Déforestation : quelle prise en compte de l’intérêt général ?
A l’occasion de la Journée internationale des forêts, dimanche 21 mars, le botaniste Francis Hallé dénonce, dans une tribune au « Monde », la « bienveillance » envers l’abattage et le commerce du bois, et prône une compensation pour les dommages causés à la nature et à l’humain.
Un fait banal pour commencer : un propriétaire forestier ou un exploitant abat ses arbres ou exploite une parcelle de forêt qui lui appartient, puis il vend son bois à un prix qui dépend de l’essence considérée et qui est fixé par les règles du marché. Il est le seul bénéficiaire de l’opération et cela nous paraît normal, puisque cet homme est propriétaire de la ressource.
Depuis des siècles, les choses se passent ainsi et jamais personne n’a protesté contre la déforestation – à l’exception de quelques philosophes ou de quelques poètes : Ronsard, Hugo ou Giono. Cette relative bienveillance envers les abattages et le commerce du bois se justifiait par le fait que, jusqu’à une époque récente, ces activités étaient artisanales et que leurs conséquences restaient discrètes, voire imperceptibles.
Mais les temps ont changé, les abattages se sont industrialisés et les contraintes écologiques de notre époque amènent à questionner un processus d’exploitation qui fonctionnait bien dans le passé, mais qui paraît maintenant trop simple ; car s’il y a un bénéficiaire, il y a aussi des perdants.
« Les arbres absorbent le CO2 , fixent le carbone atmosphérique, nous fournissent de l’oxygène, régulent le débit des eaux, ils ont une influence bénéfique sur notre santé physique et mentale… »
Des perdants ? Qui sont-ils ? Nous tous, car les arbres abattus représentaient un patrimoine qui nous garantissait un environnement viable, et même agréable ; ces arbres absorbaient le CO2 qui réchauffait l’atmosphère, ils fixaient le carbone atmosphérique, ils nous fournissaient de l’oxygène, agrémentaient nos paysages, inspiraient les peintres et les poètes, régulaient le débit des eaux, amélioraient la fertilité des sols et les protégeaient contre l’érosion ; en outre, ils avaient une influence bénéfique sur notre santé physique et mentale, tout en favorisant le développement et le maintien d’une diversité biologique dont nous savons maintenant qu’elle est vitale pour l’espèce humaine.
A notre époque, n’est-il pas devenu anormal, voire insupportable, que l’industrie du bois tue et détruise des êtres vivants sans tenir aucun compte des services qu’ils nous rendaient ?
Nous devons prendre conscience que le fonctionnement de cette industrie repose sur une comptabilité fallacieuse puisque, dès lors que la nature est détruite, nous cessons de bénéficier de tous les services qu’elle assurait gratuitement, sans que nous recevions quoi que ce soit en échange, et sans qu’aucune disposition juridique ou financière ne garantisse que les dommages écologiques seront compensés par ceux qui en sont les responsables.
0 Réponses à “Déforestation : quelle prise en compte de l’intérêt général ?”