Archive mensuelle de mars 2021

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Dette: des comités d’experts pour remplacer le vide du gouvernement et de l’administration ?

Dette: des comités d’experts pour remplacer le vide du gouvernement et de l’administration ?

 

 

On peut être vraiment surpris que le gouvernement multiplie les comités et autres groupes d’experts à propos des questions financières et notamment de la dette. En effet il ne manque pas de moyens et peut-être même de compétences au sein de l’administration pour analyser la situation presque quotidiennement et proposer des stratégies.

La preuve sans doute que le gouvernement manque cruellement de perspectives voire même de capacité d’analyse. Du coup, il externalisé sa responsabilité dans des comités d’experts peut-être pour leur faire porter le chapeau d’une éventuelle austérité.

Pourtant la question n’est pas aussi compliquée qu’il y paraît, il faut juste un peu de courage. Il est clair que la France a laissé filer plus que d’autres le déficit budgétaire en même temps que la dette qui atteint maintenant 120 % du PIB (20 points supplémentaire en un an) . La dérive qu’on attribue aux virus ne pourra être amortie  sur une période courte.

La seule manière est donc de la cantonner non pas pour l’oublier mais pour prévoir les modalités de son amortissement progressif sur 20 ,30 ou 40 ans avec une affectation précise des ressources destinées à cet amortissement. Parallèlement évidemment lorsque la reprise sera là le gouvernement pourra reprendre son travail de modernisation structurelle pour réduire les dépenses, mieux équilibrer le budget et  la dette d’avant Covid.

 

La compétitivité française plonge

La compétitivité française plonge

D’après avec Rexocode,  les indicateurs de compétitivité de la France se sont encore dégradés en 2020. Témoin surtout la situation de la balance commerciale particulièrement déséquilibrée. A comparer à la balance commerciale allemande dégage en moyenne un profit de 200 milliards par an alors que la France enregistre un déficit de leur de 50 milliards. Mais pour 2020, la situation est devenue encore plus catastrophique pour la France

En 2020, les exportations françaises se contractent (baisse de 15,9 %, après 3,5 % de croissance en 2019), dans le contexte de la crise sanitaire Covid-19. Les importations diminuent également, mais de façon légèrement moins marquée (baisse de 13,0 %, après 2,2 % de croissance en 2019). Le déficit commercial FAB/FAB se détériore ainsi de 7,3 milliards d’euros et s’établit à 65,2 milliards, après 57,9 milliards en 2019. C’est le déficit le plus élevé depuis 2012.

Le solde manufacturier se détériore de 22,3 milliards, poursuivant de façon accélérée la dégradation tendancielle observée depuis deux décennies. Cette année se caractérise par une diminution généralisée des exportations qui surpasse la baisse des achats à l’étranger, en particulier dans les secteurs aéronautique et automobile. Les importations de masques de protection pèsent nettement (5,9 milliards). Seuls les achats et les ventes de produits pharmaceutiques restent dynamiques.

La baisse des prix du pétrole et la diminution de l’activité en lien avec les mesures restrictives globales réduisent le déficit énergétique de 19,0 milliards (25,7 milliards en 2020, après 44,8 milliards). L’excédent agricole diminue légèrement, de 0,4 milliard.

Le bouleversement des équilibres engendré par l’épidémie de Covid-19 a touché tous les pays européens mais la France a particulièrement souffert, selon l’institut Rexecode.

Le bouleversement des équilibres engendré par l’épidémie de Covid-19 a touché tous les pays européens mais la France a particulièrement souffert, avec des exportations de biens et de services qui se sont «contractées plus fortement que ne l’ont fait les exportations totales des pays de la zone euro», a relevé RexecodeLa part de la France dans les exportations de biens et de services de la zone euro est ainsi passée de 14,5% à 13,5%, «son plus bas niveau depuis 20 ans», selon l’institut, réputé proche du patronat.

 

Emploi SFR : 1700 postes en France menacés

Emploi SFR : 1700 postes en France menacés

Des suppressions de postes qui portent sur presque 20 % des effectifs et qui sont contestées du fait de la bonne résistance de la société face à la crise. En effet de chez d’affaires a progressé de 2,4 % en 2020 pour atteindre plus de 10 milliards avec une augmentation de la rentabilité.

1700 postes, sur 9500 sont donc menacés selon les syndicats. Soit 18% des effectifs. De son côté, la direction, qui confirme les 1700 emplois concernés prend en compte un périmètre plus large avec un total de 15 000 salariés, incluant toutes les filiales d’Altice France, dont BFM-RMC, ERT et Intelcia. Un amalgame qui irrite les représentants des salariés.

Il s’agit du deuxième plan social d’envergure depuis la reprise de SFR par Numericable en 2014, toujours sur la base de départs volontaires. «Nous avions alors conclu un accord sur l’emploi avec la direction, qui s’était engagée à maintenir les effectifs à 9500 postes. L’accord avait été prolongé en 2017, jusqu’en décembre 2020», explique Abdelkader Choukrane, délégué syndical central de l’Unsa SFR. Les suppressions de postes devraient donc faire chuter les effectifs de SFR sous la barre des 9 500 salariés.

