Pénurie de semi-conducteurs : pourquoi ?

  • Pénurie de semi-conducteurs : pourquoi ?
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  • un article du Wall Street Journal qui traite de la pénurie de semi-conducteurs qui pénalisent l’industrie mondiale.
  • Les principaux fournisseurs mondiaux de semi-conducteurs s’efforcent de remédier à la pénurie prolongée de puces électroniques qui a freiné la fabrication de nombreux produits, depuis les appareils électroménagers jusqu’aux voitures, en passant par les ordinateurs.
  • Les producteurs de ces composants tentent de surmonter les tensions sur l’offre en modifiant leurs processus de fabrication et en mettant des capacités non utilisées à la disposition de concurrents, en contrôlant les commandes qu’ils reçoivent pour empêcher toute accumulation de stock et en jouant sur leurs lignes de production. Malheureusement, il n’existe pas de remède miracle et la pénurie se prolongera probablement l’année prochaine, selon les patrons des entreprises du secteur.
  • Au-delà de l’envolée de la demande, les fabricants ont fait face à différents phénomènes qui ont affecté l’offre, et la persistance des tensions politiques entre les Etats-Unis et la Chine tout comme la crainte d’une pénurie de longue durée ont poussé certains industriels à constituer des stocks de semi-conducteurs.
  • La pénurie actuelle concerne aussi des puces moins avancées dont les grands acteurs du secteur s’étaient éloignés au profit de composants de pointe à plus forte marge. Développer de nouvelles capacités de production prend généralement des années.
  • Cette situation pourrait ralentir la reprise post-Covid dans certains secteurs gourmands en semi-conducteurs qui entendent profiter du redressement de la consommation des ménages. Elle alimente aussi les craintes d’un retour de l’inflation, la hausse des coûts des puces électroniques risquant d’entraîner une augmentation des prix dans l’ensemble de l’économie.
  • Assurer l’autosuffisance des Etats-Unis en semi-conducteurs nécessiterait plus de 1 400 milliards de dollars ainsi que des incitations fédérales durant une décennie
  • Bombardée de commandes, l’entreprise californienne de Santa Clara GlobalFoundries, l’un des principaux fondeurs de semi-conducteurs au monde, envoie ces techniciens chercher par tous les moyens des solutions pour augmenter la production de ses usines aux Etats-Unis, à Singapour et en Allemagne. Parmi les options figure le report de certains travaux d’entretien et l’accélération (très marginale) du rythme de défilement des plaques de semi-conducteur le long des lignes de production.
  • « Nous travaillons d’arrache-pied pour essayer d’aller plus vite, de produire davantage », explique le directeur général de GlobalFoundries, Thomas Caulfield.
  • Mardi dernier, au cours d’une réunion avec des patrons de l’automobile et des entreprises technologiques, le président Biden a appelé à une initiative bipartisane visant à renforcer le secteur américain des semi-conducteurs. Il a prévu de consacrer 50 milliards de dollars, dans le cadre d’un plan de 2 300 milliards destiné aux infrastructures, à l’augmentation de la production de ces composants aux Etats-Unis. Cet investissement ne devrait pas changer radicalement les choses : assurer l’autosuffisance des Etats-Unis en semi-conducteurs nécessiterait plus de 1 400 milliards de dollars ainsi que des incitations fédérales durant une décennie, selon l’Association américaine du secteur des semi-conducteurs.
  • Les fabricants affirment pouvoir augmenter à la marge seulement les capacités de production de leurs usines existantes. Construire un nouveau site de production peut prendre des années en raison de l’étendue et de la complexité des équipements et de l’espace nécessaires.
  • La plupart des fabricants ont fait de grands paris stratégiques sur des puces de pointe plus rentables essentielles à la technologie 5G ou aux serveurs informatiques, par exemple. Cette approche a été mise à mal lorsque la pandémie de coronavirus a plongé l’économie mondiale dans l’une des pires récessions de son histoire, déstabilisant les chaînes d’approvisionnement et les comportements des consommateurs. Les fabricants de semi-conducteurs étaient mal équipés pour répondre à la hausse de la demande de composants plus anciens et moins sophistiqués, très utilisés dans la fabrication de produits comme les voitures, les écrans d’ordinateurs ou les haut-parleurs – dont les achats ont fortement augmenté pendant la pandémie.
