L’économie victime des défaillances logistiques
Le rebond économique, mené par les Etats-Unis, et l’explosion de la demande de biens de consommation exercent des pressions sur les chaînes logistiques déjà mises à rudes épreuves. Une série de perturbations graves, notamment le blocage du Canal de Suez cette semaine, devrait empirer les pénuries et faire encore grimper les prix. (Un article du Wall Street Journal)
Les pénuries se sont particulièrement fait sentir dans le secteur automobile où les constructeurs ont été obligés de réduire la production en réaction au manque de semi-conducteurs. Mais les difficultés à se procurer des matières premières et autre matériel se sont récemment aggravées sous l’effet d’une série de perturbations importantes.
La dernière interférence en date est le blocage du Canal de Suez par un porte-conteneurs mardi. Elle fait suite à un incendie dans l’une des usines d’un des plus grands fabricants de puces pour automobiles au monde, à Hitachinaka, au nord-est de Tokyo.
La vague de froid du mois dernier au Texas a provoqué des pannes de courant aboutissant à la fermeture des usines formant le principal complexe pétrochimique mondial. Beaucoup d’entre elles n’ont pas repris l’activité.
Dans une série d’enquêtes mondiales publiée mercredi, les producteurs manufacturiers ont fait part d’un allongement des délais de livraison de matières premières et autres produits, d’une augmentation des retards de production et d’une nette hausse des prix des fournitures
La Réserve fédérale s’attend à ce que l’économie américaine se redresse plus vite que ne le prévoyaient les responsables il y a quelques mois. La banque centrale anticipe en effet que la campagne de vaccination contre la Covid-19 et les milliards de dollars de plan de relance propulseront l’économie américaine vers sa plus forte expansion en plus de trente ans.
Cette évolution exerce une pression sur les chaînes logistiques nécessaires aux multinationales pour toute leur production, des vélos d’appartements aux meubles.
Dans une série d’enquêtes mondiales publiée mercredi, les producteurs manufacturiers ont fait part d’un allongement des délais de livraison de matières premières et autres produits, d’une augmentation des retards de production et d’une nette hausse des prix des fournitures.
Aux Etats-Unis, il y avait aussi des signes que les pénuries mettaient les usines en difficulté, la production augmentant à son rythme le plus faible en cinq mois, en partie du fait du manque de matières premières, tandis que les nouvelles commandes augmentaient à leur rythme le plus rapide en près de sept ans.
La société d’information IHS Markit a indiqué que les dirigeants américains avaient signalé les perturbations les plus graves depuis le lancement de l’enquête nationale en 2007. Elle a également noté que les entreprises avaient « généralement fait part d’un ralentissement de la croissance de production en raison d’une pénurie de matières premières pour honorer les nouvelles commandes. »
Des signes montrent que ces pénuries ralentissent légèrement la croissance.
« Je ne dirais pas que les perturbations de l’offre posent nécessairement un risque pour la reprise, mais qu’elles vont, au moins de manière temporaire, limiter la vitesse à laquelle l’économie peut croître », a expliqué Andrew Hunter, économiste senior pour les Etats-Unis chez Capital Economics.
« La croissance sera un peu plus lente et on observera peut-être de légères tensions haussières sur les prix », a déclaré le président de la Réserve fédérale Jerome Powell dans une audience devant les parlementaires mercredi. « Mais cela ne devrait pas durer. Comme vous le savez, par définition un goulot d’étranglement est temporaire, car l’offre s’ajuste. »
Les économistes et banquiers centraux estiment que les pénuries seront probablement de courte durée, car les fabricants de semi-conducteurs et d’autres pièces devenues rares augmentent leur capacité. La réouverture des restaurants et autres services à mesure que les programmes de vaccination progressent devraient détourner les dépenses des ménages de biens en forte demande comme les ordinateurs portables et autres appareils électroniques ménagers.
« La croissance sera un peu plus lente et on observera peut-être de légères tensions haussières sur les prix », a déclaré le président de la Réserve fédérale Jerome Powell dans une audience devant les parlementaires mercredi. « Mais cela ne devrait pas durer. Comme vous le savez, par définition un goulot d’étranglement est temporaire, car l’offre s’ajuste. »
La reprise de la production après la chute induite par la pandémie a commencé en mai et la production était revenue à ses niveaux d’avant confinement dès décembre. Ce rebond a été beaucoup plus rapide qu’après la crise financière mondiale et la vitesse de la reprise semble avoir pris de nombreux fabricants et leurs fournisseurs par surprise.
Les tensions sur les prix se sont accumulées aux Etats-Unis au cours des quatre à cinq derniers mois, car les efforts de relance ont soutenu les revenus des ménages et que l’investissement des entreprises s’est redressé, observe Veronica Clark, économiste chez Citi.
