Danone : victime de la RSE et des fonds spéculatifs
Simon Gueguen, Maître de conférences en finance à CY-Cergy-Paris Université
Lionel Melka, Directeur de la recherche de la société de gestion de portefeuille Homa Capital estiment que, détenu par une coopérative, des fondations ou même des fonds d’impact, le groupe Danone aurait été davantage en mesure de déployer sa stratégie.
Tribune. Les fonds activistes à l’œuvre chez Danone ont obtenu une première victoire : le départ de son PDG Emmanuel Faber. La bataille essentielle commence maintenant. Elle va porter sur les objectifs stratégiques de l’entreprise, première société cotée à avoir adopté le statut d’entreprise à mission introduit par la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) de 2019.
La guerre de tranchées au sein de Danone a trouvé son paroxysme lors d’un conseil d’administration sous haute tension qui s’est tenu le 1er mars. Les forces en présence sont connues : d’un côté Emmanuel Faber défendant son bilan à la tête de l’entreprise, de l’autre des fonds activistes (Bluebell Capital Partners et Artisan Partners) jugeant les performances du groupe décevantes et militant pour un changement de structure, de patron et de stratégie.
Le changement de structure a été obtenu immédiatement, avec la séparation entre la présidence du conseil d’administration et la direction opérationnelle. Il n’aura fallu que deux semaines supplémentaires pour voir le départ d’Emmanuel Faber. Quant à la stratégie, la bataille qui commence illustre tant la montée en puissance des fonds activistes que la difficulté, pour une société cotée, à être évaluée sur d’autres critères que la performance boursière.
La montée en puissance des actionnaires activistes est un phénomène qui a pris de l’ampleur au tournant des années 2000, sous l’effet conjugué de l’aspiration d’horizontalité (le petit peut défier le grand) et du principe de redevabilité (le grand doit rendre des comptes) qui investit tous les espaces de pouvoir.
La question de la transparence
Cet essor spectaculaire a été concomitant avec le succès de la gestion « passive », qui consiste à suivre passivement les indices boursiers sans chercher à battre le marché. Nul besoin pour cela de rémunérer une équipe entière d’analystes : la gestion passive bénéficie ainsi d’un avantage concurrentiel en raison de ses faibles coûts. Pour justifier des coûts élevés, les activistes ne se contentent pas, comme la gestion active traditionnelle, de sélectionner des titres qu’ils estiment sous-évalués. Ils cherchent à user de leur influence pour changer en profondeur la stratégie, la politique financière ou la gouvernance de leurs cibles.
Dans le cas de Danone, les fonds Bluebell Capital Partners et Artisan Partners détiennent chacun moins de 5 % du capital, le seuil qui les aurait obligés à déclarer leur participation au marché dans un délai de quatre jours. L’influence de ces fonds sur les sociétés cotées pose la question de la transparence sur le contrôle des entreprises : avec moins de 5 % et en seulement quelques semaines, ils parviennent à imposer des changements majeurs dans la gouvernance de leurs cibles.
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