« Paroles de lecteurs » – sur les réunions non-mixtes
« Ce qui compte vraiment, [...] c’est non pas d’être entre soi pour libérer la parole, mais d’être en majorité, estime Sylvain Cypel, psychologue clinicien, au sujet de la polémique sur les réunions non mixtes racisées. L’éventuelle contradiction apportée par les non-pairs, en général majoritaires dans la société, [...] ne peut qu’enrichir le débat. »
Je souhaite réagir à l’entretien avec [le sociologue] François Héran publié dans Le Monde. Tout d’abord, je précise que j’ai été, de 1998 à 2000, président du Beit Haverim – Maison des Amis en hébreu -, à l’époque Groupe juif gay et lesbien, devenu depuis Groupe juif LGBTQI+. À cette époque déjà, nous nous interrogions sur la question de la mixité ou de la non-mixité au sein de l’association : place des femmes, expression du sexisme et du racisme à proscrire, besoin de s’exprimer par sous-groupes.
Nous avions à cette période créé des forums de discussions et de débats : forum Sida, forum Judaïsme et homosexualité, forum Parentalité. Chacun et chacune pouvait y assister, nul besoin d’être séropositif au VIH, d’être juif ou juive ni d’être parent. Se posa alors la question de créer un forum Haverot [...] – Amies en hébreu.
Pour en revenir à la tribune de François Héran, ce dernier évoque l’association Femmes de l’intérieur, créée par des femmes et pour des femmes au ministère de l’intérieur et néanmoins ouverte aux hommes. En 1999, j’avais fait le même pari que les Femmes de l’intérieur, à savoir que j’avais proposé que le forum Haverot fut ouvert aux hommes. Je me suis rendu, à dessein, à la première réunion, j’y ai pris avec réserve la parole, ce qui signifie que, contrairement à la déclaration d’Audrey Pulvar sur la mixité et la prise de parole, je ne considère pas qu’il soit primordial de se taire. Un homme qui soutient la cause des femmes peut, selon moi, tout à fait exprimer des paroles qui s’avèrent utile à ladite cause. Il s’avéra, comme au sein des Femmes de l’intérieur, que les réunions suivantes du forum Haverot furent entièrement féminines.
C’est là que je me détache nettement de François Héran. De fait, ce dernier semble présenter la manière d’ouvrir par défaut le groupe des Femmes de l’intérieur aux hommes comme mineure. Ce n’est evidemment pas le cas. [...] Car en fait, ce qui compte vraiment, et mon expérience le montre, c’est non pas d’être entre soi pour libérer la parole, mais d’être en majorité.
[...] Le même débat se tint il y a quelques années dans l’association Equivox, choeur gay et lesbien de Paris. L’arrivée soudaine en nombre de femmes hétérosexuelles provoqua des interrogations et de fortes récriminations de la part de certaines lesbiennes du groupe. À nouveau, il est important de préciser que des femmes et des hommes non homosexuels ont été de tout temps accueillis chez Equivox.
Ce qui tout à coup déstabilisa le choeur, ce fut justement la crainte de se retrouver minoritaire par rapport à la vocation initiale du groupe, à savoir rendre possible l’existence d’un espace de socialisation ouvert en priorité aux homosexuel(le)s pour qu’ils et elles puissent disposer d’un lieu où se sentir à l’aise. Pas besoin d’expliquer aux autres membres ce que c’est qu’être homosexuel(le)s, tout le monde le sait. On peut ainsi se concentrer sur l’essentiel : comment vivre avec les discriminations ? Comment les affronter ? Comment agir et se battre pour qu’elles régressent ?
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