Changer les noms de rue pour changer la société ?
Le petit peuple des bobos de gauche qui n’ont sans doute pas souvent mis les pieds dans un HLM ou dans un quartier difficile explique dans le Monde en quoi le changement de nom de rue va changer la société. Les intéressés ont parfaitement le droit d’exprimer leur point de vue mais le décalage avec la société discrédite largement ces propos de bobos .
La liste visant à faciliter le renouvellement des noms de rues et de bâtiments publics permettra à la société de s’approprier ces « parcours exemplaires » , explique l’islamologue Rachid Benzine, dans une tribune au « Monde » cosignée notamment par Isabelle Nanty et Philippe Torreton.
Tribune. Un abondant recueil [élaboré par un comité scientifique présidé par l’historien Pascal Blanchard, et remis à Emmanuel Macron en février] vient d’être publié pour présenter 318 personnalités, rapidement définissables comme « issues de diverses immigrations », qui, depuis parfois plus de deux siècles, ont contribué à construire la France.
Déjà, en 2013, l’historien Pascal Ory avait dirigé la réalisation d’un volumineux Dictionnaire des étrangers qui ont fait la France (Robert Laffont), mais c’est la première fois que le plus haut niveau de l’Etat s’engage si clairement dans une tentative d’établir un recensement d’hommes et de femmes, souvent nés dans l’ancien empire colonial français, non seulement pour les honorer mais, surtout, pour les proposer comme des figures inspirantes pour la France d’aujourd’hui.
Ces enfants de la patrie sont aussi bien le général franco-haïtien Toussaint Louverture, mort embastillé dans le Doubs en 1803, que l’avocate Gisèle Halimi décédée en 2020, en passant par l’artiste et militante afro-américaine Joséphine Baker, le peintre Pablo Picasso, le poète et homme politique Aimé Césaire, le légionnaire Ma Yi Pao, mort pour la France dans les tranchées en 1918, ou encore les résistants au nazisme Mamadou Addi Bâ et Mohamed Lakhdar Toumi. Chacun des 318 porte un morceau de l’histoire de France.
Ce premier « recueil des portraits de France », consultable en ligne par chacun sur le site Web du ministère de la cohésion des territoires, sera bientôt suivi d’un second. Mais même ainsi complété, ce travail de récapitulation sera loin de pouvoir prétendre embrasser toute la réalité des apports, notamment antillais, africains, maghrébins ou asiatiques à l’histoire de la France. C’est, au vrai, une sorte de « matrice » qui est ici fournie, qui devrait inciter les citoyens – au premier rang desquels les élus locaux – à se saisir de ces vies inspirantes, et à vouloir en découvrir – ou redécouvrir – d’autres.
Déjà, peut-on imaginer que les maires des communes où l’une de ces personnalités a vécu un temps ne soient pas heureux de disposer d’un tel outil pour pouvoir nourrir la cohésion entre leurs concitoyens, quel que soit leur parcours ?
Force est de constater que les apports antillais, africains, océaniens, maghrébins, asiatiques, sud-américains, européens (pour ne citer que ceux-là) à l’histoire de la France ont très souvent été occultés, se sont retrouvés confinés dans le domaine de l’impensé et de l’invisible. Certes, mettre sous le « patronage » de telle ou telle figure « de la diversité » des rues ou des bâtiments ne saurait suffire à faire vraiment place aux groupes humains partageant les mêmes origines. Néanmoins, il y a là l’opportunité d’un signe donné quant à la volonté de vraiment les inclure et non de les ignorer.
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