- Politique : Le «non au cannabis» torpille la diversité de la majorité
- dans le Figaro le journaliste Matthieu Deprieck estime que d’une certaine façon Macon a brutalement coupé l’air sous le pied des contestataires de la majorité qui sans doute aurait souhaité un débat plus ouvert laissant la place en particulier à la libéralisation du cannabis. Notons que la France est le pays au monde le plus consommateur de cette drogue qui fait surtout des ravages dans la jeunesse.
Article du Figaro
- Le « oui, mais », le « en même temps », les « deux jambes », les phrases à rallonge. De tout cela, il n’était pour une fois pas question dans la bouche d’Emmanuel Macron. Dans un entretien au Figaro lundi, le chef de l’Etat a enfilé les habits du ministre de l’Intérieur pour résumer tout le mal qu’il pense du cannabis : « Dire que le haschisch est innocent est plus qu’un mensonge. Sur le plan cognitif, les effets sont désastreux. Combien de jeunes, parce qu’ils commencent à fumer au collège, sortent totalement du système scolaire et gâchent leurs chances ? Et je ne parle même pas des effets de glissement vers des drogues plus dures (…) On se roule un joint dans son salon et à la fin on alimente la plus importante des sources d’insécurité. »
- Le président, jadis libéral, a éteint toute nuance sur un sujet, qui, justement, en réclame. Les vingt-huit députés membres de la mission d’information portant sur les usages du cannabis en savent quelque chose. Ils ont couvert toutes les sensibilités politiques et les six commissions permanentes de l’Assemblée pour, au terme d’un an d’auditions, conclure qu’on ne répond pas au cannabis « oui » ou « non ».
- « C’est un sujet compliqué », confirme Agnès Firmin Le Bodo, députée Agir de Seine-Maritime. Elue de droite, ancienne adjointe à la sécurité au Havre, professionnelle de santé, elle était « plutôt opposée à ce que l’on autorise certains usages ». Après plus d’un an de travaux, elle a « lentement évolué vers l’idée que nous pouvons trouver un juste milieu ».
- « Effets délétères ». « Si nous voulions arrêter tous les consommateurs, il faudrait procéder à 330 millions d’interpellations par an. Nous n’avons ni les moyens humains, ni les moyens financiers de mener une telle politique », ajoute Caroline Janvier, député LREM du Loiret, rapporteur du volet « cannabis récréatif ». De fait, la seule répression n’a pas empêché la France de devenir le premier consommateur de joints en Europe.
- Ce sera une des leçons des deux rapports remis ces prochains jours : début mai pour le volet récréatif, à la mi-mai pour le rapport général, incluant le thérapeutique et le bien-être. Les députés de la majorité attendaient ce moment pour relancer le débat autour de la réglementation. Dans un souci d’apaisement, ils avaient écarté l’idée de déposer une proposition de loi et misaient plutôt sur des éléments à transmettre à leur futur candidat présidentiel. « Le débat doit avoir lieu en 2022. On ne peut pas l’ouvrir à la hussarde maintenant », explique Caroline Janvier.
- « Rien ne dit que la vérité d’avril 2021 sera celle de janvier 2022 »
- La position de fermeté prise par Emmanuel Macron vient leur couper l’herbe sous le pied. Comment espérer ouvrir un débat quand le futur candidat semble déjà sûr de lui ? Les députés de la majorité se raccrochent à ce qu’ils peuvent. « Sa position n’est pas si ferme que cela. Le Président dit qu’il faut un débat, eh bien, débattons », s’exclame Ludovic Mendes, député LREM de Moselle. « Cette consultation pourrait être intéressante si elle met vraiment à plat tous les enjeux de la consommation de cannabis », abonde le député LREM et porte-parole du parti, Roland Lescure. « La réflexion ne fait que commencer. Le Président propose un débat. Le rapport parlementaire peut l’alimenter. Il nous appartient de convaincre les Français que la légalisation est la meilleure solution », affirme Caroline Janvier.
- Affaire de mots. Dans Le Figaro, le chef de l’Etat envisage effectivement un « grand débat national » mais son intitulé laisse peu d’espoir aux réformateurs : il devrait porter sur « la consommation de drogue et ses effets délétères ».
- « Nous ferons notre travail en montrant que le débat est plus complexe que cela », ne se démonte pas Ludovic Mendes quand Roland Lescure espère que le chef de l’Etat lira les rapports de la mission d’information dont il fait partie. La porte n’est pas fermée, veulent-ils croire, même le député LREM des quartiers nord de Marseille, Saïd Ahamada, qui pourtant salue la fermeté d’Emmanuel Macron. « Les consommateurs de cannabis sont coresponsables de la situation dans les quartiers difficiles. Ils ont du sang sur les mains », dit-il, tout en jugeant que la question de la légalisation se posera, mais plus tard, quand la situation autour des points de deal sera revenue à un niveau plus contrôlable.
- De toute façon, « rien ne dit que la vérité d’avril 2021 sera celle de janvier 2022 », se rassure un député de la majorité, favorable à ce que son futur candidat « bouge » sur la question lors de la prochaine présidentielle. Déjà en 2017, le cannabis avait valu à Emmanuel Macron des critiques en inconstance. Dans son livre Révolution, il semblait prendre position pour un assouplissement de la loi. Quand, quelques semaines plus tard, dans Le Figaro (déjà), il affirmait ne pas croire « à la dépénalisation des petites doses ». Il disait en réalité la même chose : il faut dresser des contraventions aux consommateurs plutôt que de les menacer de peines de prison inappliquées. Ce n’était qu’une affaire de mots : tendres dans Révolution, durs dans Le Figaro.
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