Le groupe cherche à inscrire ce plan dans le cadre plus large d’une nouvelle orientation stratégique à horizon 2025, avec notamment, la promesse d’accélérer dans le développement de la fibre et de la 5G en Franc. Il a ainsi pour ambition de raccorder 90% des foyers français à la fibre et de couvrir 98% des communes de plus de 10 000 habitants en 5G d’ici 2025. «Il s’agit de pouvoir absorber le trafic qui ne cesse d’augmenter chaque année (+35% de trafic pour SFR en 2020)», explique le groupe. Il veut aussi doubler sa présence sur le marché des PME, en musclant ses offres et en accélérant leur raccordement à la fibre.

La direction de SFR met aussi en avant le paysage concurrentiel français dans les télécoms. La guerre de promotions a beau connaître une trêve, les prix pratiqués sont parmi les plus bas. En lançant la 5G «au prix de la 4G», Free a, une nouvelle fois, coupé l’herbe sous le pied de ses rivaux. Il les prive en grande partie de la possibilité de monétiser cette nouvelle technologie. Enfin, SFR déplore «une fiscalité spécifique au secteur extrêmement lourde» en France.

Covid: variant brésilien au Venezuela

Covid: variant brésilien au Venezuela

 

 

Faute surtout de mesures suffisamment restrictives et d’insuffisance de vaccination, le virus continue de se développer  en multipliant des variants. Ainsi on a connu le variant britannique, le variant sud-africain enfin le variant brésilien qui vient d’être détecté aussi au Venezuela. D’autres formes de variant existent  également et vont s’adapter pour contourner les protections immunitaires des personnes contaminées

Ce premier cas a été signalé sur un employé de l’aéroport de Maiquetia, qui dessert Caracas, où deux cas ont déjà été confirmés. Deux autres cas de ce variant brésilien ont été annoncés dans l’État voisin de Miranda et six autres dans l’État de Bolivar, frontalier du Brésil.

Le Venezuela, qui compte près de 30 millions d’habitants, a enregistré 139.934 cas de Covid-19 jusqu’à mardi, et 1.353 décès, selon des chiffres officiels qui sont remis en cause par des ONG telles que Human Rights Watch.

Le pays sud-américain a lancé le 18 février une campagne de vaccination, en commençant par les agents de santé, après l’arrivée de 100.000 doses du vaccin russe Spoutnik V, sur les 10 millions que doit envoyer Moscou. Quelque 500.000 doses du vaccin chinois Sinopharm sont arrivées lundi.

Covid-19 : la fausse promesse d’un retour normal mi-avril

Covid-19 : la fausse promesse d’un retour normal mi-avril

 

C’est précisément au moment où la France s’apprête à décider de confinements locaux d’une large partie de la population la France que pour compenser le porte-parole du gouvernement annonce la fin du confinement pour début avril.

 

Une annonce sans doute pour atténuer le mécontentement des Français lassés des mesures restrictives aussi des lenteurs de la politique de vaccination.

Il est clair en effet que le rythme actuel de vaccination rend l’hypothèse avril tout à fait illusoire. Faut-il rappeler que la France pour les deux premiers mois à seulement vacciner 2,5 millions de personnes pour plus de 20 millions au Royaume-Uni. Les États-Unis, eux, vaccinent 1,5 million de personnes par jour. Pour passer à la vitesse supérieure la France devrait vacciner près de 8 millions de personnes par jour. On est loin du compte.

 

Mardi soir, sur BFMTV, Jordan Bardella, vice-président et député du RN, tenait un discours nettement moins optimiste: «Avec le rythme actuel de vaccination, nous serions sortis d’affaire en août 2023 d’après CovidTracker. Est-ce qu’on veut un modèle de société où, toutes les trois semaines, quatre semaines, on va reconfiner, déconfiner, rereconfiner, redéconfiner et ainsi de suite ?» À quand peut-on s’attendre raisonnablement au «retour d’une vie plus normale» ou à être «sortis d’affaire»: mi-avril 2021 ou août 2023 ?

La fusée SpaceX d’Eon Musk s’écrase encore

La  fusée SpaceX d’Eon Musk s’écrase encore

C’est le troisième prototype de la fusée SpaceX  qui s’écrase encore au sol, ce qui n’a pas empêché le très volubile patron et milliardaire Eon Musk  de considérer qu’il s’agissait d’un succès. Il faut dire que les entreprises du milliardaire aussi bien dans l’espace que vis-à-vis de l’automobile électrique reposent beaucoup sur du vent. Le groupe du milliardaire est particulièrement surcoté et ne repose que sur les annonces mirifiques d’ Elon Musk.

Dernièrement Elon Musk a réussi un coup avec sa publicité en faveur du bit coin dans lequel il a investi 1,5 milliards. Ce qui a propulsé encore la valeur du bitcoin mais en même temps favoriser son extrême volatilité.

Cependant le patron Elon Musk ce félicite de l’opération ratée pour l’espace. Sans doute pour ne pas décourager les futures touristes candidats au voyage spatiaux.   «L’équipe SpaceX fait du super boulot! Un jour, la véritable mesure du succès sera le fait que les vols Starship seront devenus banals», a ajouté le fantasque milliardaire dans un second tweet.«Un magnifique atterrissage en douceur», avait commenté SpaceX dans la vidéo retransmettant le vol d’essai en direct. Des flammes étaient toutefois visibles au pied de la fusée, en train d’être éteintes par les équipes sur place. Quelques minutes plus tard, une énorme explosion a projeté l’engin en l’air, qui s’est fracassé en retombant au sol.

