Relance et marché ne sont pas contradictoires

Relance et marché ne sont pas contradictoires

 

La chercheuse en science politique Ulrike Lepont relativise, dans une tribune au « Monde », le « retour de l’Etat » aux commandes de l’économie, car ni la nécessité de réduire son périmètre ni la priorité donnée au secteur privé pour l’allocation des ressources ne sont remises en cause.

 

 

 

Tribune. 
Après plusieurs décennies où l’Etat avait été assigné à s’en tenir à un rôle de garant du respect des règles de la concurrence et de contrôle de l’inflation par la seule politique monétaire, les plans de relance européens actuels, de par leur ampleur, sont souvent interprétés comme la marque d’un retour de l’Etat dans l’économie. Le recours à la politique budgétaire du « quoi qu’il en coûte », mais aussi à la politique industrielle via des investissements publics dans des secteurs jugés stratégiques pour la croissance future, est à nouveau légitime pour stimuler l’activité économique du pays. Ce phénomène n’est en réalité pas simplement conjoncturel : il s’inscrit dans un processus engagé depuis la crise de 2008, du fait de l’échec de la politique monétaire européenne à relancer la croissance de la zone euro, ainsi que de la montée du patriotisme économique à l’échelle internationale.

Pour autant, cette relégitimation des politiques industrielle et budgétaire est loin de signer le retour de l’Etat keynésien d’après-guerre. Du point de vue de la politique industrielle tout d’abord, les investissements publics sont conçus selon des objectifs et des modalités diamétralement différents. Durant les « trente glorieuses », l’objectif des politiques d’investissement était, pour l’Etat, de structurer des secteurs économiques entiers, parfois directement par des nationalisations, parfois par des subventions qui lui permettaient d’influer sur les choix de développement des entreprises. Il s’agissait ainsi de contrôler le marché, voire, pour certains secteurs comme l’énergie, de s’y substituer.

Les politiques d’investissement actuelles visent au contraire à encourager le développement des acteurs privés et du marché en déterminant des objectifs généraux – comme la transition écologique –, mais sans intervenir dans les stratégies des acteurs économiques. Elles s’appuient, pour ce faire, sur des instruments financiers comme des prêts, des prises de participation sous forme de capital-risque ou des garanties qui sont délivrées en premier lieu par les banques publiques d’investissement – dont l’activité a explosé depuis une décennie.

 Ces financements sont octroyés sur le critère de la rentabilité financière des projets et de la promesse d’un « retour sur investissement » pour l’Etat, mais sans exigence de contrepartie en matière de gouvernance. De plus, quand l’Etat investit par le biais des banques publiques d’investissement au capital d’entreprises, l’objectif est de s’en retirer dès que l’activité est rentable, de manière à réinvestir dans d’autres activités émergentes prometteuses, sur le modèle d’un fonds d’investissement. Enfin, l’Etat n’investit jamais seul, mais en cofinancement avec des acteurs privés, ce qui lui permet de miser sur l’« effet levier », mais qui réduit également sa capacité de contrôle.

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