Loi Climat : l’enjeu de la mobilité électrique
Les deux responsables d’ONG écologiques Julia Poliscanova et Diane Strauss plaident, dans une tribune au « Monde », pour que le gouvernement français profite de la décennie 2020 pour promouvoir les voitures électriques, la question n’étant plus de savoir si la transition doit avoir lieu, mais à quel rythme.
Tribune.
La proposition du gouvernement d’interdire la vente des voitures les plus polluantes en 2030 est purement esthétique. La question de l’électrification des voitures mérite mieux. C’est un enjeu crucial de politique économique et de justice sociale. La France se doit de définir une trajectoire qui soit ambitieuse pour le climat, mais soutenable socialement.
Le gouvernement doit commencer par abandonner la logique de seuil d’émission promue dans le projet de loi Climat et résilience. Il s’agit de poudre aux yeux. En réalité, l’interdiction des véhicules les plus polluants concerne une faible part du marché automobile de 2030 (4 %). Les modèles concernés seront, par ailleurs, transformés en hybrides rechargeables et échapperont au coup de l’interdiction.
On sait, maintenant, que les hybrides rechargeables sont problématiques pour le climat. Souvent très lourds, ces véhicules émettent bien plus de CO2 sur la route que les quantités annoncées par les tests en laboratoires. Cette mesure est donc inefficace d’un point de vue climatique, mais aussi d’un point de vue industriel, car elle incite les constructeurs à s’engager dans une technologie controversée.
Le gouvernement doit ensuite s’assurer de ne pas perdre la décennie 2020. Il sera crucial de s’engager dans la mobilité électrique à cette période, pour le secteur automobile européen, mais aussi pour les ménages modestes.
En effet, en 2030, les ménages modestes auront besoin d’accéder à des véhicules électriques peu chers à la suite de la mise en place des zones à faibles émissions dans les grandes villes. Il faut savoir que la grande majorité des ménages modestes achètent leurs voitures sur le marché de l’occasion (90 %). Mais l’offre de véhicules électriques sera-t-elle suffisante sur ce marché en 2030 ?
La réglementation européenne jouera un rôle déterminant. Si les gouvernements ne rehaussent pas les normes européennes de CO2, les ventes de véhicules électriques seront amenées à stagner pendant la décennie 2020. En conséquence, le marché de l’occasion de 2030 risque fort d’être saturé de SUV lourds, polluants et donc surtaxés. Les ménages modestes se tourneront alors vers des véhicules électriques neufs à bas coûts, produits sur d’autres continents, au détriment de l’industrie automobile européenne.
C’est pour éviter ce scénario catastrophe qu’il faut dès maintenant déployer des véhicules électriques européens qui viendront alimenter le marché de l’occasion. Cela implique une trajectoire nationale ambitieuse, en cohérence avec des normes européennes rehaussées.
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