« L’entrepreneuriat réponse à l’emploi » ! (Pepy)
Guillaume Pepy, le patron du réseau associatif de financement des entreprises Initiative France, veut mettre la création d’entreprises au coeur de la relance économique. L’ex-PDG de la SNCF souhaite en 2021 accélérer la réorientation de l’économie vers la transition écologique et le numérique. En attendant, les associations membres d’Initiative France doivent encore faire face à « des situations personnelles dramatiques ».
On peut quand même se demander de quel légitimité jouit Guillaume Pépy jouit pour parler d’entreprenariat, lui qui a surtout exercé ses fonctions dans le secteur public et à la SNCF ! NDLR
Interview dans la Tribune
- Plus d’un an après l’arrivée du virus en Europe, quel bilan tirez-vous pour les entreprises accompagnées par le réseau Initiative France ?
GUILLAUME PEPY- Depuis le début de la crise, nous avons assisté à un double mouvement. D’un côté, une réduction des créations d’entreprises de l’ordre de 15%, qui correspond aux deux confinements. Et, en parallèle, une explosion de l’activité de l’accompagnement des jeunes entreprises en difficulté. L’activité du réseau a crû de 70% en 2020. 32.000 entreprises ont été accompagnées durant cette période.
Pour les entreprises créées avant le Covid, le choc a été rude. Elles ont avant tout tout fait pour survivre avant de pouvoir rebondir. De ce point de vue, l’Etat, les régions et Bpifrance ont vraiment fait leur travail. Nos 21.000 bénévoles et 1.000 salariés ont déployé toute leur énergie pour rencontrer les entrepreneurs et les soutenir. Nous avons pu rééchelonner leur prêt, les aider à repositionner leur activité, les orienter parmi les nombreuses mesures qui ont été prises. Toutes ces jeunes entreprises ont bénéficié d’un accompagnement personnalisé et humain déterminant. Les jeunes entreprises qui ont pu résister doivent maintenant construire l’avenir.
Quelles sont les principales difficultés exprimées par les entrepreneurs depuis un an ?
La situation personnelle des entrepreneurs à la tête de jeunes entreprises a été dans certains cas dramatique. Un sur trois n’a reçu aucune rémunération, un autre tiers a connu une baisse de rémunération réduite et seul un tiers a pu s’assurer une rémunération normale. Les sujets de trésorerie ont été très lourds et complexes à gérer. Les plans garantis par l’Etat (PGE) et les rééchelonnements de prêts ont permis de sauver l’essentiel des entreprises. Mais, ce qui a le plus compté, c’est la capacité des entrepreneurs à repositionner leur activité. Beaucoup d’entreprises développaient des activités à l’international. Certaines étaient sur des marchés qui ont tout simplement disparu avec la pandémie. Je pense, par exemple, à des entrepreneurs qui s’étaient lancés dans des activités de tourisme à l’étranger, qui ont su pivoter vers du tourisme de proximité. Ou encore, à ce jeune restaurateur parisien qui s’est lancé dans la préparation de plats pour les professionnels, pour pallier les effets de la crise. Grâce à la crise, certaines personnes ont créé des activités de circuit-court ou dans l’économie circulaire. Les grands vainqueurs de cette crise sont le local et les activités de proximité.
La crise a mis en lumière la fragilité du statut des indépendants. Comment faire pour améliorer leur accompagnement ?
Avec les réformes menées depuis une dizaine d’années comme celle des auto-entrepreneurs, les conditions de création des nouvelles entreprises sont devenues favorables. Des problèmes de bureaucratie existent toujours mais beaucoup d’acteurs, et notamment les banques, jouent le jeu, contrairement à certaines idées reçues. Les grands réseaux comme BNP Paribas, Société générale, Crédit Agricole ont fait des efforts pour accompagner ces entreprises. Les régions et les intercommunalités ont également joué un rôle important en faisant preuve de souplesse sur les différés de loyer, par exemple. Certaines communes ont aidé les entrepreneurs à identifier de nouveaux circuits de commercialisation. Les très petites entreprises et les indépendants ont été aidés grâce à cette mobilisation.
La crise a aussi montré que l’accompagnement par des réseaux comme le nôtre avait une très forte valeur ajoutée sur la pérennité des nouvelles entreprises. Les porteurs de projet qui créent ou reprennent leur entreprise avec le réseau Initiative France ont plus de 9 chances sur 10 de voir leur entreprise encore en activité, après trois ans. Quand ces porteurs de projet travaillent de manière isolée, ils n’ont que 6 chances sur 10 d’être là au bout de trois ans.
Quelle est votre feuille de route pour l’année 2021 ?
La priorité de notre réseau en 2021 est de retrouver le niveau de créations d’entreprises d’avant la crise. On est assez optimiste. Les premiers résultats de créations pour le premier trimestre 2021 sont très encourageants. On constate un vrai engouement pour la création ou la reprise d’entreprise. L’entrepreneuriat est l’une des réponses à la relance et au problème de l’emploi. En 2020, nous allons aussi poursuivre l’accompagnement des entreprises en difficulté. Beaucoup de secteurs sont encore fermés et les entrepreneurs ont besoin de nous.
La troisième priorité est de participer à la réorientation de l’économie autour de la transition écologique et numérique et du retour au local. Dans les deux années qui viennent, nous allons soutenir les entreprises à impact sociétal, environnemental ou territorial, en octroyant 3.000 Labels « Initiative Remarquable ».
Cette feuille de route, nous allons la mettre en œuvre avec nos partenaires, aussi bien l’Etat, les Régions, les intercommunalités et Bpifrance, que les entreprises privées, qui sont de plus en plus nombreuses à s’engager pour la création d’entreprises dans notre pays.
Quel regard portez-vous sur le plan de relance du gouvernement ?
Nos associations sur le terrain l’ont de manière générale trouvé concret et assez complet, avec des ambitions fortes sur l’entrepreneuriat, la transition écologique ou encore la transformation numérique. Il reste que la demande des entrepreneurs n’est pas d’être soutenus à bout de bras par de l’argent public. Leur première demande est de pouvoir travailler à nouveau, dans des conditions respectueuses des consignes sanitaires mais qui leur permettent de retrouver leurs clients et leur chiffre d’affaires. Plus vite la campagne de vaccination avancera, plus les jeunes entreprises pourront redevenir autonomes.
Beaucoup d’économistes redoutent une levée trop rapide des mesures d’urgence. Comment doit s’opérer une telle transition pour limiter les faillites et les destructions d’emplois ?
Cette crise sanitaire, économique et sociale a fait apparaître de nouveaux besoins et des préoccupations nouvelles, comme les services à domicile, les services médico-sociaux, les services de proximité, de l’économie circulaire et les circuits courts. Il y a de nouvelles opportunités d’entreprendre aujourd’hui. A l’autre extrême, des commerces, des activités culturelles attendent toujours de pouvoir rouvrir. Les aides doivent donc être très ciblées et adaptées à la situation de chaque secteur et de chaque entreprise. Un surcroît d’aides pourrait amener certaines entreprises à un niveau d’endettement excessif. L’essentiel, c’est le retour à l’activité et à la consommation, qui permettront aux entreprises de vivre et aux emplois d’exister.
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