Terrorisme djihadiste : un phénomène durable
Deux chercheurs, Marc Hecker et Elie Tenenbaum, dressent dans Le Monde le bilan de vingt ans de lutte contre le terrorisme djihadiste, menée notamment sur les théâtres extérieurs comme intérieurs.
Marc Hecker et Elie Tenenbaum sont chercheurs à l’Institut français des relations internationales. Dans La Guerre de vingt ans (Robert Laffont, 448 pages, 24,90 euros), ces deux spécialistes des questions de défense et de terrorisme font la rétrospective de deux décennies de lutte contre le terrorisme, en particulier sur les théâtres étrangers. Du début de la « guerre contre le terrorisme » américaine, après les attentats du 11 septembre 2001, à New York, à la fin du contre-terrorisme comme priorité stratégique revendiquée par les Etats-Unis.
Qu’est-ce que le 11 septembre 2001 a changé à la lutte contre le terrorisme ?
Elie Tenenbaum : La lutte contre le terrorisme existait avant le 11-Septembre. A l’époque contemporaine, elle s’est structurée, à partir des années 1970, avec la prise d’otages de Munich [le 5 septembre 1972], qui a joué un rôle central dans la mise à l’agenda de cette thématique. Il en a résulté, dans la période 1975-1990, la création un peu partout en Occident de pôles spéciaux au sein des services policiers, de renseignement et judiciaires. Le terrorisme demeurait toutefois un sujet parmi d’autres. Ce qui change de manière radicale en 2001, c’est le fait que la lutte antiterroriste se mue en guerre et devient la pierre angulaire de la politique de sécurité nationale et de la diplomatie américaines. Ce n’est alors pas seulement la CIA et le CTC [Counter-Terrorism Center] qui se renforcent et se dotent de moyens financiers, humains et juridiques, c’est toute la politique extérieure de la première puissance mondiale qui se transforme. Le département d’Etat est en guerre contre le terrorisme, le département du Trésor aussi. La relation que chaque Etat entretient avec les Etats-Unis sera jugée à l’aune de la lutte contre le terrorisme.
Marc Hecker : Si le djihad afghan, de 1979 à 1989, est le point de départ du djihadisme transnational, le 11-Septembre a créé une surprise stratégique et a ouvert un cycle. Pendant la guerre froide, lors des débats à l’ONU, il était très difficile d’obtenir une condamnation internationale du terrorisme. Or, en 2001, il y a un véritable consensus sur ce sujet. En parallèle se développe tout un mouvement pour inclure des causes locales dans ce prisme et justifier des répressions au nom de la guerre globale contre le terrorisme. On l’a vu, par exemple, en Russie contre les indépendantistes tchétchènes, en Israël contre les groupes armés palestiniens ou même en Colombie contre les Forces armées révolutionnaires de Colombie [extrême gauche].
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