Starship, la fusée en cause est appelée à devenir la fusée de choix de SpaceX, fondée par le milliardaire Elon Musk, pour aller un jour sur Mars !

Dissuasion nucléaire: contestation de son manque de crédibilité

Dissuasion nucléaire: contestation de son manque de crédibilité

 

Deux spécialistes de la stratégie et des armes nucléaires, François Géré et Philippe Wodka-Gallien réagissent à leur tour aux propos des deux chercheurs remettant en cause la crédibilité de la force de frappe française à ses débuts ( dans l’Opinion)

Le 13 février 1960, le premier engin nucléaire français « Gerboise bleue » explose avec succès dans le désert saharien du Tanezrouft.

Sous le titre « Pendant longtemps, la dissuasion nucléaire française n’a pas été crédible », l’Opinion a publié le 23 février un entretien avec deux chercheurs. Ce texte provoque de nombreuses et vives réactions dans les milieux spécialisés. Soucieux d’ouvrir le débat, après une première réponse de deux historiens réputés Maurice Vaïsse et Dominique Mongin, nous publions celle, très polémique, de deux spécialistes de la dissuasion française, François Géré et Philippe Wodka-Gallien.

A propos d’un article récent de Pélopidas and C°, remercions les auteurs d’avoir fouillé dans les poubelles de l’histoire pour exhumer les arguments tendancieux et ineptes qui ont marqué les débuts de la construction de la stratégie de dissuasion nucléaire française en les reprenant à leur compte. Saluons une démarche qui démontre une ignorance du principe même de cette stratégie en accumulant les erreurs involontaires ou délibérées et les affirmations infondées. Il y en a tant qu’il serait fastidieux de les reprendre toutes. Par souci de brièveté, nous n’accorderons d’attention qu’aux falsifications les plus grossières.

Il est faux d’affirmer que la doctrine s’est bornée à suivre l’avancée des capacités techniques. Les fondements de la stratégie nucléaire ont été énoncés dès le début des années 1950 par le colonel Ailleret (responsable des essais atomiques du Sahara, devenu ensuite chef d’état-major des Armées). En janvier 1955, il publie dans Défense Nationale — la revue fait référence en matière de travaux académiques — un article intitulé « L’arme atomique : facteur de paix » où il explique : « Si villes, richesses, populations doivent de toute manière être détruites, la guerre n’a plus aucun sens. » Ses articles et conférences ont fait l’objet d’une synthèse, « Essai général de stratégie », rédigée en 1959, avant son entrée en fonction où figurent les principes d’utilisation par la France de l’arme nucléaire.

Le général de Gaulle s’est tenu constamment informé des évolutions de l’arme nucléaire. Fin 1956, après Suez, il avait reçu le colonel Gallois. La synthèse de ses réflexions a été exprimée en décembre 1959, dans le discours dit « de la Rotonde Gabriel », à l’Ecole militaire, qui donne les raisons et présente sans ambiguïté les grandes lignes de la stratégie de dissuasion nucléaire.

 

« Se prétendant novateurs, les auteurs ne font que reprendre l’ouvrage polémique de Raymond Aron “Le grand débat” »

Lavage de cerveau. Se prétendant novateurs, les auteurs ne font que reprendre l’ouvrage polémique de Raymond Aron Le grand débat, 1963, dirigé contre Gallois — qu’il avait pourtant encensé dans la préface de son livre de 1960 Stratégie de l’âge atomique. A la suite d’un séjour aux Etats-Unis où il avait complaisamment subi un lavage de cerveau par les « crânes d’œuf » entourant McNamara, Aron a repris l’argumentaire de ce dernier qualifiant la petite force nucléaire française « d’inefficace, inutile et dangereuse ». L’approche d’Aron était d’autant plus étrange qu’à cette date, il ne pouvait ignorer les objectifs capacitaires fixés par la loi de programmation militaire de 1960.

Sur le plan technique, il est faux de prétendre que les Mirages IV ne pouvaient accomplir leur mission. En dépit d’une défense aérienne, même très performante, l’interception à 100 % n’existe pas. S’agissant de bombes conventionnelles, le phénomène est évidemment gênant mais tolérable ; avec des armes nucléaires, le fait que quelques avions puissent passer relève du risque exorbitant. Quel dirigeant rationnel prendrait le risque de la guerre nucléaire devant la probabilité que quelques appareils puissent passer ? Mach 2 est encore l’atout maître du Mirage IV pour percer. Aucun adversaire ne saurait faire le pari de stopper la totalité d’un raid de saturation, qui bénéfice en outre d’avions d’escorte.

