres : celle de l’articulation entre le politique et le religieux, entre l’Etat et les « Eglises », selon le modèle fixé par la loi de 1905. La laïcité est redevenue conflictuelle.

Certains ont discerné dans ces diverses manifestations un « retour du religieux » d’autant plus paradoxal qu’il s’inscrit dans une progression constante de la désaffiliation confessionnelle. Entre 1952 et 2018, les Français ne se réclamant d’aucune religion sont passés de 4 % à 58 %. Il est vrai que cette tendance ne touche pas toutes les traditions de la même manière. Si de nombreuses églises catholiques se vident – mais pas toutes –, des mosquées s’agrandissent, des églises évangéliques ouvrent chaque mois et des temples bouddhistes font recette. Comment s’y retrouver dans ce maelström de données, de discours, de crispations, d’évolutions dont certaines semblent contradictoires ?

« Promesses de bonheur décrédibilisées »

Les sociologues et historiens des religions Philippe Portier et Jean-Paul Willaime, qui ont tous deux dirigé le Groupe sociétés, religions, laïcités (GSRL) de l’Ecole pratique des hautes études, proposent une mise en perspective de ces mutations à la lumière du passage de nos sociétés de la modernité à un régime d’ultra-modernité. L’ultra-modernité, c’est en quelque sorte la modernité réflexive, celle qui applique à ses réalisations sociales (la confiance dans la raison, incarnée par l’Etat et son école, dans le progrès, la science…), souvent sacralisées, ses propres armes : la lecture critique, le doute. Sous l’influence des bouleversements environnementaux, scientifiques, numériques, la croyance au progrès qui a accompagné la modernité a laissé place à un certain désenchantement, les craintes se sont substituées aux certitudes. « Les promesses de bonheur terrestre par lesquelles on avait cru pouvoir remplacer les promesses de bonheur céleste ont été, à leur tour, décrédibilisées », écrivent-ils, et « leur dimension d’espérance s’est dissipée ».

Cette mutation des quatre ou cinq dernières décennies a des conséquences majeures sur le religieux. Autant la modernité avait conduit à une sécularisation des individus et des institutions et à un effacement tendanciel du religieux, autant l’ultra-modernité lui offrirait des conditions propices à une nouvelle forme d’actualité. Non pas à travers la présence d’antan, héritée et encadrée par un dispositif hiérarchique complet. Mais une place renouvelée, ajustée aux interrogations et aux incertitudes des sociétés contemporaines. Loin de renvoyer au passé, soutiennent les auteurs, les transformations actuelles traduisent une reconfiguration du religieux qui affecte tout autant ses dimensions privées que sociales et politiques.

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