Sondage : l’éclatement du front républicain

Sondage : l’éclatement du front républicain

 

 

Un sondage Harris Interactive pour Commstrat, que l’Opinion publie en exclusivité, donne Emmanuel Macron et Marine Le Pen, en duel au second tour de 2022, respectivement à 53 % et 47 % des voix.

En ce moment, la majorité passe des week-ends pourris. La semaine dernière, elle poussait des cris d’orfraie. Que des électeurs de gauche puissent envisager, dans Libérationne pas voter pour Emmanuel Macron dans le cadre d’un duel face à Marine Le Pen était une « dérive », un « reniement des valeurs » républicaines, qui relève de « l’irresponsabilité ». Ce lundi, un sondage mené par Harris Interactive pour Commstrat et l’Opinion, va donner au camp d’Emmanuel Macron de nouvelles sueurs froides. Et un sacré torticolis.

Les marcheurs ne peuvent plus se contenter de regarder le barrage contre le Rassemblement national tomber à gauche. Ils doivent aussi tourner la tête sur leur droite pour voir l’édifice s’effriter. L’étude de Harris Interactive donne le vertige. Qu’ils choisissent Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo ou Xavier Bertrand au premier tour de la prochaine présidentielle, les électeurs refusent majoritairement d’apporter leur concours à Emmanuel Macron au second.

Le phénomène est le plus spectaculaire chez les mélenchonistes. 52 % d’entre eux refusent de choisir entre la présidente du Rassemblement national et le chef de l’Etat. L’autre moitié se divise en deux parts égales : 24 % voteraient pour la première, autant pour le second. Cette équivalence est inédite. En 2017, seul, dirait-on aujourd’hui, un quart des partisans de Jean-Luc Mélenchon avait trouvé refuge dans l’abstention. Dimanche, le leader des Insoumis a annoncé, sur France 3, qu’il ne reprendrait « jamais l’initiative » de donner une consigne de vote en cas de duel Macron-Le Pen.

Le tableau n’est pas plus rose dans le reste de la gauche. 50 % de l’électorat d’Anne Hidalgo refuserait le duel proposé au second tour. Ils seraient 44 % chez Yannick Jadot, auxquels il faudrait ajouter les 5 % d’écologistes qui opteraient pour Marine Le Pen.

 

Enfin, à droite, l’abstention et le vote blanc n’atteindraient « que » 41 % de l’électorat de Xavier Bertrand. Mais seulement 38 % se reporteraient vers Emmanuel Macron et 21 % se déplaceraient pour la candidate du RN ! Pire, cette tentation pour Marine Le Pen qui gagne LR s’exprime dès le premier tour. L’électorat de François Fillon en 2017 se porterait pour moitié vers Xavier Bertrand (51 %), mais se distribuerait aussi à quasi-parité entre le chef de l’Etat (20 %) et sa rivale d’extrême droite (17 %).

La conclusion est cinglante : en 2022, aucun électorat d’un grand parti de gouvernement, à l’exception des écologistes d’une courte tête, ne viendrait majoritairement au secours d’Emmanuel Macron. La République en marche a eu beau cibler Jean-Luc Mélenchon depuis son refus d’appeler à voter pour elle en 2017. Elle a beau appeler les électeurs de la gauche à se réveiller depuis une semaine. Ou tenter de conforter sa spectaculaire conquête d’un tiers de l’électorat Fillon aux Européennes 2019. Elle ne peut que constater, avec ce sondage réalisé du 2 au 4 mars, que la fuite vers l’abstention ou le RN touche tout l’échiquier politique. Que peut-elle faire à présent ? Passer le lundi à secouer les mélenchonistes, le mardi les écologistes, le mercredi les socialistes, le jeudi les Républicains et conserver le vendredi pour faire la retape de sa propre action politique ?

La majorité présidentielle ne découvre évidemment pas le danger aujourd’hui. L’été dernier, Emmanuel Macron avait été averti par un de ses proches : son problème, ce n’est pas l’abstention en tant que telle mais l’abstention différentielle, l’écart de mobilisation entre l’électorat de Marine Le Pen et ceux des autres partis, las et friables.

« Accents dégagistes » Le directeur délégué d’Harris Interactive, Jean-Daniel Lévy relève « la solidité électorale marquée » de Marine Le Pen, qui « conserve son comportement », scrutin après scrutin. En face, Emmanuel Macron « ne retrouve pas à plein son électorat de 2017 ». La fidélité est pourtant importante. 69 % de ses sympathisants interrogés dans ce sondage révélé par l’Opinion feraient le même choix en 2022. C’est plus que Jean-Luc Mélenchon (55 %) et que les transferts de Benoît Hamon vers Anne Hidalgo (29 %) et Yannick Jadot (29 %). La cote de popularité du président en exercice est haute mais il reste englué dans une position périlleuse en cas de duel face à Marine Le Pen. En janvier, Harris Interactive les plaçait à 52 %-48 % en faveur du premier. Aujourd’hui, ils sont à 53 %-47 %.

« L’écart se creuse  », se réjouit-on doucement à l’Elysée. Mais pas notre lanceur d’alerte de juillet dernier : « C’est n’importe quoi de s’en prendre aux électeurs de gauche et à la Une de Libération. » Il se souvient qu’en 2017, le candidat Macron empruntait au discours populiste des accents dégagistes. Sans aucun effet dans les sondages. « Il ne décrochait aucun électeur du FN. Quand vous votez FN, vous ne revenez pas en arrière. » 84 % de ceux qui avaient choisi Marine Le Pen en 2017 confirmeraient leur vote en 2022, mesure d’ailleurs Harris Interactive. Ils seraient même 90 % en cas de candidature de Valérie Pécresse en lieu et place de Xavier Bertrand.

 

Or, depuis l’été dernier, ces tendances qui inquiètent une partie de la majorité n’ont fait que se renforcer. Emmanuel Macron a eu beau muscler sa jambe de « l’égalité des chances » pour rattraper la gauche, seule la jambe sécuritaire, marquée à droite, a imprimé. « Les sujets sur l’égalité des chances, la précarité et les jeunes ne passent pas », confiait une source élyséenne. « Emmanuel Macron ne tire pas bénéfice de ses réformes sociales, note Jean-Daniel Lévy. Qui se souvient du plan pauvreté lancé en septembre 2018 pourtant bien accueilli par les associations ? Qui se souvient de l’extension du congé parental ? »

Dans le même temps, la crise sanitaire et la campagne de vaccination au ralenti ont écorné la promesse d’efficacité. Alors que les seniors avaient délaissé le vote LR pour Emmanuel Macron aux Européennes, vont-ils tenir le barrage, eux qui sont les premiers touchés par le virus ? « L’épreuve du feu sanitaire » a nourri la déception à droite, abonde Franck Louvrier, maire LR de La Baule et ex-conseiller de Nicolas Sarkozy. Mais le problème serait plus profond : « C’est le “en même temps” qui déçoit à gauche et à droite. En voulant faire plaisir aux uns et aux autres, Emmanuel Macron perd des deux côtés de l’omelette. En principe, on doit rassembler sa famille au premier tour puis élargir au second. Mais il élargit d’abord, alors il perd partout. Le macronisme a été une opportunité, pas un positionnement politique. Cela crée des déçus qui partent vers l’abstention ou les extrêmes. »

0 Réponses à “Sondage : l’éclatement du front républicain”


  • Aucun commentaire

Laisser un Commentaire




L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol