Le Monde veut ranimer le front républicain !
De toute évidence le journal LE monde tente de ranimer le concept de front républicain , en pleine obsolescence y compris à gauche . Le seul problème c’est qu’on voit mal ce qu’il peut y avoir aujourd’hui de commun au sein des organisations très Balkanisées de cette gauche.
Éditorial du monde
Quatorze mois avant l’échéance présidentielle de 2022, il peut sembler prématuré de tirer le signal d’alarme autour d’une possible rupture du front républicain. Le présupposé est que la candidate du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, sera forcément au second tour de l’élection et que celui ou celle qui l’affrontera n’est plus assuré(e) de l’emporter, faute de pouvoir rassembler largement derrière sa personne le camp républicain.
Ces spéculations ne tiennent pas compte du fait que le paysage politique est encore loin d’être stabilisé. Si Marine Le Pen et le fondateur de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, se sont déjà déclarés, beaucoup d’autres candidats ne l’ont pas encore fait. L’interminable crise sanitaire contribue, en outre, à boucher l’horizon, alors que chaque campagne présidentielle crée sa propre dynamique. Les sondages publiés aujourd’hui ne sont donc que des indications, qui n’autorisent qu’une chose : s’interroger sur les ressorts de la grave crise démocratique que traverse le pays.
La consolidation de Marine Le Pen dans le paysage politique est un fait : son socle électoral apparaît solide, notamment dans les milieux populaires et chez les jeunes actifs. La politique de dédiabolisation qu’elle mène depuis 2011 pour tenter d’élargir son audience fait qu’elle a, en partie, neutralisé les réactions épidermiques que suscitait son père, Jean-Marie Le Pen. A partir du moment où la présidente du RN s’autoproclame « républicaine » et où une partie de ses adversaires la reconnaît comme telle, l’idée du front républicain se trouve automatiquement fissuré.
Le rassemblement des forces de droite et de gauche contre l’extrême droite a connu son apogée en 2002, lors du duel entre Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen. Il s’est, depuis, largement érodé : lors de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle de 2017, Laurent Wauquiez, alors président par intérim du parti Les Républicains, n’a pas plus appelé à voter pour Emmanuel Macron que Jean-Luc Mélenchon, le candidat de La France Insoumise. Cette rupture pratiquée par certains leaders a été aussi le fait de nombreux électeurs, qui, par rage ou lassitude, passèrent outre aux consignes de leurs partis. Non seulement le front républicain a perdu de sa valeur morale, mais il a fini par apparaître à beaucoup comme un piège.
Elu au second tour de la présidentielle de 2002 avec 82,2 % des suffrages exprimés, Jacques Chirac n’a gouverné qu’avec la droite, dont il venait de réunir les composantes dans l’UMP. Elu au second tour de 2017 avec 66,1 % des suffrages, Emmanuel Macron s’est appuyé sur le parti qu’il venait de créer pour tenter de casser ceux du vieux monde, qui avaient, à ses yeux, failli. Une partie des électeurs qui avaient voté pour lui afin de faire barrage à Marine le Pen se sentent aujourd’hui ignorés, voire trahis.
La crise du front républicain recoupe celle de la représentation : des pans de plus en plus importants d’électeurs ne se sentent pas représentés, ce qui crée un fort risque de colère ou de retrait. Le record d’abstention aux élections municipales de 2020 nous l’a largement rappelé. Ces signaux inquiétants plaident pour une profonde remise en question de la pratique institutionnelle. Seule la perspective d’un contrat équitable entre les parties prenantes peut redonner consistance au front républicain. Le moment s’y prête, car, frappé par une longue crise sanitaire, le pays aura besoin, en 2022, de toutes les bonnes volontés pour se reconstruire. Cette vision nécessite cependant une révolution copernicienne tant elle apparaît à rebours de la pratique actuelle du pouvoir, centrée autour d’un seul homme, le président de la République.
Le Monde
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