Covid : pour une culture de la responsabilité politique

Covid  : pour une culture de la responsabilité politique  – la tribune de Jérôme Levy et Rubin Sfadj

 

 

Jérôme Levy ,journaliste,  Rubin Sfadj, avocat militent pour une culture de la responsabilité politique dans la crise sanitaire ( tribune dans l’Opinion)

 « Depuis le début de la pandémie, tous les pays ont commis des faux pas, pas seulement la France ni même l’Europe. Mais une chose est certaine : seuls entrevoient le bout du tunnel ceux qui ont eu le courage de reconnaître leurs erreurs et de les corriger »

Abroger le principe de précaution est nécessaire mais pas suffisant

Depuis le début de la pandémie, tous les pays ont commis des faux pas, pas seulement la France ni même l’Europe. Mais une chose est certaine : seuls entrevoient le bout du tunnel ceux qui ont eu le courage de reconnaître leurs erreurs et de les corriger.

La Grande-Bretagne s’est essayée à l’immunité de groupe avant de revenir sur ses pas.

En Israël, avant d’obtenir les succès que l’on sait, Benjamin Nétanyahou a admis avoir déconfiné trop tôt en septembre.

Les Etats-Unis ont subi l’inaction et les déclarations lunaires de Donald Trump avant de lancer une campagne de vaccination massive.

Les excuses récentes d’Angela Merkel ont ouvert le débat, en Allemagne, sur l’opportunité d’un nouveau confinement.

Dans ce contexte, les déclarations de nos gouvernants résonnent comme une exception française dont on se serait bien passé : aucun “mea culpa”, pas de “remords” ni de “constat d’échec”, comme si c’était des gros mots. Et mercredi soir encore, cette certitude martelée d’avoir tout mieux fait que les autres.

Pourquoi ? En grande partie sans doute à cause d’un mal bien français : la culture de l’irresponsabilité.

Attestation-fleuve. Au-delà même de la sphère politique, il y a ce sentiment en France que celui ou celle qui prend les décisions n’est jamais complètement responsable lorsque ça tourne mal. Que plus on monte dans la pyramide du pouvoir, moins on peut décemment être mis en cause en cas de problème. C’est Jérôme Kerviel que l’on sanctionne plutôt que sa hiérarchie. Plus proche de nous, c’est Gérald Darmanin qui, mis en cause dans l’affaire de désormais célèbre attestation-fleuve, se défausse sur ses services.

Bien sûr, notre pays n’est pas étranger à la judiciarisation de la vie publique. De temps à autre, la condamnation sacrificielle d’un ancien responsable vient rappeler à tous ceux encore en place que la façon la plus sûre d’échapper au même sort est de ne rien faire du tout. Dans un renversement symbolique spectaculaire, le décideur politique français devient ainsi, tel l’enfant-roi, un irresponsable chronique : il est toujours le meilleur en tout, rien n’est jamais de sa faute et, si jamais les faits lui donnent tort, gare à la crise de nerfs.

Si vous alliez une aversion constitutionnelle au risque et une immunité institutionnalisée aux conséquences, vous obtenez ce qui fait la spécificité des défaillances françaises dans la gestion de la crise du coronavirus : une incapacité pathologique non seulement à reconnaître mais surtout, derechef, à corriger la moindre erreur

Comment en est-on arrivé là ? De même que l’Etat infantilise les Français, il semble qu’il ait aussi infantilisé nos dirigeants. Les accros à l’irresponsabilité ont un alibi tout désigné : le sacro-saint principe de précaution.

Si vous alliez une aversion constitutionnelle au risque — avec le principe de précaution, on ne pourra jamais vous reprocher de n’avoir rien fait — et une immunité institutionnalisée aux conséquences — on ne va pas tracasser le capitaine du Titanic pour une histoire de radeaux de sauvetage —, vous obtenez ce qui fait la spécificité des défaillances françaises dans la gestion de la crise du coronavirus : une incapacité pathologique non seulement à reconnaître mais surtout, derechef, à corriger la moindre erreur.

Les tergiversations sur les masques lors de la première vague de la pandémie ? Le principe de précaution bien sûr : il n’y avait, paraît-il, « pas de consensus scientifique » sur le port du masque.

La suspension du vaccin Astra Zeneca ? Encore le principe de précaution, mais « en espérant la reprendre le plus vite possible ». Le mieux, dans ce cas, aurait été de ne pas l’interrompre du tout.

Plus généralement, la campagne de vaccination qui tourne au ralenti n’est pas un échec mais une réussite : bientôt, nous promet-on, « l’Europe sera le premier producteur mondial de vaccins ». En somme, on rase gratis… demain.

Petit jeu. Résultat des courses après un an de ce petit jeu : non seulement le gouvernement a échoué à enrayer la progression du virus, mais il a perdu la confiance de citoyens qui ne savent plus sur quel pied danser. S’il y a une leçon à tirer de ce double échec, c’est que nos dirigeants doivent enfin apprendre à dire, sans détour mais avec humilité : “je me suis trompé(e)”. Rien n’alimente autant la colère dont se nourrissent les extrêmes que le refus obstiné et arrogant de reconnaître une erreur observable par tous.

Pour sortir de cette ornière, une simple rature dans la Constitution n’y suffira pas. Il sera bien sûr indispensable d’abroger légalement le principe de précaution ; mais le plus dur sera de débarrasser les esprits de la culture de l’irresponsabilité.

Telle est la condition sine qua non de notre retour à l’âge de raison.

Jérôme Levy est journaliste. Rubin Sfadj est avocat.

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