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Justice-affaire Halimi: la frilosité des magistrats

Justice-affaire  Halimi:  la  frilosité des magistrats

Antoine Garapon est magistrat et professeur affilié à l’école de droit de Sciences Po. Membre de la commission Houillon-Raimbourg sur l’irresponsabilité pénale,  estime que les magistrats ont fait preuve de frilosité dans l’affaire Halimi. (Dans l’Opinion).

 

Comment analysez-vous l’arrêt de la Cour de cassation et, plus globalement le traitement judiciaire de l’affaire Sarah Halimi ?

J’y vois une frilosité des magistrats, comme une volonté de ne pas occuper la place qui leur revient. Sans doute par manque de confiance en eux. Ils ont eu une interprétation très stricte de la loi, très positiviste. Dans cette affaire, l’enjeu est de pouvoir statuer sur l’état mental de l’auteur des faits au moment où il prend de la drogue. Là, les magistrats se sont contentés de dire : « On est malheureux, on n’a que cette loi à appliquer ». Ils auraient pu aller plus loin.

Ils rétorquent qu’on les accuserait alors de se transformer en « gouvernement des juges »…

Pourtant, ils ont montré à plusieurs reprises une forme de maturité. Des procès comme celui des attentats de janvier 2015 ou de l’affaire des fadettes et de Nicolas Sarkozy ont prouvé la capacité de la justice à traiter des affaires sensibles avec professionnalisme et respect des droits de chacun. Mais il s’agissait d’audiences publiques. La justice doit trouver sa place dans des affaires de référence comme celle-ci. Ces tensions entre pouvoir politique et justice s’expliquent par l’absence de lien sociologique entre classes dirigeantes et magistrats judiciaires.

Mais qui alimente les critiques sur « l’entre-soi » ?

Malgré les polémiques, le parquet national financier a par exemple réussi à s’imposer dans le monde des affaires. C’est en s’ouvrant qu’il attire le respect.

Dans l’affaire Halimi, les juges ont-ils fait fi de la demande de justice qui s’exprimait ?

Que demandait la communauté juive ? Pas qu’on pende haut et court l’auteur des faits. Mais que le débat ne se limite pas à la chambre de l’instruction. Les juges ont mal apprécié cette dimension. Cela montre également un essoufflement de la culture inquisitoire à la française : les juges ne peuvent plus décider qu’entre eux. S’il faut discuter des conclusions des experts psychiatres, faisons-le en audience publique. Le procès contradictoire, on n’a pas trouvé mieux !

Comment expliquer la réticence des magistrats à prendre en compte la dimension antisémite du crime ?

Je note une grande panique, y compris parmi les politiques, dès qu’on est présence de tensions intercommunautaires. Comme si la France ne comptait pas 10 % de musulmans parmi sa population, ni la plus importante communauté juive après les Etats-Unis et la Russie.

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