  • La crise de l’offre a été aggravée par les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, notamment au cours de l’année passée, Washington ayant mené des politiques de restriction progressive des ventes de puces conçues ou fabriquées aux Etats-Unis à certains acheteurs chinois. Craignant des sanctions, les entreprises technologiques chinoises ont constitué des stocks de semi-conducteurs pour se préparer au pire, a indiqué la semaine dernière Eric Xu, le président adjoint de Huawei. Le géant chinois, qui utilise différents types de semi-conducteurs dans ses équipements de télécommunication et ses produits grand public, a accumulé des stocks de composants pour se protéger des restrictions d’exportations américaines.
  • L’envolée de la demande de puces électroniques tire les prix vers le haut et prolonge encore des délais d’attente déjà sans précédent. Des constructeurs automobiles comme Toyota et General Motors ont dû réduire, voire suspendre leur production dans certaines usines
  • « En ce moment, [les entreprises chinoises] stockent des composants pour un mois, trois mois, voire six mois dans certains cas, ce qui perturbe l’ensemble du système », a expliqué M. Xu. Les importations chinoises de semi-conducteurs ont bondi de 15 % l’année dernière et atteint un montant record de 35,9 milliards de dollars en mars, selon les statistiques des douanes chinoises.
  • La fabrication de puces électroniques a été perturbée par divers incidents, dont l’incendie d’une usine au Japon et la vague de froid qui a frappé le sud des Etats-Unis cet hiver, causant l’arrêt de lignes de production. Une sécheresse à Taïwan, acteur majeur du secteur, menace de réduire encore la production de semi-conducteurs, très consommatrice d’eau.
  • Les fabricants de produits à base de semi-conducteurs, de leur côté, accélèrent leur production dans la perspective d’une reprise économique post-Covid. L’envolée de la demande de puces électroniques tire les prix vers le haut et prolonge encore des délais d’attente déjà sans précédent. Des constructeurs automobiles comme Toyota et General Motors ont dû réduire, voire suspendre leur production dans certaines usines.
  • Certains acheteurs indiquent faire face à des retards de six mois ou davantage. « Vous posez la question le lundi, on vous répond qu’il faudra attendre douze semaines. Vous posez de nouveau la question le mercredi, on vous dit que ce sera 27 semaines », raconte Liam Bates, le directeur général de Kaiterra, un fabricant suisse d’appareils de contrôle de la qualité de l’air.
  • Kaiterra, dont les lignes de production sont situées dans le sud de la Chine, renforce ses plans d’urgence pour préparer sa chaîne d’approvisionnement à faire face à toute épreuve à l’avenir. Les ingénieurs affectés à la conception de nouveaux produits consacrent désormais une partie de leur temps à revoir celle des produits existants, afin qu’ils puissent être fabriqués à l’aide de semi-conducteurs différents, dans l’hypothèse où ceux qui étaient prévus n’arriveraient pas. Récemment, l’entreprise a décidé de constituer des stocks d’un an pour certains composants.
  • Les semi-conducteurs sont essentiels à de nombreux secteurs – ils sont le quatrième produit le plus échangé au monde en termes d’import-export après le pétrole brut, le pétrole raffiné et les voitures.
  • Pendant des années, les principaux fabricants de semi-conducteurs ont axé leurs investissements sur des capacités de production visant à alimenter la demande de composants de nouvelle génération, au détriment des puces plus basiques.
  • Mais l’automobile et l’électronique grand public absorbent quantité de ces composants plus rudimentaires. C’est par exemple le cas des puces de gestion d’alimentation qui régulent le flux d’électricité circulant dans un appareil, ou encore des microcontrôleurs, qui remplissent de très nombreuses fonctions.
  • « Il n’existe pas d’appareil électronique sans microcontrôleur, souligne M. Caulfield, le patron de GlobalFoundries. Il est très difficile d’en trouver. »
  • Même les gadgets électroniques sophistiqués intègrent des puces de base nécessaires à leur fonctionnement – de plus en plus, en réalité, y compris pour supporter des technologies de pointe. Un smartphone 5G peut ainsi renfermer jusqu’à huit puces de gestion de l’alimentation, contre deux ou trois pour un appareil 4G, indique Hui He, analyste de la société de recherche Omdia.
  • L’an dernier, selon la société de recherche Gartner, 27 % de l’ensemble des dépenses en matériel de production de semiconducteurs ont été destinés à la fabrication des puces les plus avancées, souvent utilisées dans les smartphones, les ordinateurs haut de gamme et les centres de données. Moins de la moitié d’entre elles, 11 % environ, ont été consacrées aux équipements servant à la production de puces plus basiques.
  • Il faut généralement deux ans au moins pour construire et équiper un site de production de semi-conducteurs, ce qui peut coûter des milliards de dollars. Le prix des machines les plus sophistiquées utilisées dans ces usines dépasse parfois les 100 millions de dollars, et les machines elles-mêmes sont d’une telle envergure qu’elles peuvent nécessiter la mobilisation de trois Boeing 747
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  • Le numéro un mondial de la fonderie de puces, Taiwan Semiconductor Manufacturing, a déclaré à des investisseurs en janvier qu’il travaillait avec ses clients à la mise à niveau de certaines des puces qu’ils utilisent, de façon à ce qu’elles puissent être produites sur des lignes destinées à des composants plus avancés, où les capacités de production sont supérieures. Jeudi dernier, des cadres dirigeants ont expliqué aux investisseurs que certains clients avaient constitué davantage de stocks en raison de la pandémie et des tensions géopolitiques.
  • Basculer des lignes de production d’un type de puce à un autre n’est pas simple parce que cela nécessite des équipements différents, même si certains peuvent être mis en commun.
  • Une pénurie affectant autant de types et de marques de puces en même temps ne s’était jamais produite auparavant, affirme Marcus Chen, vice-président des ventes Asie-Pacifique chez Fusion Worldwide, l’un des nombreux distributeurs mondiaux servant d’intermédiaire dans l’approvisionnement en composants électroniques des acheteurs.
  • Il faut généralement deux ans au moins pour construire et équiper un site de production de semi-conducteurs, ce qui peut coûter des milliards de dollars. Le prix des machines les plus sophistiquées utilisées dans ces usines dépasse parfois les 100 millions de dollars, et les machines elles-mêmes sont d’une telle envergure qu’elles peuvent nécessiter la mobilisation de trois Boeing 747.
  • Une fois le site de production bâti, il faut habituellement trois mois pour produire une puce, voire davantage pour les plus avancées.
  • Les fabricants doivent aujourd’hui décider s’il vaut la peine de parier, à hauteur de plusieurs milliards de dollars, sur une augmentation durable de la demande, ou si celle-ci risque de diminuer au moment où de nouvelles usines seraient prêtes à entrer en production. Beaucoup d’entre eux rechignent à revoir leurs projets de dépenses à long terme sur la base d’une envolée de la demande qui pourrait s’avérer de courte durée.
  • Néanmoins, les plus grandes entreprises de semi-conducteurs se tiennent prêtes à investir des sommes considérables dans l’augmentation de leurs capacités de production. Ce mois-ci, TMSC a dévoilé le plus important investissement de l’histoire du secteur, soit 100 milliards de dollars destinés à renforcer ses capacités sur les trois prochaines années. L’essentiel des dépenses à court terme de l’entreprise sera toutefois destiné à la fabrication de ses puces les plus avancées. Aux Etats-Unis, Intel s’est engagé le mois dernier à investir 20 milliards de dollars dans deux usines en Arizona, et compte annoncer de nouveaux investissements courant 2021. Le sud-coréen Samsung Electronics entend investir 116 milliards de dollars d’ici à 2030 dans la diversification de sa production de puces.
  • En Chine, le président Xi Jinping fait depuis des années de l’indépendance du pays en matière de technologies de pointe comme les puces électroniques une priorité nationale. L’objectif reste cependant difficile à atteindre. L’un des principaux acteurs du secteur a fait défaut sur plusieurs milliards de dollars de dette. D’autres ont été frappés par le contrôle des exportations aux Etats-Unis, qui a limité l’accès aux technologies avancées de production de puces.
  • Le premier fabricant chinois de semi-conducteurs, Semiconductor Manufacturing International, s’est engagé le mois dernier à investir 2,35 milliards de dollars avec le soutien d’un gouvernement local pour la construction d’une nouvelle usine axée sur des puces plus anciennes. L’entreprise basée à Shanghai prévoit une mise en service du site l’an prochain. L’augmentation de la production se heurte toutefois à la difficulté de s’approvisionner en équipements nécessaires, a expliqué Haijun Zhao, le directeur adjoint de l’entreprise, à des investisseurs en février.
  • Les fabricants de semi-conducteurs font face à un doublement, voire un quadruplement, des délais de livraison de machines essentielles à leur production, indique Bruce Kim, le patron de SurplusGlobal, qui vend du matériel de production d’occasion.
  • Chez GlobalFoundries, M. Caulfield précise que l’entreprise compte investir 1,4 milliard de dollars dans l’augmentation des capacités de production de ses usines existantes cette année, et qu’elle doublera probablement ses dépenses l’année prochaine. Certains de ses clients se sont engagés à participer aux investissements pour sécuriser des capacités de production à venir, leur participation représentant 30 % des investissements réalisés cette année, selon M. Caulfield. Avant la pandémie, il n’en avait jamais été question.
