Confinement et bac ?
Le recteur de Paris, Christophe Kerrero, dresse des perspectives après l’annonce de la fermeture des établissements scolaires
Dès ce vendredi 2 avril, les écoles fermeront leurs portes pour trois semaines (quatre pour les collèges et lycées). Avant deux semaines de vacances communes aux trois zones, qui commenceront le samedi 10 avril, les élèves suivront quatre jours d’enseignement à distance.
Ancien directeur de cabinet du Jean-Michel Blanquer, Christophe Kerrero, recteur de Paris depuis juillet 2020, supervise la région académique Ile-de-France qui compte 2,4 millions d’élèves.
Le ministre, Jean-Michel Blanquer, l’a répété jeudi matin sur RTL : fermer les écoles est « une mesure de dernier ressort ». La pression était trop forte pour les maintenir ouvertes ?
C’est la hausse de l’épidémie, indéniable, qui a été à l’origine de cette décision de freinage nécessaire. Mais il n’y a pas eu d’explosion de cas avérés à l’école, pas plus que dans le reste de la société. Ce n’est pas l’augmentation de la circulation du virus qui a entraîné le nombre plus important de fermetures de classes, mais la règle annoncée vendredi dernier selon laquelle on ferme une classe dès le premier cas. Ce mercredi 31 mars, dans l’ensemble de la région Ile-de-France, 4 427 classes étaient fermées sur 160 000, dont 971 à Paris sur un total de 14 000. On dénombrait 2 888 cas de Covid confirmés sur plus de 2,3 millions d’élèves. Le taux de positivité des tests antigéniques est de 0,7 %, celui des tests salivaires de 1 %.
Au-delà des chiffres, cette fermeture ne sonne-t-elle pas comme un désaveu ?
Cette crise sanitaire est complexe. C’est une course contre la montre. Il est normal, quand elle évolue défavorablement, que l’école participe au freinage mais elle reste la grande priorité de la nation. Le Président et le gouvernement ont essayé d’aménager les choses au mieux, de les perturber le moins possible, en jouant sur le calendrier scolaire et en anticipant sur les vacances. Avec des conséquences somme toute assez limitées : une semaine en moins pour les écoliers, deux semaines pour les collégiens et lycéens. Il ne s’agit donc pas d’une inflexion de la politique qui reste « priorité à l’école » mais d’une adaptation à la situation épidémiologique.
« Sur la question de la fermeture, les avis n’étaient pas unanimes. Des enseignants manifestaient leur inquiétude pour leur santé quand d’autres souhaitaient continuer, notamment dans les lycées »
La pression peut aussi être politique. Vous travaillez en permanence avec la Région (pour les lycées), la Ville de Paris (pour les collèges et le primaire). Valérie Pécresse avait proposé d’avancer les vacances scolaires, Anne Hidalgo réclamait la fermeture des écoles. En période de crise, comment se passe cette collaboration ?
Il y a la parole politique et la réalité du quotidien. Nous faisons un excellent travail avec les services de la Région et de la Ville.
Beaucoup d’enseignants semblent à bout. Tel est du moins le discours des organisations syndicales. Quel est votre constat ?
Lors de mes visites dans les établissements, je vois surtout des enseignants et des cadres fiers d’avoir pu maintenir l’école ouverte de septembre à mars. Malgré la fatigue accumulée, ils font preuve de beaucoup de conscience professionnelle. Après les professions de santé, ce sont sans doute les deuxièmes à être autant au front. Un proviseur m’a, par exemple, expliqué qu’il en était à sa septième adaptation de l’emploi du temps depuis septembre. Sur la question de la fermeture, les avis n’étaient pas unanimes. Des enseignants manifestaient leur inquiétude pour leur santé quand d’autres souhaitaient continuer, notamment dans les lycées qui fonctionnaient en demi-jauge depuis quelques mois. Il y aura toujours des polémiques, mais la maison Education nationale reste mobilisée.
« Nous faisons le maximum pour maintenir les épreuves, mais nous savons que nous pourrons être obligés de nous adapter. Basculer du présentiel au contrôle continu est possible dans un temps limité »
L’incertitude demeure sur les examens de fin d’année et, notamment, sur le bac. Les syndicats lycéens se disent inquiets. Jusqu’à quand peut-on modifier le calendrier prévu ?
Pour le bac, le ministre a dit son souhait de maintenir l’épreuve de philosophie et le grand oral en juin. Nous misons aussi sur l’espoir de la vaccination. Au vu du calendrier, la situation est extrêmement tendue, mais jouable. Si des modifications devaient être apportées, elles peuvent l’être jusqu’en mai. Nous faisons le maximum pour maintenir les épreuves, mais nous savons que nous pourrons être obligés de nous adapter. Basculer du présentiel au contrôle continu est possible dans un temps limité.
Au lendemain de ces annonces de fermeture, quelle est l’urgence pour le recteur d’une région académique qui compte 20 % de la population scolaire ?
Ce n’est malheureusement pas la première fois, la machine est rodée, elle est même devenue très agile. L’enjeu principal est d’informer au plus tôt les familles et les élèves sur le nouveau calendrier scolaire. Quant à l’équipement numérique, de gros progrès ont été faits, même si cela reste plus compliqué pour le premier degré. A Paris, plus de 60 % des écoles sont cependant dotées d’un environnement numérique de travail (ENT). Le taux d’équipement est satisfaisant au collège et dans les lycées où la Région Ile-de-France a fourni un ordinateur à chaque élève de seconde.
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