Réforme de l’ENA ou de l’État?
Au-delà du caractère populiste de l’annonce de la suppression de l’Ecole nationale d’administration, l’accuser de tous les maux dénote l’absence d’une vision globale susceptible de réformer l’Etat, souligne Jacques Grosperrin, sénateur (LR) du Doubs et secrétaire du bureau du Sénat, dans une tribune au « Monde ».
Tribune. Représentant du Sénat au conseil d’administration de l’Ecole nationale d’administration (ENA), j’ai appris par la presse la volonté jupitérienne du président de la République de supprimer l’école. Au-delà de l’irrespect sur la forme, cette annonce brutale dissimule mal une volonté tactique et politicienne qui ne leurre personne. L’ENA est le bouc émissaire idéal des difficultés que le président Macron connaît depuis le début de son mandat. Et pas seulement depuis le début de la crise du Covid.
Ce signal populiste et antiélites, adressé à des « gilets jaunes » qui n’en demandaient pas tant, s’ajoute à d’autres accusations qu’il a déjà proférées, notamment contre « l’Etat profond ». Cette expression, aux résonances complotistes, est inquiétante. Elle dénote une fébrilité que des colères surjouées contre les lenteurs de son gouvernement viennent souvent mettre en scène.
On attend avec impatience que le président se sépare, si ce n’est de lui-même, du moins de l’ensemble des énarques et membres de sa promotion dont il est entouré…
L’Etat n’est pas un jouet à la disposition d’un seul… Le président Macron se trompe s’il prétend s’exonérer de toute responsabilité politique en mettant en cause sa propre administration. C’est une formidable preuve de faiblesse pour la « start-up nation » que d’avouer ne pas être en capacité d’orienter l’appareil de l’Etat. Car les Français ne sont pas dupes : c’est le politique qui est en charge des affaires publiques. C’est à l’exécutif de diriger notre pays.
L’incompréhension est totale lorsqu’il est signifié à tous les fonctionnaires passés par l’ENA qu’ils ont été mal formés et sont coupables des difficultés du pays. L’imprévisibilité disruptive d’un seul homme prétendant décider de tout n’est pas acceptable pour une société démocratique comme la nôtre. On attend avec impatience que le président se sépare, si ce n’est de lui-même, du moins de l’ensemble des énarques et membres de sa promotion dont il est entouré…
Les concessions au populisme ne font pas une politique car l’ENA n’est pas la caricature que le pouvoir en place veut en faire. Elle s’est beaucoup réformée depuis de nombreuses années, ses objectifs stratégiques ont permis une réelle promotion de la diversité et de l’égalité des chances : depuis la mise en place en 2009 des classes préparatoires, avec au moins 30 % des postes mis au concours, des bourses, des facilités de logement, jusqu’à des réformes plus récentes, avec le concours « talents » et la création d’un concours scientifique.
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