L’universalisme en question ?
En France, toutes les libertés fondamentales sont « indivisibles » rappelle le sociologue et démographe qui estime que certains défenseurs de l’universalisme républicain occultent l’ampleur des discriminations ethno-raciales et religieuses. ( Le Monde)
Elu en 2017 professeur au Collège de France sur la chaire « Migrations et sociétés », François Héran dirige l’Institut Convergences Migrations après avoir présidé aux destinées de l’Institut national d’études démographiques pendant plus de dix ans. Dans un texte écrit après l’assassinat de Samuel Paty, Lettre aux professeurs sur la liberté d’expression (La Découverte, 252 pages, 14 euros), le sociologue et démographe plaide en faveur d’une République qui sache faire vivre la « règle d’or du respect mutuel ».
Dans une démocratie libérale, écrivez-vous, la liberté d’expression et la liberté de conscience forment un « couple inséparable ». Comment se conjuguent-elles, en France, depuis 1789 ?
La liberté d’expression tend aujourd’hui à étouffer ou absorber la liberté de croyance alors que, historiquement, ce sont des tours jumelles. Dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ou la Convention européenne des droits de l’homme de 1950, elles sont toujours consacrées dans deux articles successifs : le premier pose le principe de la liberté, le deuxième rappelle qu’elle s’exerce dans les limites de la loi. A charge pour le législateur ou la justice de veiller à ce que ces limitations ne soient pas liberticides.
Mais rien n’est dit sur la façon d’articuler liberté d’expression et liberté de croyance, sans oublier le lien avec les libertés connexes : droit d’association, dignité des personnes, respect des droits d’autrui. La dure tâche de « mettre en balance » les libertés revient donc à la justice nationale et européenne. Or c’est un principe majeur parfois oublié en France : les libertés fondamentales sont « indivisibles », on ne peut pas jouir de l’une en écartant les autres. La Convention européenne n’est pas un Mikado dont on pourrait retirer une poutre à sa guise, c’est un édifice cohérent.
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