Comment lutter contre l’intox ?

Comment lutter contre l’intox ?

 

L’enchevêtrement des récits scientifiques, médiatiques et politiques, accéléré par la pandémie, conduit à une confusion entre autorité et popularité. Dans cette cacophonie, il y a urgence à mettre en place une éducation aux médias, estime le professeur en sciences de l’information et de la communication Laurent Petit dans une tribune au « Monde ».

 

Tribune.

 Porter à la connaissance d’un public élargi des faits qui n’auraient naguère circulé qu’entre spécialistes n’est pas un phénomène nouveau. Que l’on songe à l’étude du professeur Gilles-Eric Séralini parue en 2012 sur la toxicité à long terme d’un herbicide très connu et d’un maïs génétiquement modifié sur des rats de laboratoire. Ou à l’affaire du traitement par l’hydroxychloroquine proposé par le professeur Raoult. Et dernièrement, à la controverse sur l’islamo-gauchisme.

Cette circulation entre les sphères scientifique, médiatique et politique, que la pandémie semble avoir accélérée, n’est pas un problème en soi, à ceci près que la réponse à la question « qui dit vrai ? » n’a pas le même sens dans ces différentes sphères.

Si nous ne sommes pas entrés collectivement dans une « ère de post-vérité » comme on l’entend trop souvent, nous sommes assurément dans une époque de « mal-information » qui résulte, plus que de son abondance en tant que telle, d’un enchevêtrement des récits répondant à des régimes de vérité différents.


A la question « Y a-t-il des vérités établies ? », Nathalie, professeure de philosophie dans le film L’Avenir (2016), de Mia Hansen-Løve, interprétée par Isabelle Huppert, répond à ses étudiants qu’il en existe évidemment et qu’elles le sont par le temps. La dimension temporelle est essentielle certes, mais il manque dans ce dialogue les réponses à au moins deux questions : « par qui ? » et « comment ? ».

Pas de vérité éternelle

Introduire de la contingence dans l’établissement des vérités ne revient pas à les relativiser irrévocablement mais à affirmer qu’est vrai ce qui est considéré comme tel par une majorité d’acteurs d’une sphère donnée.

Cette assertion est valable y compris dans la sphère scientifique dans laquelle il n’y a pas de vérité éternelle mais établie sur un temps long par les pairs et selon des méthodes propres à chaque discipline. Tous les scientifiques le savent parfaitement, mais le « grand public » le découvre avec effarement.

A tout mettre sur le même plan, l’enchevêtrement des récits qui en résulte aboutit le plus souvent à une cacophonie, dont l’échappatoire peut sembler résider dans la recherche d’un indice de popularité, comme nous ont habitué à le faire les géants du Web – Google en premier lieu – pour qui un clic équivaut à un vote.

Dans ce régime où l’autorité et la popularité se confondent, un récit est plus vrai qu’un autre s’il est plus populaire qu’un autre. Quand on ne sait plus où est la vérité, alors pourquoi ne pas choisir le récit le plus facile à comprendre, le plus facile à répandre, le plus conforme à ses préjugés, celui qui demande le moins d’efforts, qui ne nécessite pas de remise en cause de ses schémas préconçus, quand il n’alimente pas une tentation nihiliste, voire complotiste ?

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