Tribune.
Depuis une loi du 27 mars 2017, les très grandes entreprises françaises ont un « devoir de vigilance ». Elles ont une obligation de prévenir les risques sociaux, environnementaux et de gouvernance liés à leurs opérations, où qu’elles se situent dans le monde. Pour ce faire, elles doivent mettre en place un « plan de vigilance » comprenant des procédures d’évaluation et de prévention des risques dans leurs relations avec leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs.
La société Total SE, à la tête du groupe Total (1 191 sociétés actives dans 130 pays), a publié son plan de vigilance le 15 mars 2018. Un ensemble disparate de communes et de régions françaises et d’associations de droit privé a considéré ce plan comme insuffisant et a décidé d’attaquer la société Total SE en justice pour qu’elle l’améliore. La société Total SE a contesté la compétence du tribunal judiciaire, préférant être jugée par le tribunal de commerce. Par une ordonnance rendue le 11 février 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre s’est cependant déclaré compétent.
Certains se demandaient si ces dispositions pouvaient avoir un impact réel ou si elles n’étaient qu’un vœu pieux. Or, selon le juge de Nanterre, par l’effet combiné de ces deux textes, « les choix stratégiques de Total SE (…) ne peuvent plus être opérés dans une stricte logique économique mais en intégrant des éléments antérieurement conçus comme exogènes : désormais gérée, en application de l’article 1833 du code civil, “dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité” (…), elle doit intégrer dans ses orientations stratégiques des risques d’atteintes aux droits humains et à l’environnement et, de fait, au regard de la nature de son activité, procéder à des abandons ou des réorientations substantielles ».
Le juge donne donc toute leur force aux textes nouveaux : prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux peut conduire à des abandons d’activités ou à des ajustements majeurs.
0 Réponses à “Responsabilité sociale des entreprises : une valeur juridique de gestion montante”