Alimentation : se méfier des produits hors saisons
Un article du Figaro attire l’attention sur la nécessité d’éviter la consommation de produits, légumes et fruits hors saison. En effet la plupart sont poussés à coup de produits chimiques et cueillis alors qu’ils ne sont pas en pleine maturité. Ils perdent beaucoup d’un point de vue gustatif mais aussi d’un point de vue de la qualité nutritive. Mieux vaut consommer des produits de saison dans les conditions de production résistent mieux à l’arsenal chimique. Il est conseillé pour les produits qui ne sont pas vraiment bio de les éplucher pour la plupart quand c’est possible
La majorité des consommateurs achètent du bio pour se protéger des pesticides. Or, il est important de rappeler que contrairement à une idée répandue, l’agriculture biologique y a aussi recours (voir encadré), même si les quantités de résidus restent minimes par rapport à ceux de l’agriculture conventionnelle. Et d’après un rapport de 2018 de l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA), la moitié des produits de culture non bio ne contiennent pas de résidus de pesticides. Seuls 4,8% dépassent la limite sanitaire en vigueur (LMR, le seuil réglementaire européen).
Les pesticides utilisés dans le cadre d’une agriculture biologique ne doivent pas être des produits de synthèse créés par l’homme. Mais qui dit d’origine naturelle ne veut pas forcément dire sans risque. Dans son rapport de 2018, l’EFSA a détecté 13,8% de résidus dans des produits agricoles bio, dont 1,4 % dépassent le seuil réglementaire. Parmi eux, le cuivre, utilisé par les producteurs bio de vin, de poires, de pommes ou de pommes de terre, qui a mauvaise presse. «(Il) n’est pas reconnu cancérigène mais ce métal lourd dont la toxicité est bien connue, s’accumule dans les sols, ce qui est très préoccupant pour la santé humaine et la protection de l’environnement en Europe», reconnaissait en mars 2019 le commissaire européen chargé de la santé Vytenis Andriukaitis sur Twitter.
Comment les trier ? Les légumes font davantage partie des «bons» élèves par rapport aux fruits, indique Philippe Pouillart, enseignant-chercheur en pratique culinaire et santé à l’Institut polytechnique UniLaSalle à Beauvais. Certains sont davantage protégés par le sol et moins exposés aux maladies. «L’asperge, qui représente 3,9% de risque de contamination aux résidus de pesticides selon les dernières données de la DGCCRF, pousse sous terre au printemps lorsque la pression des pathogènes n’est pas encore forte et nécessite ainsi moins de pesticides», détaille le chercheur. Même observation pour la patate douce dont l’amidon «résiste bien mieux aux ravageurs que la pomme de terre», issue d’une autre famille botanique.
L’enveloppe du légume a aussi son importance. «Le chou, les petits pois ou l’oignon, sont protégés par des couches multiples ou épaisses. Le maïs est lui protégé par une peau plus dense, l’aubergine par une peau plus brillante… Cela permet de faire au maximum barrière aux pesticides, à condition de ne pas manger ladite peau», nuance Philippe Pouillart. Même logique du côté des fruits : on privilégiera l’avocat et sa peau cireuse (21% de risque de contamination aux résidus de pesticides), le kiwi et ses poils (27% de risque), la mangue ou encore l’ananas et sa carapace fibreuse.
En suivant ce raisonnement, on évite alors ceux à la peau «plus poreuse» et exposés davantage aux traitements phytosanitaires. En tête de liste on trouve les herbes aromatiques, le céleri branche (85% de risque), l’endive, la laitue, les haricots verts, la pomme de terre, le poireau et enfin le melon (40% de risque). Au rayon fruits, nous avons le raisin (89% de risque), les agrumes type oranges, mandarines, clémentines, pamplemousses, la cerise, la fraise ou encore la nectarine.
Prenons-nous des risques en s’exposant à ces résidus de pesticides, certaines familles étant classées comme cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction ? Non, répond l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses). «Ces LMR (le seuil réglementaire européen) sont établies après une évaluation des dangers et des risques chroniques, et une importante marge de sécurité est appliquée lors de leur fixation, assurait le directeur général de l’Anses Roger Genet dans un communiqué en 2018. Ainsi, la présence de traces de pesticides dans les denrées alimentaires à des teneurs inférieures ou égales à la LMR, ou même un dépassement ponctuel, ne présentent pas un risque pour la santé du consommateur.» En revanche, des scientifiques et des associations comme Générations Futures alertent sur un potentiel «effet cocktail» de ces faibles doses, non pris en compte par la législation actuelle.
Finalement, pour se protéger au mieux et éviter la migraine devant les étals, Catherine Renard, directrice de l’unité Sécurité et qualité des produits d’origine végétale à l’Inrae recommande avant tout de diversifier son alimentation en fruits et légumes en privilégiant, dans la mesure du possible, celle de saison. Opinion partagée par Philippe Pouillart, enseignant-chercheur en pratique culinaire et santé, qui plébiscite en plus une alimentation la plus locale possible. «Quand les fruits et légumes sont conditionnés pour voyager aux quatre coins du globe, ils sont récoltés bien avant d’arriver à maturité, explique-t-il. De même, faire pousser hors saison sous serre chauffée et en hydroponie donnera au final des tomates gorgées d’eau, par exemple.» Le professionnel ajoute : «Un produit de saison poussera bien mieux sans engrais et s’exposera à moins de pesticides, car la chaîne alimentaire insecte/prédateur suivra elle-aussi la saison.»
D’autant plus que, pour l’heure, rien ne prouve formellement que l’alimentation bio soit plus bénéfique que celle conventionnelle pour la santé humaine, rapporte Carine Le Bourvellec, chargée de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae). «Un fruit ou un légume bio a le même profil nutritionnel qu’un même produit conventionnel, assure-t-elle. Avec son équipe de l’unité Sécurité et qualité des produits d’origine végétale, la chercheuse a étudié pendant trois ans trois variétés de pommes issues de trois modes de cultures différentes (conventionnel, bas en intrants, bio). «On a pu démontrer que la variété a davantage d’impact sur les qualités nutritionnelles et organoleptiques, conclut-elle. Viennent ensuite l’année de culture et enfin en tout dernier le mode de production».
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