Le retour d’un nationalisme guerrier ?
Dans un entretien au « Monde », le général Henri Bentégeat, vice-président du Comité d’éthique de la défense, analyse les nouvelles formes de guerre – actions terroristes, cyberattaques, guerre informationnelle et opérations conventionnelles – et les méthodes de dissuasion pour y répondre.
Ancien chef d’état-major des armées (2002 -2006) et aujourd’hui vice-président du Comité d’éthique de la défense, le général Henri Bentégeat étudie les nouveaux défis géostratégiques.
La France aujourd’hui a-t-elle d’autres ennemis que le terrorisme ?
La formule de « guerre contre le terrorisme » lancée par George W. Bush après les attentats du 11 septembre 2001, à New York, ne veut pas dire grand-chose. Nous, les militaires, n’aimons pas que l’on réduise l’ennemi au terrorisme, car le terrorisme est avant tout un mode d’action. L’ennemi, ce sont les groupes terroristes, tels que l’[organisation] Etat islamique, Al-Qaida Boko Haram…, cette nébuleuse de groupes djihadistes et tout ce qui s’y rattache. Mais, si la France aujourd’hui n’a pas d’ennemi déclaré en dehors de ces groupes terroristes, elle ne s’en prépare pas moins aussi à l’hypothèse d’un engagement majeur.
Donc à un affrontement avec un Etat ?
C’est le rôle de l’armée que d’envisager toutes les hypothèses, y compris celle d’un combat conventionnel de haute intensité. Le contexte international a changé. Nous assistons à un grand retour des nationalismes, qui s’accompagne d’une certaine désinhibition quant à l’emploi de la force. En témoignent l’annexion de la Crimée par la Russie aux dépens de l’Ukraine, en 2014, ou l’opération menée en Syrie par les forces russes. On le voit avec les actions menées par la Turquie en Libye, en Méditerranée orientale, ou avec le Haut-Karabakh. C’est aussi la politique de Pékin en mer de Chine méridionale. Le recours à la force par les Etats et entre Etats redevient une option envisageable alors qu’elle ne l’était plus depuis la fin de la guerre froide. Mais ces Etats, tout en étant des concurrents, des rivaux, voire des adversaires, restent aussi, dans d’autres domaines, des partenaires.
Les nouvelles formes de guerre ne rendent-elles pas toujours plus difficile la détermination de qui est l’ennemi ?
Oui, d’autant que la guerre hybride se caractérise par des acteurs multiples avec des motivations différentes : des organisations terroristes, des Etats, des Etats faillis, des voisins qui veulent s’en mêler, les grandes puissances qui y mettent leur nez y compris de façon indirecte, sans parler des grands réseaux de criminalité internationale. Les modes d’action aussi sont multiples : actions terroristes, cyberattaques, guerre informationnelle et opérations conventionnelles. Il y a trop d’acteurs pour que l’on puisse dire avec précision qui est vraiment l’ennemi. La guerre syrienne était et reste révélatrice d’une telle imbrication. La population est à la fois la victime, l’enjeu et la complice de tel ou tel acteur selon les moments…
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