Le risque de l’endettement public
Quatre économistes nord-américains observent dans une tribune au « Monde » que, à taux d’exposition à l’épidémie égal, les primes de risque souverain augmentent plus fortement dans les Etats déjà endettés
Tribune.
Au cours de la dernière décennie, des économistes comme le Prix Nobel 2008, Paul Krugman, ont exhorté les Etats à augmenter toujours davantage l’emprunt public. Mais une dette trop importante peut devenir un vrai problème. Il semble en effet, en particulier en période de crise, que les nations au budget trop tendu risquent davantage d’être pénalisées par les marchés financiers et de subir une augmentation de leurs coûts d’emprunt. Et cela a bien sûr des conséquences importantes sur la politique budgétaire.
Nous avons étudié trente pays développés en Amérique, en Europe et dans la région Asie-Pacifique, ainsi que 23 Etats des Etats-Unis, pour mesurer l’effet direct de la propagation de la pandémie de Covid-19 sur les coûts d’emprunt des gouvernements (« In Sickness and in Debt : The COVID-19 Impact on Sovereign Credit Risk », 18 janvier 2021, document de travail, non publié).
Nous avons utilisé des données du marché des credit default swaps (CDS) [couverture de risque de crédit] pour connaître l’évolution du coût d’emprunt de chaque Etat : les primes CDS augmentent et diminuent fréquemment à mesure que les investisseurs changent d’opinion sur les risques perçus de prêts à certains Etats. Notre étude s’est étendue du 1er janvier 2020, lorsque l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis en place son cadre d’action d’urgence, au 18 mai 2020, lorsqu’un fonds de relance de l’Union européenne (UE) de 500 milliards d’euros a été proposé.
Les discriminations du marché
Selon notre étude, les pays sous contrainte budgétaire risquent beaucoup plus de subir une forte augmentation de leurs coûts d’emprunt que les pays moins endettés début 2020. Ce phénomène reste vrai même pour deux pays présentant un niveau d’infection de Covid-19 similaire.
Prenons par exemple le Portugal et l’Allemagne. Ces deux pays ont été confrontés à des chocs économiques très similaires, en matière de nombre de cas de Covid-19 pendant la première vague de la pandémie, mais le marché a sanctionné le Portugal beaucoup plus sévèrement que l’Allemagne, au niveau des coûts de service de la dette. De même, l’Italie et la Suisse comportaient des proportions presque identiques de cas de Covid-19, mais le coût de la dette publique en Suisse est resté pratiquement inchangé tout au long de l’année 2020, alors que celui de l’Italie a considérablement augmenté.
Cette étude a mesuré le niveau de « capacité budgétaire » à partir de nombreuses données économiques, notamment la notation de la dette de l’Etat, les taux de chômage, le PIB et les niveaux d’endettement, ainsi que d’autres indicateurs économiques pertinents. Pour mesurer l’état de préparation d’un pays à gérer la pandémie, nous avons tenu compte des données démographiques, du nombre de médecins pour 1 000 habitants et des dépenses en soins de santé.
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