Danone : l’échec de la RSE ?

Danone : l’échec de la RSE ?

Les chercheurs Jérémy Lévêque et Blanche Segrestin expliquent, dans une tribune au « Monde », en quoi l’éviction d’Emmanuel Faber de la direction de Danone n’exclut pas la poursuite des visées sociales et environnementales de l’entreprise.

Tribune

 Le 26 juin 2020, Danone était la première entreprise cotée à adopter la qualité de « société à mission », introduite par la loi Pacte (relative à la croissance et la transformation des entreprises du 22 mai 2019). Cette transformation, votée à 99,4 % par l’assemblée générale des actionnaires, confortait la tradition sociale du groupe. Elle renforçait aussi la stratégie de son PDG, Emmanuel Faber.

Huit mois plus tard, après plusieurs semaines de tensions autour de son plan de redressement financier, Emmanuel Faber est finalement démis de ses fonctions par le conseil d’administration, exhorté en cela par deux fonds activistes nouvellement entrés au capital.

 

Dès le début des tensions, de nombreux observateurs se sont empressés de voir dans le cas de Danone la faillite du statut de société à mission qui ne permettrait pas de résister à la course à la rentabilité actionnariale, et la chute du PDG qui avait engagé Danone sur cette voie scellerait de facto son abandon.

Nous pensons, au contraire, que le cas Danone ne permet pas encore de se prononcer ni sur l’échec ni sur la portée de la société à mission. Il convient d’abord de revenir aux dispositions de la loi. Car il est plus facile d’évincer un dirigeant que de se désengager des engagements d’une société à mission ! Le dirigeant est révocable par son conseil d’administration sans préavis ni justification ; tandis qu’il faut un vote aux deux tiers de l’ensemble des actionnaires pour rejeter la qualité de société à mission.

Surtout, ce n’est en fait qu’à partir de maintenant, et quand la nouvelle équipe dirigeante va proposer sa stratégie pour répondre aux attentes des actionnaires, que nous allons pouvoir observer les effets concrets de la société à mission et juger de sa robustesse.

L’intérêt du cadre de la société à mission est en effet de permettre à une entreprise d’inscrire dans ses statuts une mission constituée d’un ensemble d’objectifs d’intérêt collectif librement choisis. Une fois dans les statuts, cette mission devient alors juridiquement opposable.

Danone s’est ainsi engagée sur plusieurs objectifs dont : la promotion de meilleures pratiques alimentaires ; le soutien à un modèle d’agriculture régénératrice, plus juste et plus durable ; le souci de donner à chaque salarié la possibilité de peser sur les décisions de l’entreprise ; ainsi que l’accompagnement des acteurs les plus fragiles de son écosystème. Ces objectifs ne sont pas caducs du seul fait du départ d’Emmanuel Faber. Demain, plusieurs parties prenantes pourraient les rappeler aux actionnaires comme à la nouvelle direction.

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