Crytomonnaie: Ethereum, nouvelle coqueluche, nouveau danger
(Un article du Wall Street Journal)
L’ethereum est la deuxième cryptomonnaie en termes de valorisation après le bitcoin.
L’engouement pour les NFT (jetons non fongibles) a remis Ethereum — le réseau informatique reposant sur la blockchain sur lequel il s’appuie — sur le devant de la scène, mais il paie déjà la rançon de son succès.
Le prix de l’ether, la monnaie interne du réseau, a franchi pour la première fois la barre des 3 000 dollars dimanche et a grimpé jusqu’à 3 340 dollars lundi après-midi, porté par le boom des NFT et d’un autre marché appelé DeFi, l’abréviation de « decentralized finance ». Il y a un an, il s’échangeait à seulement 210 dollars.
La progression de l’ether, deuxième cryptomonnaie en termes de valorisation derrière le bitcoin, s’accélère au moment où la dynamique du bitcoin ralentit. L’ether a ainsi gagné plus de 40 % en avril, alors que, dans le même temps, le bitcoin a chuté d’environ 2,4 %.
Lancé en 2015 en se basant sur les mêmes concepts que le bitcoin, Ethereum est une plateforme permettant aux développeurs de créer et de faire fonctionner des applications, un peu comme Android ou iOS. Mais contrairement à ces systèmes d’exploitation, qui respectivement appartiennent et sont contrôlés par Alphabet et Apple, Ethereum est un projet de logiciel libre, ce qui signifie qu’aucune entité centralisée n’a la main dessus.
Le rallye sur l’ether est lié à la récente explosion de l’activité sur le réseau. Environ sept millions de nouvelles adresses Ethereum — ou comptes susceptibles de stocker de l’ether — ont été créées au cours des quatre premiers mois de 2021, portant le total à plus de 55 millions, selon la société d’analyse IntoTheBlock. Et la valeur des transactions sur la plateforme a atteint 1 500 milliards de dollars au premier trimestre, selon le cabinet d’études Messari, soit plus qu’au cours des sept trimestres précédents réunis.
La plateforme a également bénéficié d’une autre marque de reconnaissance. La Banque européenne d’investissement, un bailleur de fonds détenu par les Etats membres de l’Union européenne, a émis la semaine dernière 120 millions de dollars d’obligations à deux ans sur le réseau Ethereum, une première pour une opération d’une telle ampleur.
« Aujourd’hui, la valeur et le recours à Ethereum ont été validés », note Danny Kim, responsable des activités de courtage en cryptomonnaies chez SFOX.cryptomonnaie
Ce succès a toutefois entraîné une saturation du réseau et une hausse des frais de transaction qui ont incité des concurrents à entrer sur le marché. Il soulève également des inquiétudes croissantes concernant l’impact environnemental des cryptomonnaies.
Au cours de la majeure partie de son existence, Ethereum a été plus prometteur que rentable. La donne a changé au cours de l’année dernière grâce aux NFT et à la DeFi. Les NFT sont des actifs comparables au bitcoin, avec une particularité : un seul token est créé à la fois et ils ne sont pas interchangeables, contrairement à ceux des s. Le NFT est lié à une œuvre d’art numérique ou à un objet physique qui est vendu en tant que bien digital unique.
Depuis le lancement des cartes à collectionner « Top Shot » de la National Basketball Association [ligue américaine de basketball, NBA], il y a six mois, les NFT sont devenus un phénomène culturel. Le groupe de musique Kings of Leon a, par exemple, vendu des NFT liés à la sortie d’un album, et le directeur général de Twitter, Jack Dorsey, a mis aux enchères un NFT de son tout premier tweet. Mais le sommet a été atteint lorsque l’artiste numérique Beeple a vendu une œuvre d’art NFT chez Christie’s pour un montant record de 69 millions de dollars.
La valeur totale des ventes de NFT sur le réseau Ethereum a bondi à deux milliards de dollars au premier trimestre, contre 94 millions de dollars au quatrième de 2020, selon le site de suivi des données NonFungible.
Le marché de la DeFi, quant à lui, regroupe un large éventail de services financiers qui permettent aux détenteurs de cryptomonnaies d’emprunter en fonction de leurs actifs ou d’en prêter. L’arrivée d’un nombre plus important d’investisseurs institutionnels sur les marchés des cryptomonnaies, qui a alimenté le rallye du bitcoin et la croissance des transactions sur les produits dérivés, a suscité une demande analogue d’emprunt d’actifs cryptographiques.
Le montant total des cryptomonnaies placées dans les protocoles DeFi sur Ethereum — un chiffre appelé « valeur totale bloquée » — a grimpé en flèche pour atteindre 68 milliards de dollars, selon le site Web DeFi Pulse, contre environ 900 millions de dollars il y a un an.
L’essor des NFT et de la DeFi coïncide avec une envolée des marchés, qui touche aussi bien les actions que les matériaux de construction, et a ravivé les craintes d’une bulle au niveau mondial. De nombreux investisseurs pensent toutefois que ces derniers n’ont pas encore fini leur ascension, en raison des mesures de relance énergiques de la Réserve fédérale, qui s’est engagée à maintenir des taux d’intérêt près de zéro dans un avenir proche.
La croissance de marchés comme les NFT et la DeFi a été « époustouflante », observe Jean-Marie Mognetti, le directeur général du gestionnaire d’actifs CoinShares, qui précise : « En tant que réseau, Ethereum représente ce qui rend tout cela possible. »
Malgré tout le battage médiatique récent, Ethereum est un projet logiciel encore en cours de développement, et les obstacles auxquels il est confronté sont significatifs.
Le bond de son activité soulève notamment des questions sur sa consommation d’énergie — des préoccupations similaires à celles liées au réseau Bitcoin —, bien que la quantité d’énergie qu’il nécessite soit bien moindre que celle indispensable à son rival.
La plateforme Ethereum consomme environ 568 terahashes par seconde — une mesure de la puissance de calcul totale du réseau — selon le fournisseur de données YCharts. Le bitcoin en consomme, lui, environ 143 millions par seconde. De plus, Ethereum est en pleine mise à jour. Une fois ce processus achevé, il passera à un système encore moins énergivore.
Reste son plus grand défi, qui est le même depuis son lancement : sa scalabilité. Le réseau a pour ambition de devenir un « ordinateur mondial », gérant le trafic de centaines de millions de personnes sur la planète. Mais l’augmentation récente de son activité a entraîné une saturation importante, ce qui a ralenti les délais de règlement et entraîné une forte hausse des frais de transaction.
Ces commissions correspondent grosso modo à des péages à l’accès, dont les montants augmentent ou diminuent en fonction du trafic. Selon le site de statistiques BitInfoCharts, les frais moyens ont atteint le prix record de 38 dollars en février, avant de reculer puis de remonter à 30 dollars le 20 avril, ce qui les rend particulièrement peu attractifs pour les petites transactions.
« Plus vous ajoutez d’utilisateurs sur la plateforme et générez de l’activité, plus les frais augmentent, précise Wilson Withiam, analyste au sein du cabinet de recherche Messari. Au fur et à mesure que vous essayez de vous développer, l’expérience utilisateur devient moins conviviale. »
C’est pour ces raisons que Top Shot, le NFT le plus populaire, ne fonctionne pas sur Ethereum. Dapper Labs, une start-up basée à Vancouver qui a créé et gère le programme avec la NBA et les joueurs, a conçu sa propre plateforme, baptisée Flow.
Les problèmes de scalabilité d’Ethereum l’ont rendu difficilement exploitable pour Dapper Labs, ce dont la société s’est rendu compte en 2017 lors du lancement de CryptoKitties, un jeu qui permet aux utilisateurs de créer et d’échanger des chatons virtuels uniques. Il s’agissait en fait du premier NFT et de la première application à succès à fonctionner sur Ethereum. Et dès son lancement, cela a failli paralyser le réseau.
« Vingt-quatre heures après notre lancement, le réseau [Ethereum] tournait au maximum de sa capacité, se souvient Roham Gharegozlou, directeur général de Dapper Labs. Et cela n’a jamais cessé depuis. »
Alors que Dapper Labs ne cherche pas particulièrement à ce que Flow remplace Ethereum, il existe une série d’autres projets de concurrents qui cherchent, eux, à profiter des problèmes d’Ethereum. La Bourse de cryptomonnaies Binance a créé sa propre version d’Ethereum, appelée Binance Smartchain. Parmi ses autres rivaux figurent Solana, Cardano, Cosmos et Polkadot. Tous semblent prometteurs pour le moment, reconnaît M. Withiam, mais à mesure de leur développement, ils sont susceptibles de rencontrer les mêmes problèmes de scalabilité qu’Ethereum. « Ce sera un problème difficile à résoudre », conclut-il.
(Traduit à partir de la version originale en anglais par Grégoire Arnould)
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