»Le climato-cynisme d’Emmanuel Macron »(Greenpeace)
Jean-François Julliard, le président de Greenpeace France, dénonce dans le JDD, le climato cynisme du chef de l’État.
Tribune :
« Les derniers jours des débats sur la loi Climat et résilience ont été riches d’enseignements sur les renoncements d’Emmanuel Macron et de son gouvernement. Si la page du climato-scepticisme semble tournée, le climato-cynisme est désormais à l’œuvre, cruel aveu du véritable projet présidentiel. Et ce n’est ni une tribune parue la semaine dernière dans Le Monde, et signée par plusieurs ministres et parlementaires, ni la quatrième place de la France dans un classement dont le manque de rigueur méthodologique a été largement dénoncé, qui masqueront la réalité d’une série de promesses présidentielles non tenues.
Tout a commencé, comme souvent avec Emmanuel Macron, par un discours engageant et des punchlines. Ce coup-ci, en avril 2019, il s’agissait d’agir vite pour lutter contre le dérèglement climatique en mettant à la tâche 150 citoyennes et citoyens tirés au sort. Un objectif leur était assigné : « définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030 par rapport à 1990″. Leurs propositions seraient toutes reprises « sans filtre ».
Et puis les fameuses propositions sont arrivées à maturation. Emmanuel Macron en a écarté quelques-unes. Soit ! Les 150 ont froncé le sourcil, mais sont restés optimistes. Puis des ministres ont, à leur tour, balayé d’un revers de la main certaines mesures. Pendant ce temps, les 150 ont entamé une série de réunions de concertation qui se sont rapidement avérées être des séances de confrontation face au tribunal des lobbies. Le moratoire sur la 5G, l’interdiction de la publicité pour les produits polluants, l’interdiction de certaines lignes aériennes et l’écotaxe sur les billets d’avion ont été écartés, souvent au micro d’une matinale radio. Adieu le « sans filtre » ! Et puis est arrivée la grande loi climat. Désormais les 146 propositions allaient se dissoudre dans la lessiveuse parlementaire.
Nous nous attendions à peu, nous avons connu le pire.
Le débat qui s’est achevé la semaine dernière à l’Assemblée nationale, pour la première lecture du projet de loi Climat et résilience, a été vécu comme une double trahison. Celle de l’engagement initial du président de rehausser l’ambition de la France face à son destin climatique, tant le contenu final est faible. Et celle de redonner de la force citoyenne à une démocratie sérieusement malmenée depuis le début du quinquennat.
Le débat parlementaire a été bridé par toute une série de procédés réglementaires. Le temps législatif programmé, laissant peu de temps de parole aux différents groupes, a réduit à peau de chagrin les échanges sur des sujets majeurs pour notre société. Et l’irrecevabilité d’amendements au titre de l’article 45, a été utilisée pour rejeter tout ce qui dépassait l’horizon fixé par le gouvernement. Par exemple, toutes les propositions visant à assortir les aides financières publiques pour les entreprises de conditions sociales et écologiques, ou encore le soutien au train, ont notamment été évacuées sous ce prétexte.
Finalement, le texte qui s’apprête à être voté en première lecture par l’Assemblée le 4 mai prochain, ne répond pas au mandat de départ et conserve à peine 10 % des mesures sorties de la Convention citoyenne pour le climat. Il ne permettra pas à la France d’atteindre une réduction de 40 % de ses émissions de gaz à effet de serre.
La plupart des mesures qui auraient pu permettre aux plus démunis de bénéficier de cette transition écologique ont été enterrées : chèques alimentaires, baisse de la TVA sur le train, un reste à charge zéro sur la rénovation thermique des habitations, etc. Dans la même ligne, les mesures qui avaient pour but de faire participer davantage à l’effort collectif les plus favorisés ont, elles aussi, été rejetées : instauration d’un ISF climatique, interdiction ou taxation des dividendes des entreprises les plus polluantes, malus poids pour les véhicules lourds, augmentation du prix des billets d’avion, notamment en classes affaires, etc.
Pour le climat, c’est raté. Et pour une transition écologique juste, on repassera. L’échec est patent et l’inaction se paye déjà comptant. »
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