À défaut de vraies réformes le gouvernement aura au moins réussi à faire progresser l’ingénierie SEMANTIQUE. Par exemple en matière d’épargne l’ancienne socialiste Grégoire , SOUS MINISTRE, suggère de développer l’épargne de conviction ! Des explications assez convenues et pour le moins alambiquéés. Bref un discours pseudo techno pour masquer surtout l’immobilisme alors qu’il suffirait de créer un plan d’épargne bien rémunéré destiné au financement des entreprises notamment engagées dans la RSE. Bref quand une ancienne socialiste se noie dans la gestion bureaucratique.
L’épargne des Français a considérablement augmenté depuis un an. Plutôt que de taxer ce bas de laine, comme certains le suggèrent, vous souhaitez flécher cet argent…
A cette heure, nous sommes encore au stade de la réflexion. J’ai fait passer l’an dernier un amendement dans le cadre de la loi de finances permettant des donations, dans le cadre familial, exonérées jusqu’à 100.000 €, en vue de financer la création ou le développement de l’entreprise, la construction ou des travaux de rénovation énergétique de la résidence principale d’un descendant, et ce jusqu’au 30 juin 2021. Au-delà de ce mécanisme, nous avons la volonté d’encourager l’investissement productif. Nous réfléchissons aussi à mobiliser ces sommes au bénéfice des jeunes générations.
Avez-vous aussi des projets pour orienter cette épargne vers le financement de la transition énergétique ?
J’y suis bien sûr sensible, en tant qu’ancienne présidente de la commission spéciale de la loi Pacte. Je considère cette loi, adoptée en mai 2019, comme une étape, et non un aboutissement. Cette loi crée toutes les conditions pour l’orientation de l’épargne au service de l’ISR (investissement socialement responsable), des actifs verts et durables (par exemple sous label Greenfin) et de la finance solidaire (sous label Finansol). Ainsi, depuis le 1er janvier 2020, tout contrat d’assurance-vie doit proposer dans sa gamme au moins une unité de compte servant l’une de ces destinations. Il en faudra trois à partir de janvier 2022. Cela entraîne une mutation profonde au sein des banques, des assureurs et des gestionnaires d’actifs.
Avant même l’adoption de la loi Pacte, entre 2018 et 2019, la masse investie dans les fonds ISR avait été multipliée par cinq, passant de 5,4 à 25 milliards d’euros. Dans le même temps, les encours des fonds sous label Greenfin avaient doublé et ceux de Finansol avaient triplé. Nous sommes dans un moment de mutation extrêmement profonde et nous avons d’ailleurs une vraie avance en France. Du côté des investisseurs comme du côté des épargnants, le temps de l’épargne de conviction est arrivé : après avoir constitué une épargne de précaution, les Français souhaitent mobiliser leur épargne au service de leurs convictions, qu’il s’agisse de financer l’économie responsable, la transition écologique ou des projets à impact social.
L’abondance des labels « verts » n’est-elle pas source de confusion pour les épargnants ?
Quand des tendances deviennent structurelles et massives, il est normal qu’il y ait du foisonnement. Je parlerais, du reste, plutôt d’émulation et de créativité. Aujourd’hui, dans cette jungle, certains labels sont autodéclaratifs, d’autres très sectoriels, d’autres encore très engageants. Durant la loi Pacte, une mission sur les labels RSE avait été confiée à la députée LREM Coralie Dubost, s’agissant de l’ensemble des entreprises. Concernant les établissements financiers, le débat est concentré sur trois labels dominants, que j’ai déjà évoqués : ISR, Greenfin, Finansol.
Mais nous voulons aller plus loin. L’Inspection générale des finances a présenté un rapport sur le label ISR qui doit nourrir nos réflexions. Nous pourrions lui apporter encore plus de robustesse, faire en sorte qu’il soit plus éclairant sur le volet transition, pour valoriser la dynamique. Notons aussi que 10 % de l’épargne réglementée gérée par les banques (c’est-à-dire la part non centralisée à la Caisse des dépôts), soit 18 milliards d’euros, sont consacrés à la transition. Nous travaillons avec la Caisse des dépôts pour améliorer l’analyse et le reporting de cette épargne réglementée. C’est un gros chantier, indispensable pour s’assurer que cet argent est bien employé.
Au niveau européen aussi, d’importants changements arrivent, avec la révision de la directive sur l’information non financière (NFRD).