S’attaquer à la crédibilité revient à saper les fondements de la politique française, fondée sur l’autonomie de décision. La crédibilité repose sur une capacité de riposte garantie vers des cibles démographiques de haute valeur, donc un petit nombre. Dès l’entrée en service du Mirage IV en octobre 1964, première composante de la force de frappe, la crédibilité repose sur deux éléments : le vecteur et la charge. La loi de programmation militaire de 1960 prévoit de constituer en dix ans un parc diversifié de vecteurs pour, peu ou prou, traverser les défenses adverses. L’objectif capacitaire prévoit plus de 60 bombardiers Mirage IV (50 au titre d’un premier contrat, puis 16, le tout livré en cinq ans !), les missiles du Plateau d’Albion (ce sera 18, mai 1968 ayant eu raison du budget), et cinq sous-marins lanceurs d’engins dotés chacun de 16 missiles (un à deux sont en mer).

 

Dès 1965, le potentiel balistique est démontré avec la mise en orbite réussie d’Astérix, le premier satellite français. La fusée Diamant sert à la mise au point des missiles de la force de frappe. L’engin est 100 % « made in Normandie ». La démarche est ab initio. La nouvelle Direction de l’armement lance le projet de SNLE sans passer par l’étape intermédiaire du sous-marin d’attaque, à l’inverse des Soviétiques, des Américains et des Britanniques. Un seul M1 ou M2, équivaut à 40 Hiroshima, une mégatonne avec le M20.

« A Washington, McNamara, secrétaire d’Etat, s’oppose à la constitution de forces nucléaires indépendantes au sein de l’Alliance. Pourtant, il doit s’incliner devant John Kennedy qui accepte de nous fournir des avions de ravitaillement »

« Bombinette ». Parlons « charges ». C’est la vocation des essais nucléaires. Le premier, le 13 février 1960, dans le désert algérien, dégage 40 kilotonnes, trois fois l’arme qui a ravagé Hiroshima. En juillet 1966, l’essai Tamouré voit un Mirage IV larguer une bombe opérationnelle, validant ainsi le combiné Mirage IV-bombe AN21, une « bombinette » qui produit 50 kilotonnes. L’opération est renouvelée avec un Mirage III en 1973 puis un Jaguar en 1974. Le premier essai thermonucléaire, en août 1968, donne 2,6 mégatonnes.

La relation avec les alliés a toute sa place dans notre récit nucléaire. Le général de Gaulle s’appuie sur l’atome pour s’affirmer vis-à-vis de Londres et de Washington. Coopérer entre alliés : rien de plus normal. A Washington, McNamara, secrétaire d’Etat, s’oppose à la constitution de forces nucléaires indépendantes au sein de l’Alliance. Pourtant, il doit s’incliner devant John Kennedy qui accepte de nous fournir des avions de ravitaillement d’autant que cette demande reçoit le soutien du général Curtis Le May. La solution alternative aurait fait appel à des Caravelle modifiées en citernes volantes. L’aide des alliés est bienvenue en apportant gain de temps et gain d’argent.

Il est faux et ridicule de reprendre la thèse, sans lendemains, du « détonateur », selon laquelle la force française n’aurait eu pour fin que de pousser les Etats-Unis à une frappe nucléaire contre l’Union soviétique.

Il est faux de mentionner qu’un chiffre a été retenu pour déterminer les pertes de l’URSS. On s’est contenté de mentionner des « dommages intolérables », parfois d’un équivalent à la « valeur France », mais sans jamais fixer de seuil.

« La raison de cette entreprise négationniste se révèle en fin de parcours : remettre en question les programmes de modernisation de l’armement nucléaire français. Nommons cela la stratégie du castor : “Ronger les racines pour faire tomber l’arbre” »

Domaine du virtuel. Mis à part Gallois, les auteurs ignorent (ou veulent ignorer) les théoriciens de la stratégie de dissuasion nucléaire : Ailleret, Beaufre et Poirier. Ceci explique une incompréhension totale des particularités, uniques, de ce mode dissuasif. Beaufre remarquait « la compréhension générale du phénomène est faussée chaque fois que l’on envisage un problème nucléaire sous l’angle de son déclenchement et non sous celui de la dissuasion — ce qui est juste l’inverse. » On ne saurait confondre, ajoute Beaufre, « la menace de déclenchement avec le déclenchement effectif. » (Dissuasion et Stratégie, 1964).

Cette distinction fondamentale se retrouve dans les écrits de Lucien Poirier auteur du « modèle de stratégie nucléaire concevable pour la France » (1966) fondant le concept de « dissuasion du faible au fort », validé par le ministre des Armées, Pierre Messmer et approuvé par de Gaulle. Poirier explique que la dissuasion nucléaire opère dans le domaine du virtuel. L’arme nucléaire constitue une menace pour le candidat agresseur éventuel qui se voit dans l’obligation de l’intégrer en amont dans son calcul du gain escompté au regard des pertes probables. Si la dissuasion venait à échouer, cela n’entraînerait nullement de manière automatique une riposte nucléaire. Les responsables auraient à déterminer le choix d’une nouvelle stratégie soit de manière autonome, soit en concertation avec leurs alliés.

Il est faux d’affirmer que la notion de « tous azimuts » a figuré dans la doctrine française. L’article du général Ailleret dans la « Revue de Défense nationale », en décembre 1967 était conçu par de Gaulle comme un « ballon d’essai » qui fut rapidement abandonné.

La raison de cette entreprise négationniste se révèle en fin de parcours : remettre en question les programmes de modernisation de l’armement nucléaire français. Nommons cela la stratégie du castor : « Ronger les racines pour faire tomber l’arbre. » Mais ce n’est pas par des artifices aussi grossiers que l’on y parviendra.

