Les économistes indifférents à la crise climatique ?

Les économistes indifférents  à la crise climatique ?

 

Le dérèglement du climat, directement lié à l’activité économique, est un enjeu majeur d’aujourd’hui et de demain. Pourtant, il reste un sujet d’étude marginal pour les experts de la réflexion macroéconomique, explique, dans sa chronique, Stéphane Lauer, éditorialiste au « Monde ».

 

« Climate is everything ». La couverture du dernier numéro de Time Magazine rappelle cette évidence : la lutte contre le réchauffement climatique est au centre de tout. Elle est même désormais au cœur des préoccupations des Etats-Unis, après quatre ans de déni sous Donald Trump. Le nouveau président américain, Joe Biden, qui a réuni, les 22 et 23 avril, 40 chefs d’Etat et de gouvernements lors d’un sommet virtuel, en a fait l’un des principaux enjeux de son mandat.


Qualifiant le réchauffement climatique de « crise existentielle de notre époque », Joe Biden a martelé lors de ce sommet que les signes de la dégradation et les conclusions scientifiques à son sujet « sont indéniables », et que « le coût de l’inaction ne cesse d’augmenter ». Dès lors, on ne peut qu’être frappé par la faiblesse de la contribution de la science économique sur le sujet.

En septembre 2019, deux éminents professeurs d’économie, l’un à l’université de Warwick, Andrew Oswald, l’autre à la London School of economics, Nicholas Stern, faisaient un constat ahurissant : sur les 77 000 articles publiés par les revues académiques les plus réputées en économie, seuls 57 concernaient le thème du changement climatique, soit une proportion de 0,074 %. Une mention spéciale était accordée à l’une des plus prestigieuses, le Quarterly Journal of Economics, qui n’en avait pas publié un seul à cette date. A croire que le climat est, selon l’expression américaine, l’« éléphant dans la pièce », le sujet aussi gênant qu’incontournable mais que personne ne veut aborder frontalement.

Panurgisme

Il est étrange de constater que le dérèglement du climat, essentiellement alimenté par les émissions de CO2, et donc directement liées à l’activité économique, ne soit pas davantage au cœur de la réflexion macroéconomique. Rien ne justifie cet impensé. L’augmentation des températures, la disparition des espèces, la multiplication des catastrophes naturelles auront des impacts gigantesques sur la stabilité de l’économie mondiale. Ne pas les intégrer dans la réflexion macroéconomique, revient à travailler dans un univers parallèle, qui sera de moins en moins utile à la prise de décision politique et à celle des dirigeants d’entreprise.

« Il y a une disproportion évidente entre l’énormité des enjeux du changement climatique, sa dimension systémique et l’intensité de la recherche académique », reconnaît Céline Guivarch, économiste au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement et membre du Haut conseil pour le climat. Selon elle, l’arrivée d’une nouvelle génération de chercheurs contribue à renverser la tendance. Mais la visibilité de cette bascule peine encore à se concrétiser.

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