L’Europe entre en action pour bâtir son standard extrafinancier à la suite des travaux réalisés sur la taxonomie européenne verte [qui permet de classer les activités économiques en fonction de leur impact environnemental]. La révision de la directive NFRD est attendue pour fin avril 2021. Il s’agit d’enclencher la création d’une norme européenne de reconnaissance de la performance extrafinancière des entreprises, et nous comptons faire progresser les travaux sur cette directive durant la présidence française de l’Union européenne, à partir du 1er janvier 2022.
L’enjeu est que les entreprises européennes de plus de 250 salariés, d’ici fin 2023-début 2024, communiquent des indicateurs convergents, mais aussi certains indicateurs sectoriels. La directive devrait également prévoir que ces données ESG soient en accès libre et gratuit, pour permettre leur réutilisation par les parties prenantes (presse, ONG, scientifiques…). Il ne faut pas non plus oublier la dimension dynamique, la mesure du chemin parcouru. La publication d’indicateurs ESG ne crée pas ipso facto de mesure de l’impact. Il est indispensable que cette directive s’articule avec la taxonomie et les standards internationaux pour qu’il n’y ait pas de redondance ni de complexité pour les entreprises. Il faut mettre en place une autorité de la norme européenne, qui pourrait être l’Efrag [Groupe consultatif pour l’information financière en Europe]. Celui-ci a, d’ailleurs, rendu un rapport de mission préparatoire sur un référentiel commun d’information extrafinancière. Un autre enjeu est la création d’une autorité indépendante de contrôle.
L’Europe fait-elle le poids face aux Etats-Unis pour imposer ses propres normes ?
Je me bats pour que l’Europe y parvienne. La question est de savoir si l’Europe sera capable de bâtir sa norme pour promouvoir un modèle européen des critères ESG, et ne pas dépendre du modèle américain. Aujourd’hui, le continent de l’ESG, c’est l’Europe ! Selon Morningstar, 82 % des encours de fonds ESG sont européens. C’est l’Europe qui a créé les obligations vertes, c’est la France qui a été le premier Etat à en émettre, et nous lançons d’ailleurs une nouvelle émission d’obligations vertes. Il ne serait pas compréhensible de commettre la même erreur qu’il y a vingt ans avec les normes comptables IFRS, et la délégation de facto aux Etats-Unis et à des acteurs privés de la régulation de ces enjeux. Le risque serait alors que des entreprises européennes soient mal notées, par exemple parce qu’elles ne pratiquent pas l’extraction de gaz de schiste ou parce qu’elles ne fournissent pas de données relatives à la diversité ethnique.
L’examen de la loi climat et résilience, issue des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, a débuté à l’Assemblée nationale. Comment accompagner les entreprises pour qu’elles suivent ce mouvement ?
Parmi les entreprises qui sont tenues de faire un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre (BEGES) aujourd’hui, seulement 30 % les dressent de façon satisfaisante. Notre objectif est que davantage d’entreprises réalisent ce bilan, mais surtout qu’elles le fassent bien. Cela suppose un investissement en matière de ressources. Les BEGES sont un outil stratégique de la transition, et il est indispensable d’emmener le plus d’entreprises possible, mais cette transition est exigeante, et il faut toute une dynamique d’accompagnement. Les articles 16, 17 et 18 de la loi climat et résilience, notamment, visent à mieux accompagner les entreprises face à ces enjeux. Il faut de la formation, il faut permettre aux petites entreprises d’embaucher pour cela. Le dispositif VTE (volontariat territorial en entreprises) vert apporte une aide jusqu’à 8.000 € pour l’embauche d’une personne chargée de ces sujets. Les opérateurs de compétences (Opco), soit plus de 2.000 personnes sur le territoire, pourront aussi apporter leur soutien pour accompagner les DRH des petites et moyennes entreprises.
Beaucoup d’entreprises, et notamment de PME, s’orientent sur la voie de la RSE de façon sincère. Elles ont déjà fait évoluer leur processus de production, d’achat, ont rendu paritaire leur comité de direction… Enfin, nous allons obliger l’ensemble des marchés publics, soit 100 milliards d’euros de commande publique annuels, à intégrer au moins un critère environnemental dans l’attribution et l’exécution des contrats, à l’horizon de cinq ans, c’est-à-dire plus vite que ce que demandait la Convention des citoyens. Les enjeux s’alignent, et l’ESG est sur le chemin pour devenir un élément puissant de compétitivité, mais aussi d’attractivité vis-à-vis des jeunes actifs sur le marché du travail et des consommateurs.
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