François Géré est président du Cercle Lucien Poirier et de l’Institut français d’analyse stratégique (Ifas), auteur du livre «  La pensée stratégique française contemporaine » (Economica).

Philippe Wodka-Gallien est membre de l’Institut français d’analyse stratégique (Ifas) et auteur du livre «  La dissuasion nucléaire française en action – Dictionnaire d’un récit national  » (Ed. Decoopman).

Annulation de la dette publique: des risques

Annulation de la dette publique:  des risques

Une chronique dans l’Opinion de Emmanuel Combe, professeur à Skema business school et vice-président de l’Autorité de la concurrence.

 

 

« L’histoire nous a maintes fois montré que les difficultés juridiques s’effacent devant les accords politiques » : telle est la conclusion de l’appel lancé par une centaine d’économistes en faveur d’une annulation de la dette-Covid contractée par la BCE.

Pour ce qui est de l’argument historique, il est factuellement juste mais largement sorti de son contexte. L’histoire contemporaine regorge certes d’exemples d’Etats ayant annulé leur dette – à l’image du Mexique en 1861 ou de l’Union soviétique à la fin de 1917 – mais ces décisions sont intervenues souvent à la suite d’un changement de régime politique : il s’agissait de solder un héritage « illégitime » du passé, fondé sur la dictature ou le colonialisme.

Une doctrine juridique sur la « dette odieuse » a même été élaborée dès 1927 par Sack, considérant qu’une dette contractée par un régime contre l’intérêt de ses propres citoyens « n’est pas obligatoire pour la nation : c’est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l’a contractée ; par conséquent, elle tombe avec la chute de ce pouvoir ». Force est de constater que nous ne sommes pas aujourd’hui dans ce cas de figure : nous avons en Europe des gouvernements démocratiquement élus, qui ont fait le choix de contracter une dette non pour oppresser leur population mais pour faire face à l’une des plus graves crises économiques depuis 1929. Comparaison n’est pas toujours raison.

Les acteurs économiques se diront que si l’Europe est capable d’annuler les 25 % de dette détenue par la BCE, pourquoi ne ferait-elle pas de même demain sur les 75 % détenue directement par des acteurs privés ?

Crédibilité. Pour ce qui est de l’argument de la toute-puissance du politique, il omet de rappeler qu’il y a un coût économique à faire et défaire les traités. Pour bien le comprendre, il faut revenir à la notion de « crédibilité » : une politique économique est considérée comme crédible si elle obéit à des règles claires et constantes, qui sont annoncées à l’avance et permettent aux agents d’anticiper le comportement futur des pouvoirs publics. Changer les règles du jeu au cours du jeu, ne serait-ce qu’une seule fois, revient à renier ses propres engagements. Le décideur politique réalisera certes un gain à court terme mais il aura perdu toute crédibilité aux yeux des acteurs économiques.

Ainsi, dans le cas de la dette Covid, ces derniers se diront que si l’Europe est capable d’annuler les 25 % de dette détenue par la BCE, pourquoi ne ferait-elle pas de même demain sur les 75 % détenue directement par des acteurs privés ? La sanction économique sera aussi simple que redoutable : comme ils n’auront plus confiance, les investisseurs privés exigeront une prime de risque. Même dans un environnement de taux structurellement bas, les taux d’emprunt seront élevés, faute d’une confiance suffisante.

Pour s’en convaincre, il suffit de regarder ce qui s’est passé avec la Grèce, suite à l’épisode de restructuration de sa dette en mars 2012. Les marchés obligataires ont eu la mémoire longue et la dent dure : la Grèce devra attendre juillet 2017 avant de retrouver un accès direct aux marchés de capitaux ; elle ne devra son sauvetage pendant ces cinq années qu’à la faveur des plans d’aide du FMI et de l’Union européenne. Il est donc imprudent d’exiger une annulation de la dette détenue par la BCE. Cette demande est d’autant plus infondée que cette dette Covid ne coûte rien aux Etats européens, puisque les taux d’intérêt qu’ils versent à la BCE… leur sont ensuite reversés.

Rénovation énergétique menacée pour les familles modestes

Rénovation énergétique menacée pour les familles modestes 

 

Six organisations de lutte contre la précarité alertent, dans une tribune au « Monde », sur le risque de voir disparaître un dispositif de financement des travaux d’économie d’énergie pour les ménages à faibles revenus.

Tribune

 

Les derniers arbitrages que le gouvernement devrait prendre cette semaine sur le dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE) pourraient réduire à peau de chagrin les aides à la rénovation énergétique pour les ménages modestes. Les signataires de ce texte, représentants sept organisations de lutte contre la précarité, demandent instamment au gouvernement de revoir sa copie.

Selon les derniers chiffres de l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE), 3,5 millions de ménages souffrent de précarité énergétique dans notre pays. Cela signifie qu’un foyer français sur sept ne se chauffe pas suffisamment l’hiver, ou peine à se protéger des fortes chaleurs en été. Ils n’en n’ont pas les moyens et leur logement est mal isolé thermiquement.

