Gestion de l’eau : Un enjeu stratégique
L’archéologue Corinne Castel et l’architecte-urbaniste Bernd Gundermann rappellent, à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, que les villes doivent depuis toujours faire face aux défis posés par cette ressource.( Le Monde)
Tribune.
Depuis des millénaires, les eaux nourrissent les populations, mais aussi les mythes qui forgent nos imaginaires. Les premières civilisations urbaines sont nées dans les bassins de l’Euphrate, du Tigre et du Nil. Les fleuves étaient conçus alors comme des personnalités divines. Ces premières villes, déjà confrontées aux problèmes de la gestion de la ressource en eau et de la bonne gouvernance, offrent un écho saisissant aux enjeux contemporains.
Bien sûr, la démographie est aujourd’hui sans commune mesure avec ce qu’elle était en Mésopotamie. L’accélération de l’urbanisation, l’industrialisation à outrance, la mondialisation et la financiarisation du monde ont changé la donne. Nous sommes arrivés à un point de basculement où les activités humaines ont une incidence globale telle sur l’écosystème terrestre qu’elle affecte la santé des populations et la sécurité alimentaire.
Mais les expériences multiples dans les pays lointains du passé, comme celles issues de la diversité de notre monde contemporain, constituent toujours une source d’inspiration pour penser les villes de demain, alors qu’il faut nourrir, loger, protéger une population urbaine mondiale toujours plus grande.
Les premières villes mésopotamiennes ont en commun de naître et de se développer dans un contexte globalement aride, soit dans les marécages du pays de Sumer (sud de l’Irak actuel), soit dans les steppes inhospitalières de Syrie, en tout cas loin des vertes prairies de nos climats tempérés.
Comment ces villes ont-elles pu se développer dans des milieux si contraignants où alternent longues périodes de sécheresse et brusques montées des eaux, souvent dévastatrices, comme le long de l’Euphrate où la période des crues est trop tardive pour les récoltes d’hiver, trop précoce pour les cultures d’été ? Comment certaines villes ont-elles pu s’établir et perdurer plusieurs siècles en limite des marges du désert, là où il ne pleut, en moyenne, que 200 mm d’eau par an, bien avant la mécanisation et nos technologies de pointe ? Comment gérer la pénurie et l’incertitude des rendements agricoles, face à l’irrégularité des pluies ?
Les interactions entre les humains et leur environnement résultent d’une histoire très ancienne, qui nous parle davantage d’adaptation à des milieux difficiles que de maîtrise de la nature et de son exploitation. Les premiers habitants urbains se sont installés le long des fleuves, bien sûr, mais sur une terrasse au-dessus pour éviter les crues. Ils ont fondé des villes parfois éloignées des cours d’eau, mais à la jonction entre des écosystèmes complémentaires pour pratiquer à la fois pastoralisme et agriculture vivrière. Ils ont construit des maisons et bâtiments publics, parfois vastes et pourvus d’étages, en briques de terre crue fabriquées sur place. Une architecture aux remarquables qualités bioclimatiques et pluricentenaire lorsqu’elle est régulièrement entretenue.
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