Comment faire face à l’agressivité de la Chine et de la Russie
Quelle stratégie l’UE, peu habituée aux retours de bâton, va-t-elle suivre pour faire face à l’agressivité de Pékin, en plus de celle de Moscou, s’interroge Sylvie Kauffmann, éditorialiste au « Monde », dans sa chronique.
Chronique.
L’Europe est au pied du mur et, si la position est inconfortable pour tout le monde, elle l’est particulièrement pour les Vingt-Sept, peu rompus aux épreuves de force. Il s’agit, après tout, d’un groupe que son haut représentant pour la politique extérieure, Josep Borrell, supplie régulièrement de se mettre à « apprendre le langage de la puissance ». Et visiblement, l’apprentissage prend du temps.
Non pas que l’Union européenne (UE) ne sache pas manier les sanctions : au contraire, elle en use volontiers, à l’égard de la Russie, de la Biélorussie ou encore récemment des militaires putschistes de la Birmanie, et maintenant de la Chine.
Mais elle n’est pas habituée au retour de bâton en pleine figure. A la limite, elle sait s’accommoder de la pratique du tit for tat qui est l’usage avec Moscou. Œil pour œil, dent pour dent, trois diplomates expulsés d’un côté, trois diplomates de l’autre – avec les Russes, on sait à quoi s’attendre.
Bruxelles découvre qu’avec les Chinois c’est autre chose. Eux ne font pas dans l’équivalence, mais dans la surenchère. L’UE déclare persona non grata quatre responsables chinois du Xinjiang impliqués dans la répression massive des musulmans ouïgours, et une institution locale, le bureau de la sécurité publique. Pékin riposte en doublant, voire en triplant la mise : ce sera dix Européens sanctionnés et quatre institutions.
Un chercheur d’une fondation française critique avec insistance le régime chinois sur Twitter ? L’ambassade de Chine passe aux insultes et puise dans la richesse du vocabulaire français, puis dans la zoologie, pour le traiter de « petite frappe » et de « hyène folle ».
Le chef de la diplomatie française convoque l’ambassadeur de Chine pendant les heures de bureau pour lui rappeler les règles diplomatiques ? Non seulement le diplomate chinois prétend avoir des problèmes d’agenda pour reporter le rendez-vous, mais l’ambassadeur de l’UE à Pékin est convoqué, lui, en pleine nuit.
« L’Europe n’est pas un paillasson », pas plus que la France, a affirmé Clément Beaune, secrétaire d’Etat aux affaires européennes, mardi 23 mars, sur Franceinfo. « Le Parlement et les institutions de l’UE ne se laisseront pas intimider », a juré le président du Parlement européen, David Sassoli. L’indignation est bienvenue ; maintenant, il va falloir le prouver.
Et c’est là que les choses se compliquent pour l’UE. Car, pas plus tard que le 30 décembre 2020, l’UE, alors présidée par l’Allemagne, brandissait comme un trophée diplomatique la conclusion avec Pékin d’un accord global sur les investissements, visant à ouvrir un peu plus le marché chinois aux entreprises européennes.
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