Alors que cette situation est connue et risque d’empirer dans les prochains mois avec des signaux alarmants sur la hausse de la pauvreté, le gouvernement s’apprête à réduire très fortement les aides consacrées à la rénovation énergétique des logements de ces familles.

 

En cause, le projet de texte réglementaire fixant la révision périodique du dispositif des certificats d’économie d’énergie, qui constituent la première ressource d’aide à la rénovation énergétique. En l’état, ce texte revient quasiment à l’arrêt de ces travaux de « première nécessité » chez les Français les plus fragiles. 

Le dispositif des CEE impose aux fournisseurs d’énergie l’obligation de financer des actions d’économie d’énergie et fixe pour des périodes de quatre ans les niveaux de ces obligations – le texte en cause concerne la cinquième de ces périodes, pour les quatre ans à venir.

On distingue deux types d’obligations.

Nous demandons au gouvernement de reprendre ses calculs pour doubler le niveau de l’« obligation précarité énergétique » à laquelle sont soumis les fournisseurs d’énergie

D’une part, l’obligation « classique », remplie en effectuant des travaux d’économie d’énergie chez des familles à revenus moyens et élevés.

D’autre part, une obligation dite « précarité », remplie en intervenant spécifiquement chez des familles aux revenus modestes et très modestes.

Grâce à cet objectif spécifique de lutte contre la précarité énergétique, adopté en 2016, plus d’un million de familles à revenus modestes ou très modestes ont pu réaliser des travaux d’amélioration de leur logement. Erigeant l’équité et la justice sociale comme principe fondamental et même moteur de notre pays, le gouvernement offrait un soutien plus important aux familles qui en ont le plus besoin.

Covid-19 : le risque d’une reprise à l’automne

Covid-19 : le risque d’une reprise à l’automne

La période de très faible transmission qui suit la mise en place d’une vaccination de masse est appelée « lune de miel ». Dans le cas du Covid-19, celle-ci risque d’être brève, avertissent, dans une tribune au « Monde », Renaud Piarroux, épidémiologiste, et Bruno Riou, directeur du centre de crise de l’AP-HP.

Devant une épidémie de Covid-19 non contrôlée faute de mesures suffisamment efficaces, la France fait face depuis mi-décembre 2020 à une longue période dite « stable » – caractérisée en réalité par une morbidité et une mortalité intolérables –, avant de subir un nouveau rebond épidémique dans plusieurs régions que seule la méthode Coué permet d’imaginer qu’il ne s’étendra pas.

L’arrivée des variants « anglais », « sud-africain », « brésilien » du SARS-Cov-2 accélère le rythme de l’épidémie. Plus qu’une nouvelle vague, nous faisons face à une marée montante sur une mer déjà haute. Le nombre de malades en réanimation s’élève, plus lentement que lors des deux premières vagues, mais inexorablement. Environ 60 % de la capacité habituelle en lits de réanimation est déjà occupée par des malades du Covid-19 et le reste des lits ne suffit plus pour prendre en charge les autres pathologies.

Il aurait été plus raisonnable de faire comme l’Allemagne ou le Danemark, qui ont réagi fortement à l’arrivée des variants. Même si, chez eux, le nombre de cas a tendance à remonter de nouveau, cette hausse modérée survient alors qu’il a été divisé par trois depuis le début de l’année.

Les hôpitaux de ces pays gardent donc des marges de manœuvre, contrairement à la France, où des déprogrammations hospitalières importantes ont déjà lieu. La situation est d’autant plus préoccupante que seulement 2,7 millions de Français (4 %) ont reçu au moins une dose de vaccin, et moins de la moitié d’entre eux, deux doses.

A n’en pas douter, mars et avril seront très éprouvants, mais qu’adviendra-t-il après ? On peut espérer que la campagne de vaccination s’intensifiera avec un effet d’autant plus spectaculaire qu’une grande partie de la population sera aussi immunisée du fait de la très forte circulation virale depuis octobre. On peut aussi espérer que l’effet saisonnier participe à la décrue.

La potentialisation de l’effet de la vaccination là où un agent pathogène a circulé activement a déjà été observée dans le cas de la rougeole et de la coqueluche. La période de très faible transmission qui suit la mise en place d’une vaccination de masse est appelée « lune de miel ». Elle n’est cependant pas pérenne puisque, avec le temps, l’effet immunisant lié à la circulation du pathogène s’estompe. Dans le cas du Covid-19, la lune de miel risque d’être brève, car l’immunité ne semble pas suffisamment durable. Si la couverture vaccinale est insuffisante, une reprise épidémique est à craindre dès l’automne prochain.

Quelle participation citoyenne réelle ?

Quelle participation citoyenne réelle  ?

Le spécialiste en communication Antoine Denry relève, dans une tribune au « Monde », que le recours aux conventions citoyennes est un outil de communication politique utilisé par les pouvoirs publics pour pallier un problème institutionnel.

Tribune. Renforcer le rôle du Conseil économique, social et environnemental (CESE) est l’un des grands projets du mandat d’Emmanuel Macron, afin de promouvoir des formes de démocratie participative et de répondre ainsi à la défiance croissante qui vise les pouvoirs publics.

En ce sens, les comités de citoyens tirés au sort qui émergent dans son sillage peuvent-ils remédier à la crise démocratique que nous vivons ? Ne remettent-ils pas en cause le principe même du suffrage universel et ne traduisent-ils pas un mépris des élus susceptible d’aggraver encore la crise démocratique ?

