« Un revenu minimum pour les jeunes »? Louis Schweitzer
Dans la Tribune , Louis Schweitzer l’ancien patron de Renault milite pour un revenu minimum pour les jeunes. Le problème sans doute ce qu’il souhaite le généraliser pour ceux qui sont en formation comme pour les autres. Bref un copier coller du RSA actuel qui n’a pas vraiment fait la preuve de sa capacité d’insertion professionnelle.
- Quels sont les grands enseignements du dernier rapport du comité d’évaluation ?
LOUIS SCHWEITZER - Le comité a d’abord regardé si les mesures adoptées dans la Stratégie de 2018 avaient été effectivement mises en œuvre. Il a constaté qu’elles avaient été inégalement appliquées. Certaines avaient complètement été mises en œuvre, la plupart ont commencé à être appliquées et certaines ont été tout simplement abandonnées comme le revenu universel d’activité (RUA).
La prime d’activité a eu un impact très important sur le nombre de personnes pauvres en 2019 selon des chiffres encore provisoires. Elle a réduit la proportion de personnes pauvres de 0,7 point. Le total de personnes pauvres est de 14,3% en France. Il faut néanmoins rappeler que la prime d’activité ne bénéficie qu’aux personnes ayant un salaire supérieur à 0,5 SMIC. Elle ne touche pas les plus pauvres.
La prime d’activité s’applique au profit d’actifs pauvres car elle peut toucher les actifs à temps partiel. C’est un dispositif bienvenu car beaucoup de personnes à temps partiel ont vu leur temps de travail diminué. La prime d’activité est tout à fait justifiée et pertinente. Le comité aurait souhaité qu’elle soit complétée par des mesures en faveur des plus pauvres. Dans ce domaine, il y a eu une subvention exceptionnelle de 100 millions d’euros pour les associations qui luttent contre la pauvreté. Cette somme est beaucoup plus faible que les charges supplémentaires assumées par ces associations. Il existe un autre problème majeur. Un tiers des personnes qui auraient le droit aux prestations destinées aux plus pauvres, notamment le RSA, n’en bénéficient pas.
Par ailleurs, les mécanismes de chômage partiel et de différé de l’assurance-chômage ont bénéficié d’abord aux personnes qui avaient une activité relativement bien rémunérée. Ceux qui vivaient de petits boulots à temps partiel n’ont pas bénéficié de mesures spécifiques pour compenser l’impact de la crise. Or ces personnes qui avaient des petits boulots souvent à temps partiel ont été particulièrement affectées par la crise.
Comment expliquez vous un tel niveau de non-recours de certaines prestations ?
Les démarches sont parfois compliquées pour ces personnes. Elles ne savent pas toujours que ces droits existent. La quantité de documents à remplir peut être décourageante. Un des objectifs majeurs de stratégie de lutte contre la pauvreté doit être que les personnes qui ont droit à des prestations puissent en bénéficier. L’une des mesures recommandée par le comité est de renforcer tous les moyens pour approcher le plus faible taux de non-recours. Tous ceux qui ont droit à des mesures d’aides contre la pauvreté doivent en bénéficier effectivement.
Les jeunes ont particulièrement souffert depuis le début de la pandémie. Êtes-vous favorable à une extension du RSA aux jeunes de moins de 25 ans ?
Dans le dernier rapport, le comité propose une mesure pour accorder un revenu minimal aux jeunes de 18 à 24 ans. Il suggère que ce régime soit rendu cohérent avec le régime des étudiants. Le dispositif doit s’appliquer autant aux étudiants, aux jeunes qui ne sont ni en emploi ni en formation (NEET) et les jeunes qui ont de très faibles ressources issues du travail. Il s’agit d’un système unique applicable aux jeunes. Ce système prendrait en compte le soutien familial quand celui-ci peut s’exercer. Il n’y a pas de raison de traiter différemment sur ce point une personne qui fait des études ou une personne qui a un petit boulot ou est au chômage. La proposition du comité est d’avoir un régime homogène, cohérent pour toutes les catégories des jeunes de 18 à 24 ans. Chez beaucoup de nos voisins, les jeunes de 18 à 24 ans bénéficient d’un revenu minimum. En revanche, ce n’est pas vraiment un RSA car cette proposition prend en compte la solidarité familiale. Beaucoup de jeunes de 18 à 24 ans n’ont pas de revenu propre mais ils bénéficient de fait de la solidarité familiale.
Quelles pourraient être les répercussions de la pandémie sur la pauvreté ?
Pour le moment, il n’existe aucune donnée chiffrée. Les dernières remontent à 2019. Cet été, les chiffres provisoires devraient sortir pour 2020 et des chiffres plus complets devraient sortir en 2022. C’est pourquoi nous allons à l’automne 2021 faire une note spéciale sur les conséquences de la pandémie. Les associations et réseaux associatifs ont noté dans leurs études ou leurs activités comme la distribution de repas gratuits qu’il y avait une hausse significative du nombre de personnes qui avaient recours à leurs services.
Il y a eu également une forte hausse du nombre de bénéficiaires du RSA. Cette hausse n’est pas tellement liée à de nouveaux arrivants dans le RSA. Les gens ont plus de mal à sortir de leur situation de pauvreté. Ces effets indiquent que la France devrait connaître une hausse de la pauvreté. Cet accroissement devrait se poursuivre en 2021. Les mesures spécifiques au chômage partiel vont disparaître alors que les effets de la crise vont se prolonger. La crise devrait toucher de nouvelles personnes en situation de pauvreté. Je pense notamment aux indépendants et aux patrons de petites entreprises. Beaucoup, parce que leur entreprise était déjà fragile avant la crise, n’ont pas pu profiter des prêts spéciaux accordés aux chefs d’entreprise dans le cadre de la lutte contre les conséquences de la pandémie.
La stratégie adoptée par le gouvernement pour tenter de freiner la pauvreté depuis le début de la pandémie vous paraît-elle à la hauteur des enjeux ?
Il y a plusieurs phases. Dans les premières mesures annoncées en juin 2020, la situation des pauvres n’avait pas été prise en compte. A l’automne 2020, le gouvernement de Jean Castex a pris un certain nombre de mesures significatives orientées vers les personnes pauvres. Ces mesures pour l’essentiel ne touchaient pas les pauvres parmi les pauvres. Je pense que les mesures actuelles devraient être complétées par d’autres dispositifs visant les plus vulnérables comme les jeunes. Si en moyenne le taux de pauvreté est de 14,3%, il atteint plus de 20% chez les jeunes. Ces derniers qui démarrent dans la vie professionnelle sont touchés plus que d’autres par la pandémie.
Les familles monoparentales traversent également une période extrêmement difficile. 35% des familles monoparentales sont en situation de pauvreté. Dans ces familles, la pandémie a des conséquences graves. Lorsque les écoles ou les systèmes de garde sont fermés, les capacités de travailler diminuent encore pour les parents uniques. Il s’agit d’une situation spécifique de personne particulièrement affectée par la pauvreté.
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