Le risque chinois sous-estimé
Si elle reconnaît que le nouveau président a maintenu les sanctions économiques de son prédécesseur, la juriste Isabelle Feng met en garde, dans une tribune au « Monde », contre la naïveté d’une stratégie multilatérale dont Pékin pourrait être le principal bénéficiaire.
Tribune.
Le jour même où Joe Biden s’est installé à la Maison Blanche, le 20 janvier, les trois géants chinois de télécoms – China Mobile, China Telecom et China Unicom –, fraîchement exclus de la Bourse de New York parce qu’accusés d’être liés à l’armée chinoise, ont demandé au nouveau président de revenir sur cette décision, dictée par un décret signé par Donald Trump. D’autres sociétés chinoises, comme Huawei, Wechat ou Tiktok, également dans le collimateur de Washington, nourrissaient le même espoir, à savoir que l’administration Biden « ferait preuve de rationalité et de bon sens », selon les termes de l’agence Xinhua, la voix officielle de Pékin.
Deux mois plus tard, tout indique que Joe Biden, l’anti-Trump déclaré, suit fidèlement les lignes tracées par son prédécesseur dans les relations avec le régime communiste de Pékin. Non seulement le réchauffement de la relation bilatérale n’a pas eu lieu, mais elle est même sur le point de chuter à une température aussi glaciale que l’hiver d’Alaska où, lors de la première rencontre sino-américaine de l’ère Biden, le 18 mars, les deux pays ont pris le monde entier à témoin de leur profonde hostilité réciproque.
Certes, le 26 janvier, M. Biden avait retiré discrètement le règlement proposé par M. Trump qui imposait aux universités de divulguer les liens financiers avec les Instituts Confucius, équivalents chinois des Alliances françaises, et dont la mission est d’accroître l’influence de Pékin à travers le monde. Mais un sondage du Pew Research Center montre que l’image de la Chine, gravement abîmée par la pandémie, est plus négative que jamais.
Certes, le 11 février, veille du Nouvel An lunaire, M. Biden a ravi les deux plates-formes chinoises TikTok et WeChat en ordonnant la suspension des actions en justice engagées par l’administration Trump, qui les soupçonnaient d’espionnage. Mais, quatre jours plus tôt, le 7 février, le nouveau chef d’Etat américain avait affirmé que son homologue chinois « n’a pas une once de démocratie en lui ».
Certes, le 12 mars, un juge fédéral américain a donné raison à Xiaomi, fabricant chinois de smartphones, en le retirant temporairement de la liste noire des « entreprises militaires communistes chinoises » édictée dans les dernières heures du mandat de M. Trump. Mais ce même jour, le géant équipementier des télécoms Huawei s’est vu confirmé comme « menace pour la sécurité nationale » par le Federal Communication Commission, ce qui revient à l’exclure du marché américain.
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