Contamination : un nombre toujours élevé dans quatre semaines ! Et menaces sur l’été
Pour l’épidémiologiste Mahmoud Zureik, la fermeture des écoles et l’extension des restrictions à toute la France métropolitaine pendant quatre semaines pourraient permettre de « revenir à un niveau de plateau élevé » comparable à celui de janvier-février. Mais l’été s’annonce plus dur que l’an passé. (Interview JDD)
« Nous devons, pour les mois à venir, fournir chacun effort supplémentaire. » Lors d’une allocution télévisée mercredi soir, Emmanuel Macron a annoncé de nouvelles restrictions pendant quatre semaines contre le Covid-19. Dès samedi, toute la métropole sera soumise aux mesures renforcées déjà en vigueur dans 19 départements. Les écoles fermeront aussi leurs portes pour laisser place à l’enseignement à distance puis à des vacances unifiées sur le territoire. Mais l’effet conjugué de ce tour de vis et le déploiement de la vaccination, veut croire le Président, « va nous permettre, à partir de la mi-mai, de commencer à rouvrir progressivement le pays ».
Ces mesures seront-elles suffisantes pour enrayer la dynamique épidémique? Le calendrier d’allègements esquissé par Emmanuel Macron est-il réaliste? Professeur de santé publique et d’épidémiologie à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Mahmoud Zureik analyse ces annonces.
Les mesures annoncées mercredi seront-elles suffisantes pour casser la courbe épidémique?
Elles seront en partie efficaces, de façon non-négligeable, surtout par la fermeture des écoles. Est-ce que ce sera suffisant? Tout dépend de l’objectif. En novembre, le Président a annoncé un objectif de 5.000 contaminations par jour et de 2.500 personnes en réanimation. Ce chiffre était présenté comme un seuil permettant de contenir l’épidémie. Depuis, on n’en parle plus. Si l’objectif est de revenir à un niveau de plateau élevé avec 20.000 à 25.000 contaminations par jour comme en janvier-février, on peut y arriver. S’il s’agit de passer de 35.000 cas quotidiens actuellement à 5.000 contaminations, certainement pas.
Pourquoi?
Cela dépend du chiffre de départ : passer de 35.000 contaminations quotidiennes à 5.000, c’est extrêmement difficile. Cela demande des mesures beaucoup plus strictes et plus longues. Prenons l’exemple du Royaume-Uni : fin décembre, début janvier, ils étaient proches des 60.000 cas par jour. Ils ont mis trois mois pour redescendre sous les 5.000. S’ils avaient réagi avant, la nature et la durée des mesures auraient été bien inférieures.
L’interdiction des voyages entre régions ne va pas entrer en vigueur avant lundi et va donc tarder à produire des effets
A partir de quand pourra-t-on observer un éventuel effet des nouvelles restrictions?
Pas avant deux, trois semaines. Mais l’interdiction des voyages entre régions ne va pas entrer en vigueur avant lundi et va donc tarder à produire des effets. Le paramètre le plus avancé pour observer un impact, c’est le nombre de contaminations. Le nombre d’hospitalisations, de réanimations et de décès, lui, va continuer à augmenter parce qu’il y a toujours un décalage entre les contaminations et les hospitalisations, de 7 à 10 jours environ pour l’hospitalisation et de deux à trois semaines pour la mortalité. Avec le variant anglais, on voit que le passage en réanimation est plus rapide qu’avec le variant classique, donc ce décalage sera peut-être raccourci, de l’ordre de 5 à 10 jours environ contre 7 à 10 jours.
Dans son allocution, Emmanuel Macron a affirmé que les « mesures de freinage renforcées » mises en place dans 19 départements le 18 mars ont eu de « premiers effets ». Est-ce vrai?
C’est encore difficile à dire. On verra dans les jours qui viennent mais, pour le moment, si impact il y a, il est presque négligeable.
L’école est l’un des derniers vecteurs de circulation du virus et il concerne des millions de personnes
En quoi la fermeture des écoles peut avoir un effet bénéfique?
C’est la première fois que le président de la République reconnaît que l’école est un lieu de circulation du virus, ce que l’on pensait depuis des mois. Le variant anglais, avec sa transmissibilité accrue, a rendu la problématique de l’école plus aiguë et visible. Les restaurants sont fermés, les commerces sont fermés, les lieux culturels sont fermés, on a encouragé le télétravail… L’école est l’un des derniers vecteurs de circulation du virus et il concerne des millions de personnes, c’est-à-dire les enfants, les parents et le personnel de l’Education nationale.
Indirectement, c’est donc aussi un moyen de réduire les contacts des adultes en les poussant à rester chez eux?
Le chômage partiel ou le télétravail, selon les schémas familiaux, permettra aux parents d’avoir moins de contacts. Cela dit, il ne s’agit pas forcément de rester chez soi, confiné dans un lieu clos. Du point de vue du risque de contamination, être à l’extérieur, en respectant les gestes barrière, c’est mieux que de s’enfermer chez soi. Mais il faut avoir beaucoup moins d’interactions sociales, éviter les squares et les rues avec une densité importante et, si on est avec des gens, ne pas partager de repas. Se balader sur une plage, dans la forêt ou une rue déserte ne présente quasiment aucun risque de contamination.
Les déplacements entre régions seront autorisés ce week-end. Est-ce que cela pourrait envenimer la situation?
Jusqu’à lundi, on aura une sorte de mise en attente des mesures. Pendant ce temps, il y aura des interactions, des brassages, et donc un risque de contamination et de dissémination dont on se serait bien passé. Les gens se sont organisés pour leur lundi de Pâques, c’est donc un compromis, mais qui se fera peut-être un peu au détriment de la maîtrise de l’épidémie.
Avec la vaccination, on peut être optimiste sur le ralentissement de l’épidémie dans les mois qui viennent
Le passage à des restrictions nationales, avec une allocution solennelle, permet-il d’envoyer un signal pour inciter à la vigilance?
Cela envoie un signal sur la gravité de la situation, mais il est difficile de savoir si cela va changer quelque chose. Les restrictions durent depuis un an et, malgré cela, même s’il y a des relâchements, beaucoup de gens sont responsables et conscients du danger!
Quoi qu’il arrive, la situation hospitalière sera toujours très tendue dans quatre semaines?
On aura toujours de fortes tensions hospitalières et un nombre élevé de contaminations. Même si on atteint un pic de contaminations en avril, la descente va être lente. Néanmoins, avec la vaccination, avec le fait que de plus en plus de gens ont contracté le Covid et présentent une immunité, avec la modification des conditions météorologiques qui permettra d’aller plus souvent à l’extérieur, on peut être optimiste sur le ralentissement de l’épidémie dans les mois qui viennent.
On verra les premiers résultats [de la vaccination] pendant le mois de mai
Quand la vaccination produira-t-elle un effet sur la courbe épidémique?
De plus en plus d’études montrent que les vaccins protègent des formes graves mais aussi des contaminations. C’est une très bonne nouvelle! Cela signifie que, même si on n’arrive pas rapidement à un nombre très élevé de personnes vaccinées, pour atteindre l’immunité de groupe, plus on vaccine, moins il y a de place pour le virus. Je dirai que l’on verra les premiers résultats pendant le mois de mai. Les vaccins produisent d’ailleurs déjà leurs effets en Ehpad et sur les personnes très âgées. C’est un signe d’espoir, le bout du tunnel n’est pas très loin.
Vous estimez dans le même temps que l’été sera plus difficile que l’été dernier. Pourquoi?
Parce que le niveau de circulation du virus sera plus élevé. L’année dernière, le 11 mai [date du déconfinement progressif, NDLR], on avait entre 1.000 et 3.000 contaminations par jour selon les estimations. On était dans des conditions presque normales avec un virus qui circulait à bas bruit. Cette fois-ci, on va probablement arriver vers l’été avec une circulation plus élevée du virus.
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