L’histoire des pandémies
Patrick Berche, ancien directeur général de l’Institut Pasteur de Lille, était l’invité d’Europe 1. Il publie un ouvrage qui revient sur l’histoire des pandémies et qui montre que l’on retrouve certaines caractéristiques à travers les âges.
INTERVIEW
Patrick Berche, ancien directeur général de l’Institut Pasteur de Lille, publie avec Stanis Perez un imposant ouvrage, Pandémies – Des origines à la Covid-19 aux éditions Perrin. Ils reviennent sur l’Histoire des pandémies et montrent comment l’Homme a à la fois appris de ses erreurs, et en a répété d’autres. Une chronologie de la lèpre au Covid-19 rendue possible notamment grâce à « une science nouvelle qui émerge depuis vingt ans, qui est l’archéobiologie », rappelle Patrick Berche. « On peut maintenant, à partir de l’ADN ou des acides nucléiques, retrouver les traces de peste ou de variole à partir d’ossements humains. »
Recherche de boucs émissaires
On retrouve donc des traces très anciennes de maladies telles que la tuberculose, la peste ou la variole, également appelée peste antonine et qui a frappé l’Empire romain au IIe siècle. « L’Empire romain, c’est le début de la mondialisation, quand les pays sont gérés administrativement comme une seule entité. Les maladies circulent à toute allure et c’est ce qui s’est passé pour la peste antonine », explique l’ancien directeur de l’Institut Pasteur. Viennent ensuite au Moyen-Âge deux grands fléaux, la peste noire et la lèpre, qui suscitent une terreur collective et contribuent à désigner des boucs émissaires, que ce soient les juifs, les lépreux et les mendiants. Une « recherche de boucs émissaires qui existe dans toutes les pandémies, y compris aujourd’hui », souligne Patrick Berche.
L’impact des voyages et la tentation de la fermeture des frontières
A partir du 16e siècle a lieu la première mondialisation des virus et des bactéries, qui passent d’un continent à l’autre au gré des voyages et des découvertes. « La découverte de l’Amérique a été une catastrophe pour les Amérindiens. Les Européens, soit directement, soit par l’intermédiaire de la traite des esclaves noirs, ont amené la variole, que ne connaissaient pas les Amérindiens, la rougeole et toute une série de maladies. Et Christophe Colomb, dès son premier voyage, a ramené la syphilis en Europe », détaille l’ancien directeur.
Dès lors et comme actuellement, la tentation est grande de fermer les frontières pour se protéger. Pour contenir la peste, Voltaire préconise ainsi le contrôle ou la fermeture des frontières. « C’est un réflexe pour toutes les maladies contagieuses. On ne savait pas exactement quelle était l’origine. Les germes n’ont été trouvés que beaucoup plus tard avec Pasteur, et donc la seule façon de se garantir de ne pas attraper la maladie était de fuir ou de se barricader. Alors on a construit des murs, comme en Provence avec un mur de la peste en 1720, lors de la peste de Marseille, qui a été la dernière grande épidémie en Europe et en France. Mais on ne connaissait pas le fait qu’il existait des porteurs sains qui peuvent, sans bruit, franchir les frontières alors qu’ils sont en bonne santé. »
En 1867, Jules Lemaire découvre que les maladies sont liées à la présence de micro-organismes, ensuite étudiées par Pasteur. « A partir de 1878, c’est la révolution Pastorienne, où il déclare à l’Académie de médecine que les maladies sont dues à des germes spécifiques. C’est un tournant majeur dans l’histoire de l’humanité », relate Patrick Berche.
L’origine animale
À l’origine de toutes ces maladies, les auteurs de l’ouvrage rappellent qu’il y a la plupart du temps des animaux. Ce n’est pas le cas de la tuberculose ou du choléra, « les deux exceptions », mais « presque toujours les animaux sauvages ou domestiques sont à l’origine de nos maladies. La coqueluche, par exemple, vient bien des bovins, la lèpre vient probablement des primates et des écureuils roux qui sont contaminés. On a pu le montrer par des méthodes de biologie moléculaire. La syphilis vient des primates également et elle a été transmise tout en évoluant avec les espèces vivantes », détaille l’ancien directeur de l’institut Pasteur de Lille au micro d’Europe 1.
Se préparer à la prochaine pandémie
Finalement, il faut « se préparer » à avoir « d’autres pandémies », conclut Patrick Berche. « Nous sommes à peu près 7,2 milliards d’individus très urbanisés, avec des voyages aériens à 4,6 milliards de personnes en 2019, en contact avec des réservoirs animaux, donc nous sommes très vulnérables. »
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