« La Chine va gagner »
Dans son essai, le Singapourien Kishore Mahbubani, ancien ambassadeur à Washington, blâme largement l’absence de véritable stratégie américaine face à la Chine. Moins la politique chinoise…
Analyse du livre dans le Monde.
L’universitaire et diplomate singapourien Kishore Mahbubani récidive. Deux ans après la publication de L’Occident (s’)est-il perdu ? (Fayard), sous-titré : Une provocation, l’ancien ambassadeur de son pays aux Nations unies franchit un pas supplémentaire avec Has China Won ?, traduit en français par un prédictif Le Jour où la Chine va gagner.
Pour lui, la domination de l’Occident sur le monde durant deux siècles est une « aberration » qui prend fin sous nos yeux. En 1950, le produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis représentait 27 % du PIB mondial. Il en représente 15 % aujourd’hui. Dans le même temps, celui de la Chine est passé de 4,5 % à 18,6 % (en parité de pouvoir d’achat). Comment croire un instant que cela n’a aucune conséquence sur l’équilibre du monde ?
La domination chinoise est d’autant plus certaine, selon cet ancien ambassadeur à Washington, que les Etats-Unis n’ont jamais pris la peine d’élaborer une véritable stratégie face à la Chine – une idée qu’il affirme emprunter à l’ancien diplomate américain Henry Kissinger – et qu’ils sont incapables de se penser en challenger et non plus en leader. Pourtant, dit-il, les Etats-Unis sont bel et bien faillibles. Leur talon d’Achille : le dollar. « La chose la plus dangereuse que Trump ait faite a été d’inciter les autres pays à cesser de compter sur la devise américaine comme monnaie de réserve mondiale », écrit-il. Le développement à grande vitesse d’un yuan numérique ne peut que renforcer cette analyse.
Pour cet habitué des forums économiques de Davos, la Chine, elle, n’a commis qu’une erreur : s’être mis à dos les hommes d’affaires américains en n’offrant pas aux entreprises étrangères des conditions de concurrence équitables. Résultat, quand Trump est parti en guerre contre la Chine, aucune voix ne s’est vraiment élevée contre lui aux Etats-Unis.
L’intérêt principal du livre est d’être écrit par un spécialiste des relations sino-américaines qui ne soit ni chinois ni américain. Marié à une Américaine, parfaitement à l’aise dans les arcanes de Washington, Kishore Mahbubani n’en est pas moins très critique à l’égard des Etats-Unis, notamment de leur budget militaire extravagant, qui s’explique davantage par des raisons électoralistes que stratégiques. Sa dénonciation du « China bashing » des centres de réflexion, qui rend politiquement incorrecte toute tentative de compréhension de la Chine, est également plutôt convaincante.
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