Croissance France : révision en baisse par le ministre de l’économie
Le ministre de l’économie reconnaît dans le JDD que les nouvelles mesures restrictives vont peser sur une croissance déjà fragile. Officiellement , le gouvernement a retenu une perspective de croissance de 6 %. Le nouveau reconfinement pourrait faire diminuer cette perspective de 1 % si toutefois les mesures sont limitées à quatre semaines comme prévu. Cependant les restrictions pourraient être prolongées en mai voir au-delà et du coup la croissance pourrait être divisée par 2à savoir 3 % au lieu de 6%. Pour l’instant, le ministre de l’économie se fonde sur une limitation des mesures restrictives et ne prévoit qu’une baisse de 1 % du P IB, soit 5 % au lieu de six.
Interview
Quelles conséquences vont avoir les nouvelles mesures de restrictions sur l’économie française?
Fermer les établissements scolaires et 150.000 commerces est indispensable pour freiner la circulation du virus. Mais ces mesures auront un impact sur l’économie française. Nous allons donc réviser notre croissance de 6% à 5% pour 2021. Cette estimation est à la fois sincère et prudente. La France a des réserves de puissance considérables et les fondamentaux de son économie sont solides. Par ailleurs, nous avons su protéger avec efficacité les entreprises, les salariés et les Français. L’an dernier, nous avons enregistré 35.000 faillites d’entreprises, contre 50.000 en temps ordinaire. Et notre soutien massif à l’apprentissage porte ses fruits : 500.000 jeunes bénéficient de cette formation, un niveau jamais atteint dans notre pays.
Comment aider encore plus les commerçants à nouveau contraints de fermer leurs magasins?
Je comprends l’inquiétude et l’immense lassitude des commerçants. Je veux leur dire que nous continuerons à les soutenir. Comme pour les restaurateurs, nous allons leur permettre de recevoir une aide jusqu’à 200.000 euros par mois au titre du fonds de solidarité. Nous indemniserons également une partie de leurs stocks d’invendus. Et pour toutes les entreprises dont les loyers sont élevés, ils seront pris en charge dans la limite de 10 millions d’euros.
Quel sera le coût de ce dispositif?
Pour le mois d’avril, le coût total des aides est estimé à 11 milliards d’euros. La promesse présidentielle du « quoi qu’il en coûte » sera tenue. Elle nous permettra de rebondir plus vite et plus fort lorsque les restrictions sanitaires seront levées. Regardez nos résultats à la sortie du premier confinement : nous avons eu 18% de croissance au troisième trimestre, le taux le plus élevé de l’Union européenne! Le succès de France Relance confirme que les entrepreneurs sont prêts à réinvestir. En 2020, malgré la pandémie, les start-up françaises ont réussi à lever plus de 5 milliards d’euros – le montant le plus élevé en Europe. Croyez-moi, nos fondamentaux sont solides ; nous saurons rebondir.
Emmanuel Macron a évoqué un début de retour à une « vie normale » à partir du mois de mai. Pour l’économie aussi?
Tout dépendra de la situation sanitaire, mais en tout cas nous anticipons et nous serons prêts. Dans cette crise, les entreprises ont fait preuve de responsabilité et se sont montrées imaginatives. De la grande distribution et des commerces de proximité, qui ont sécurisé l’approvisionnement alimentaire des Français, aux banques, qui ont distribué des prêts aux entreprises, toutes les filières ont témoigné leur solidarité. Le BTP est même parvenu à créer des emplois! Nous restons une nation attractive, capable des plus belles innovations. De nouvelles chaînes de valeur sont créées : une usine de batteries électriques va ouvrir dans le Nord ; un premier site pour l’hydrogène vert sera bientôt inauguré. Dans le domaine crucial des composants électroniques, nous allons augmenter nos capacités de production grâce à l’entreprise franco-italienne STMicroelectronics. Cette crise nous ouvre les yeux : les Européens doivent se rassembler pour faire front commun face à la concurrence de la Chine et des États-Unis.
Mais en attendant, l’argent du plan de relance européen n’est toujours pas débloqué. Que se passe-t‑il?
En 2020, l’Europe a su se libérer de ses carcans pour lever de la dette en commun, adopter rapidement un plan de relance, coordonner les réponses économiques. Ne laissons pas la lourdeur bureaucratique, les vieux réflexes dogmatiques et des réticences politiques dans certains États membres reprendre le dessus. Allons vite. Mettons en œuvre sans délai notre plan de relance de 750 milliards d’euros. La France devait recevoir 5 milliards en juillet. Il est hélas peu probable que nous recevions cette somme à cette date.
Jusqu’à quand le « quoi qu’il en coûte » est-il tenable?
Tant que la crise sanitaire durera. Mais je veux rassurer les Français : nous n’avons pas de difficulté à lever de la dette sur les marchés, à des taux d’intérêt très bas. La Banque centrale européenne a confirmé le maintien de sa politique monétaire de soutien à l’économie. Tous ceux qui annoncent une remontée subite des taux d’intérêt jouent avec les peurs. Mais nous devons nous prémunir contre cette éventualité sur le long terme, en remboursant notre dette.
Comment pourra-t‑on rembourser une dette aussi considérable?
Certainement pas en augmentant les impôts. La réponse tient aux trois choix que nous avons faits avec le Premier ministre : une croissance forte, une meilleure maîtrise des dépenses publiques de fonctionnement et la poursuite des réformes structurelles – à commencer par celle des retraites.
Devrez-vous faire adopter un nouveau plan de relance pour compléter le premier?
Avançons avec méthode. La priorité est de continuer à décaisser rapidement les 100 milliards d’euros du plan de relance actuel pour que les Français en voient le bénéfice concret sur leur territoire et sur l’emploi. Au moment où je vous parle, le plan tourne à plein régime : les entreprises industrielles relocalisent des activités, les PME se numérisent, les ménages rénovent leur logement à raison de 60.000 MaPrimeRénov par mois, et achètent des véhicules propres – il s’en est vendu quatre fois plus au premier trimestre 2021 qu’au premier trimestre 2019. Quel est mon objectif? Que la moitié du plan de relance soit dépensée d’ici à la fin de l’année. Nous ferons le point à ce moment-là.
L’épidémie souligne le retard dans la numérisation de la France. Peut-on en profiter pour le combler?
Beaucoup de PME industrielles étaient à la traîne dans la numérisation et la robotisation. Cette crise a servi de révélateur. Dans le cadre du plan de relance, nous avons alloué 280 millions d’euros pour la digitalisation des PME ; en quelques semaines, nous avons été débordés par les demandes et nous avons dû augmenter l’enveloppe de 600 millions d’euros… Dans les commerces aussi, la numérisation progresse : 17.000 sites marchands ont été créés en 2020 et les ventes de produits en ligne ont augmenté de 30%.
Et les citoyens, ont-ils eux aussi un rôle à jouer dans la relance?
Bien sûr. L’épargne accumulée pendant la crise s’élève environ à 130 milliards d’euros – plus que le plan de relance! Les Français investissent déjà dans l’économie grâce aux outils que nous avons mis en place : le PER, le PEA simplifié et les accords d’intéressement. La simplification des plans d’épargne en actions a produit ses effets : 800.000 PEA supplémentaires ont été ouverts ces deux dernières années. Pour encourager la participation des salariés dans leur entreprise, nous avons supprimé le forfait social jusqu’en 2022. Et pour stimuler la consommation, nous travaillons sur la possibilité pour les parents et les grands-parents d’aider financièrement les plus jeunes, sans taxe ni impôt, pour compenser l’absence de stages ou de petits boulots.
Beaucoup de chefs d’entreprise redoutent le moment où les aides publiques vont s’arrêter. Que leur dîtes-vous?
Nous ferons les choses progressivement, pour ne brutaliser personne. Nous avons su protéger les entreprises dans la crise, nous saurons les accompagner à la sortie de la crise. Nous y travaillons déjà. Pour que les entreprises puissent consolider leurs fonds propres, nous avons créé les prêts participatifs : une réponse massive de 20 milliards d’euros. Je ferai bientôt des propositions nouvelles pour que chaque entreprise viable confrontée à un problème de trésorerie trouve une solution financière adaptée. Dans certains secteurs qui resteront durablement touchés, comme l’aéronautique, un soutien sera maintenu. Par ailleurs, n’oublions pas que beaucoup d’entreprises ne dépendent plus des aides publiques. Le mois dernier, l’économie française tournait à 96% de ses capacités.
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