A la suite de la crise des « gilets jaunes » le grand débat national avait rencontré un vif succès ; une loi organique a donc été adoptée le 15 décembre 2020 pour prolonger ce grand élan. Elle consacre le principe de citoyens tirés au sort pour travailler avec le CESE et porter la voix de la société civile, entre le Parlement et l’exécutif.

Avec la convention citoyenne pour le climat, cette ambition de rafraîchissement démocratique avait trouvé un premier débouché. Avec le comité sur la vaccination et ses trente-cinq citoyens tirés au sort, il s’agit de pérenniser cet exercice et de faire du CESE la chambre des conventions citoyennes nationales.

 

L’objectif affiché de ces instances est louable : associer au processus décisionnel la parole civile au travers d’une délibération citoyenne de qualité. Néanmoins, le problème réside ailleurs. 

D’abord, ce comité de vaccination fait partie d’un maquis déjà existant d’instances associées aux décisions sur le déploiement des vaccins : conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, comité scientifique, comité citoyen, comité des professionnels de santé, comité d’élus, comité de la société civile.

Ensuite et surtout, autant la convention citoyenne pour le climat visait à formuler des propositions, autant le comité sur la vaccination n’est lui chargé que « d’émettre des observations et d’interpeller Alain Fischer » [médecin nommé en décembre pour coordonner la stratégie vaccinale de l’Etat contre la pandémie de Covid-19] dans un rapport remis « d’ici à l’été ». C’est ce point-là qui vient mettre en exergue l’inanité du Parlement et souligner le problème institutionnel de la Ve République depuis la mise en place du quinquennat.

Avec ce comité ou d’autres conventions annoncées, comme celle sur les discriminations, nous sommes face à un acte de communication politique qui vient en réalité pallier un problème institutionnel, à savoir la mauvaise représentation du corps électoral au sein de l’Assemblée nationale et la caducité du pouvoir parlementaire dans un régime devenu « présidentialiste ».

France : un déficit de bonheur

France : un déficit de bonheur

La directrice de l’Observatoire du bien-être, Claudia Senik, explique, à l’occasion de la sortie du rapport 2020, que si le pessimisme n’est pas une fatalité, les enquêtes confirment, année après année, un déficit de bonheur chez les Français ( le Monde).

Autrice de L’Economie du bonheur (Le Seuil, 2014) et professeure à l’université Paris-Sorbonne et à l’Ecole d’économie de Paris (PSE), Claudia Senik dirige l’Observatoire du bien‐être du Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap). Créé il y a quatre ans, cet organisme étudie l’évolution du « bien-être » au fil du temps, sa variation en fonction de l’âge, du genre, de la stratification sociale ou du contexte politique, économique et social, mais aussi sa relation avec les politiques publiques.

L’Observatoire vient de publier son rapport 2020 sur le bien-être en France, sous la direction de Mathieu Perona et Claudia Senik (Cepremap, 163 pages, 12 euros).

Comment définir le bien-être et mesurer de manière objective ce sentiment qui relève, par définition, du ressenti ?

C’est justement l’ambition de notre projet : objectiver le subjectif. Quantifier les dimensions du bien-être, les « Big Four » par exemple – satisfaction dans la vie, émotions de bonheur, émotions d’anxiété et sentiment que notre vie a un sens.

Il s’agit de questions que l’on trouve dans les grandes enquêtes nationales et internationales, et sur lesquelles la recherche s’est appuyée depuis une vingtaine d’années. Alors que c’est en France qu’a été élaboré, en 2009, le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi  à partir duquel s’est diffusée l’injonction de prendre en compte le bien-être et la soutenabilité environnementale et non plus uniquement la croissance économique –, notre pays est en retard sur le recueil de ces mesures dites « subjectives » et leur utilisation.

Pour relever ce défi, l’Observatoire du bien-être du Cepremap, en partenariat avec l’Insee, a mis en place, en 2016, une enquête trimestrielle qui explore vingt facettes du bien-être des Français. Les résultats montrent à quel point les différentes composantes de la satisfaction fluctuent au gré de l’actualité du pays.

 

Le bien-être était au plus bas en décembre 2018, marqué par la crise des « gilets jaunes » : il régnait un fort pessimisme concernant l’avenir et les perspectives économiques, ainsi qu’un sentiment d’exposition à l’agression. Aujourd’hui, la crise due au Covid-19 met en lumière l’importance des relations sociales dans le bien-être – on observe un boom de la satisfaction au moment du premier déconfinement, en juin 2020, et une rechute au plus bas, en décembre 2020, avec le reconfinement et le couvre-feu. 

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Depuis des années, les classements mondiaux du niveau en mathématique des élèves sont sans appel. La France est devenue la lanterne rouge de l’enquête Trends in International Mathematics and Science Study (Timss), qui mesure les performances en CM1 et en quatrième. Et dans la dernière étude Pisa (2018) de l’OCDE, qui teste la capacité des jeunes de 15 ans de 79 Etats à mobiliser leurs connaissances pour résoudre un problème, elle n’est plus que dans la moyenne, « alors que, en 2003, elle faisait partie des pays les plus performants », rappelle, à la direction de l’Education de l’OCDE, Eric Charbonnier, interpellé par « la dégradation continue de la tendance depuis vingt ans », qui s’ajoute à de mauvaises performances en sciences, en lecture et en écriture .