La hausse des prix à la consommation et les attentes d’une poursuite de cette hausse pourraient contribuer à une accélération de l’inflation, ce qui devrait encourager la Fed à relever ses taux. Toutefois, de nombreux économistes s’attendent à ce que la Fed accorde peu d’attention aux tensions sur les prix créées par les récentes perturbations de chaîne logistique.
« Ils ne cherchent pas de prétextes pour resserrer la politique monétaire en ce moment, mais au contraire pour ne pas la resserrer », commente Joshua Shapiro, économiste en chef pour les Etats-Unis à la société de conseil Maria Fiorini Ramirez. « Donc, dans la mesure où on peut indiquer que ce qui stimule l’inflation est temporaire, cela alimentera leur argumentaire. »
Les concessionnaires automobiles américains manquent déjà de camionnettes et de voitures, car une pénurie de pièces a perturbé la production. De ce fait, les acheteurs doivent payer plus cher et attendre plus longtemps et ils disposent de moins de choix de modèles. Parallèlement, la consommation des ménages a augmenté de près de 10 % en janvier, comparé à l’année précédente, selon le département du Commerce. Sous l’effet de cette envolée de la demande, les ports américains sont encombrés de navires transportant des dizaines de milliers de conteneurs avec de longs délais pour décharger la marchandise.
« Les producteurs ont eu de plus en plus de mal à tenir le rythme de la demande, principalement du fait des retards et perturbations de la chaîne logistique », note Chris Williamson, économiste d’affaires en chef chez IHS Markit. « Une hausse des prix s’est ensuivie avec des taux d’inflation jamais vus dans l’histoire de l’enquête que ce soit pour les prix des fournitures ou pour les prix de vente. »
En Allemagne, l’un des grands centres manufacturiers mondiaux, l’indice PMI a enregistré la plus forte hausse de production depuis la création de l’enquête en 1996. C’est une bonne nouvelle pour l’économie européenne, qui reste entravée par la hausse des infections au coronavirus et par une campagne de vaccination hésitante.
Au cours des six derniers mois, l’économie européenne a évolué à deux vitesses. Alors que le secteur manufacturier s’est développé à un rythme de plus en plus rapide, l’activité a baissé dans le secteur des services, qui est plus important. Globalement, le résultat sur les cinq derniers mois est une contraction de la production qui a probablement fait plonger la zone euro dans une récession pour le dernier trimestre de 2020 et le premier de 2021.
Toutefois, à la surprise de la plupart des économistes, la situation a changé en mars et l’activité manufacturière s’est révélée tellement forte qu’elle a compensé la baisse des services, ouvrant la voie à une croissance générale.
Ce retour à la croissance ne sera peut-être pas pérenne, car la France et l’Allemagne ont imposé de nouvelles restrictions pour les particuliers et les entreprises au cours des dernières semaines et on observe peu de signes d’une augmentation imminente des vaccinations.
Pour l’essentiel du reste de l’économie mondiale, la reprise est moins déséquilibrée. Cependant, dans la plupart des lieux, l’industrie a rebondi plus fortement que les services, reflétant le fait que la plupart des biens peuvent être consommés avec un risque relativement faible d’infection, tandis que de nombreux services à commencer par la restauration demeurent plus risqués.
A mesure que le rythme des vaccinations accélère dans le monde, les impasses logistiques devraient se dissiper de même que les tensions sur les prix qui y sont liées, estime Oren Klachkin, économiste en chef pour les Etats-Unis chez Oxford Economics.
« Ces perturbations devraient persister dans l’immédiat et ne se dissiperont pas significativement avant que nous ne dépassions la crise de la Covid au niveau mondial », déclare-t-il.
En Australie, les entreprises ont signalé la plus forte hausse des prix à l’importation de l’histoire de l’enquête et ont attribué cette évolution à des goulots d’étranglement dans leurs chaînes logistiques.
Dans toute la zone euro, les dirigeants ont indiqué la hausse la plus rapide en dix ans des prix des matières premières ainsi que les plus longue durée d’attente de livraison des matières premières au cours des 23 ans d’existence de l’enquête. Les fabricants allemands en particulier ont souligné un allongement des délais d’attente des fournitures provenant d’Asie.
Aux Etats-Unis comme en Europe, les industriels ont répondu à la hausse de la demande en recrutant davantage de main d’œuvre, ce qui devrait soutenir la reprise du secteur des services lorsque les commerces pourront rouvrir normalement. Néanmoins, la hausse des coûts des matières premières laisse présager une augmentation des prix à la consommation dans les prochains mois, un problème que les banquiers centraux considèrent comme provisoire pour le moment.
John McCormick a contribué à cet article
(Traduit à partir de la version originale en anglais par Astrid Mélite)
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