« Délinquance : l’une des sources du radicalisme »

 

 

Dans le cadre du projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire », la suppression des remises automatiques de peine doit s’accompagner d’une réforme systémique, estime le sociologue Tarik Yildiz dans une tribune au « Monde ».

 

Tribune. Le 2 mars, le garde des sceaux a dévoilé les grandes lignes de son projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire ». Au-delà des pistes qui répondent aux enjeux propres des juridictions – meilleure protection du secret de la défense ou limitation de la durée des enquêtes préliminaires –, Eric Dupond-Moretti a annoncé son intention de mettre fin aux remises automatiques de peine. 

A l’origine d’une exécution des peines presque systématiquement inférieure à celles annoncées lors des condamnations, le dispositif de crédit de réduction de peine (CRP) existe depuis 2004. Il est appliqué d’office, même s’il peut être exceptionnellement retiré par le juge de l’application des peines après saisine par le procureur de la République ou le chef d’établissement. Il s’ajoute à la réduction supplémentaire de la peine (RSP) qui n’est, elle, pas automatique

La volonté du ministre de la justice est à saluer : de nombreux observateurs réclament cette réforme depuis des années afin de transformer la logique sous-jacente. Il s’agit de faire respecter les peines annoncées par défaut et de ne pas les réduire pour de « mauvaises » raisons, au premier rang desquelles la surpopulation carcérale.

 

Au-delà des critiques peu pertinentes accusant le ministre de populisme (confondu à tort avec une forme de bon sens populaire), cette initiative pose de nombreuses difficultés qu’il convient d’anticiper.

Tout d’abord, les critères pour bénéficier de ces remises devront être clarifiés et complétés : liste de cas de figure concrets, qualification de la bonne conduite, etc. Par ailleurs, les mêmes opportunités devront être offertes à chaque détenu : formation, activité professionnelle, enseignement… supposant la mise en place d’une organisation d’envergure sur l’ensemble du territoire.

Effacer le rôle « d’école du crime »

Le suivi et la réussite d’un programme à proposer à chacun garantiraient ainsi une réduction au cas par cas. Cette discipline bienveillante permettrait aux délinquants de se revaloriser à l’gard d’eux-mêmes et des autres, de se projeter plus aisément sans avoir recours à des idéologies, notamment religieuses, qui peuvent combler une forme de vide existentiel.

L’état catastrophique des maisons d’arrêt en France ne permettrait pas de mettre tout de suite cette mesure en œuvre dans de bonnes conditions. Rénover les prisons, construire davantage de places pour que la peine puisse être réellement exécutée et vécue de manière plus digne ouvrirait la voie à une réforme systématique pour effacer le rôle « d’école du crime », malheureusement encore bien réel dans les prisons françaises, en isolant les profils les plus extrémistes.

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