Monnaie gratuite: pas automatiquement un futur krach !
S’appuyant sur l’exemple des assignats émis pendant la Révolution française, deux économistes, Laure Desprès et André Tiran, et un ingénieur, Serge Aberdam estiment, dans une tribune au « Monde », qu’un pouvoir politique peut réguler une économie d’émission afin de compenser les effets néfastes de l’émission sur l’appareil productif et sur la répartition des richesses et des revenus.
D’ailleurs en 1919, dans Le Papier-monnaie dans la Révolution française, un économiste russe Semion Anissimovitch Fal’kner (1890-1938) a soutenu l’émission des assignats :
– D’un point de vue politique : sans eux, la Révolution française n’aurait pas été en mesure de résister à la coalition des monarchies européennes et de financer l’effort de guerre.
– D’un point de vue monétaire : une émission monétaire débridée dans une période de crise majeure ne débouche pas automatiquement sur un krach.
– D’un point de vue social et économique : l’émission monétaire n’engendre pas inévitablement un effondrement de la production et un appauvrissement généralisé.
Une théorie originale
Semion Anissimovitch Fal’kner a entrepris son étude en 1916, au moment où le gouvernement tsariste a choisi de financer l’effort de guerre par émission monétaire. Elle fut publiée en pleine tourmente révolutionnaire, alors que la guerre civile et l’hyperinflation battaient leur plein. L’ouvrage n’a jamais été traduit, sauf très partiellement en allemand. Une traduction en français (Classique Garnier, 536 pages, 49 euros, janvier 2021), vient enfin combler cette absence.
Fal’kner a élaboré une synthèse des recherches historiques de son temps sur les assignats, ainsi qu’une théorie originale de ce qu’il appelle une économie d’émission. Pour lui, le financement monétaire des déficits publics, dans une période de crise aiguë, impacte l’économie réelle et la répartition des richesses entre les groupes sociaux, créant un système sui generis, qui fonctionne selon ses propres lois socio-économiques.
Fondamentalement, Fal’kner considère l’émission de papier-monnaie comme une forme d’imposition, la plus puissante qui soit, à la disposition des Etats affaiblis. Chacun va chercher, en se débarrassant au plus vite de ses billets, à transférer le poids de cet impôt sur quelqu’un d’autre. Finalement, l’impôt d’émission pèse sur les plus pauvres.
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