  • « De nombreux clients nous disent, “Je ne peux pas laisser cela se reproduire, mon entreprise est trop importante’’ », rapporte M. Caulfield.
  • Le directeur général d’Intel, Pat Gelsinger, a indiqué que l’entreprise libérerait une partie de ses capacités de production pour la fabrication de puces qui se font particulièrement rares et sont nécessaires aux équipementiers automobiles. L’offre pourrait commencer à s’améliorer dans six à neuf mois, a estimé M. Gelsinger lors d’un entretien.
  • Selon Guy Eristoff, le directeur stratégique du fondeur Tower Semiconductor basé en Israël, il est possible d’accélérer la fabrication de semi-conducteurs jusqu’à 3,5 fois par rapport à son rythme habituel en séparant les lignes de production de façon à ce que les puces prioritaires soient traitées rapidement. Certains équipements peuvent être utilisés plus longtemps avant de subir des travaux d’entretien préventifs, même si cela peut signifier une baisse de rendement.
  • « Certains clients accélèrent leurs commandes pour être livrés plus tôt et constituer des réserves, entraînant un déséquilibre entre l’offre et la demande »
  • Au total, ces mesures permettent de ramener à trente ou quarante jours le délai de production de certaines puces, contre 120 habituellement, affirme M. Eristoff. Néanmoins, les délais de production globaux d’autres puces en seraient rallongés. Au mieux, un site de production peut ainsi augmenter sa capacité de production de 5 %, durant six mois au maximum.
  • « Il existe pas mal de petits détails sur lesquels on peut jouer, note M. Eristoff. Mais faute d’acheter de nouveaux équipements, il n’est pas passible de produire durablement beaucoup plus qu’on ne le fait aujourd’hui. »
  • Alors que certains acheteurs paniquent et augmentent leurs volumes de commandes ou s’adressent à plusieurs fabricants en même temps, les fournisseurs craignent que l’envolée de la demande ne dure pas. A San Jose en Californie, Broadcom, l’un des leaders mondiaux des semi-conducteurs, tente de déterminer si les commandes qu’il reçoit correspondent à la demande réelle. L’entreprise a récemment rappelé à ses investisseurs qu’elle n’autorisait pas ses clients à annuler leurs commandes, afin d’en dissuader certains de passer commande uniquement par peur de manquer.
  • « Certains clients accélèrent leurs commandes pour être livrés plus tôt et constituer des réserves, entraînant un déséquilibre entre l’offre et la demande », a expliqué le directeur général, Hock Tan, aux investisseurs. Les carnets de commandes de l’entreprise sont déjà pleins à 90 % pour cette année.
  • Les constructeurs automobiles font partie des acheteurs qui ont souffert le plus de la pénurie, les véhicules intégrant davantage de semi-conducteurs que jamais. L’électronique représentait plus de 40 % du coût total d’une voiture en 2017, soit le double de 2007, selon la société de conseil Deloitte.
  • L’utilisation de ces composants devrait encore s’accroître, tout comme leurs coûts. Le spécialiste allemand des puces pour l’automobile Infineon Technologies prévoit que le coût des puces utilisées dans les véhicules autonomes bondisse à 1 200 dollars environ d’ici à 2030, alors qu’il s’établit aujourd’hui à quelque 170 dollars pour les modèles de niveau 2, c’est-à-dire partiellement automatisés.
  • Nanoleaf, spécialiste canadien de l’éclairage intelligent dont la production se concentre essentiellement à Dongguan, dans le sud de la Chine, a indiqué qu’il comptait auparavant deux à quatre mois de délai de livraison pour ses puces. Aujourd’hui, ses fournisseurs lui demandent de passer commande pour les composants qu’il souhaite recevoir en janvier ou mai 2022.
  • « L’argent n’est presque même plus une question en ce moment. Tout ce qui importe, c’est ce qu’on peut espérer obtenir », note Christian Yan, le directeur opérationnel de Nanoleaf. M. Yan déclare ne pas savoir combien de semi-conducteurs son entreprise recevra au second semestre de cette année. « Il faut plaider sa cause », explique-t-il.
  • Pour Tower Semiconductor, répondre à la demande de ses clients prend la forme d’un délicat exercice d’équilibre nécessitant de tenir compte de facteurs comme les marges de ses clients, leurs volumes de commandes, leur fidélité et leur potentiel commercial.
  • « C’est une décision extrêmement difficile à prendre, déclare M. Eristoff. On peut mettre une entreprise en difficulté. »
  • Robert Wall à San Francisco a contribué à cet article
  • (Traduit à partir de la version originale en anglais par Anne Montanaro)

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