 

Relance américaine : une enveloppe financière trop massive ?

Relance américaine : une enveloppe financière trop massive ?

 

 

Nicholas Sargen est maître de conférences à la Darden School of Business (University of Virginia) et consultant en économie, il procède à une évaluation du plan de soutien de Biden à l’économie qu’il juge trop importante (article du Wall Street Journal)

Que pensez-vous du plan de relance de Joe Biden ?

Sa taille est une source potentielle d’inquiétude. La pandémie a provoqué, l’an dernier, une sévère récession aux Etats-Unis, mais le second semestre 2020 a vu un rebond de l’activité du fait de la réouverture de l’économie et de plans de relance qui, en cumulé, ont avoisiné les 4 000 milliards de dollars. La reprise est là. Au début de l’année, les prévisions de croissance pour 2021 tournaient en moyenne autour de 4 %. Avec le paquet proposé par Joe Biden, on pourrait atteindre les 5-6 %, voire 7 % selon certains.

Mais certains Américains ont réellement besoin d’aides…

Oui, l’impact de la Covid-19 est très dur pour ceux qui sont en bas de l’échelle, pour les oubliés de l’économie numérique. Il faut aussi étendre l’assurance chômage à ceux qui n’ont pas de travail. Mais tout le monde n’est pas dans cette situation et je pense qu’il faudrait aider ceux qui en ont vraiment besoin. Il aurait fallu être plus sélectif. Même si l’idée d’envoyer un chèque de 1 400 dollars à tout le monde est très populaire dans l’opinion publique, on a vu, qu’en avril dernier, quand Donald Trump a eu recours à ce même dispositif, les gens les plus aisés ont épargné les sommes reçues pour les dépenser plus tard. Je n’ai rien contre l’idée, mais ce plan aurait dû être mieux calibré. Il est prévu aussi d’aider massivement les Etats. Certains en ont vraiment besoin. Mais c’est un peu comme l’Europe avec l’Italie, faut-il subventionner l’Illinois qui accumule les déficits ?

« La Réserve fédérale se dit plus inquiète de l’état du marché du travail que d’une flambée des prix. Mais il y a des chiffres inquiétants »

Craignez-vous, comme les marchés financiers ces derniers jours, que ce plan puisse provoquer un réveil de l’inflation ?

Pas dans l’immédiat. Mais il y a un risque comme le considère, aujourd’hui, Larry Summers, l’ex-secrétaire au Trésor de Bill Clinton et président du conseil économique national des Etats-Unis sous Barack Obama. C’est pourtant un démocrate et un économiste qui estime que le plan de relance de 2008 avait été trop timide face à l’ampleur de la crise financière de l’époque. Je suis moins catégorique concernant l’impact du plan Biden. Le taux de chômage actuel est très important et la population active a baissé. Donc, même si l’économie repart rapidement et fortement, une fois enregistré l’effet vaccinal, je ne vois pas de menace inflationniste immédiate. Il y a encore des surcapacités. Ce n’est donc pas un problème pour 2021. La Réserve fédérale se dit plus inquiète de l’état du marché du travail que d’une flambée des prix. Mais il y a des chiffres inquiétants. L’an dernier, le déficit budgétaire a dépassé les 15 % du produit intérieur brut — c’était le plus élevé depuis la Seconde Guerre mondiale — et celui de cette année pourrait atteindre les mêmes niveaux. Si on continue à ce rythme, on pourrait être surpris par une flambée inflationniste dans les deux à trois ans qui viennent.

Même s’il ne figure plus dans le plan de relance, que pensez-vous du projet de Joe Biden d’augmenter le salaire minimum à 15 dollars de l’heure ?

A 7,25 dollars de l’heure, il est sûr qu’il a besoin d’être augmenté. Le problème c’est que le faire passer à 15 dollars va toucher ceux qui ont le plus souffert de la pandémie, à savoir les petits commerçants, les petites entreprises familiales. Pas les grands groupes. Cela pourrait donc augmenter le chômage. Il faudrait plutôt peser sur les entreprises qui peuvent augmenter les salaires.

Comment définiriez-vous la politique économique de Joe Biden ? Progressiste ?

Durant toute sa carrière politique, il a été un démocrate modéré, pas un progressiste. A mon avis, il a plutôt bien entamé son mandat en se concentrant sur le sujet le plus important aujourd’hui, à savoir arrêter la pandémie. A l’inverse de Donald Trump, qui après avoir facilité la découverte de vaccins, ne s’est absolument pas préoccupé de l’organisation des vaccinations, il prend l’affaire très au sérieux. Il faut lui en attribuer le crédit. Autre différence, contrairement à Donald Trump qui se focalisait sur le taux de croissance de l’économie américaine, Joe Biden ambitionne de réduire les inégalités. La grosse incertitude pour moi concerne ses autres grands projets en matière d’environnement, de climat et d’infrastructures. Comme le dit Larry Summers, où va-t-il trouver l’argent pour les financer s’il dépense trop pour son plan de relance ?

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