Électricité : le difficile équilibre entre régulation et marchés
L’économiste de l’énergie Sophie Méritet analyse, dans une tribune au « Monde », les leçons de la panne électrique géante qui a frappé le Texas mi-février. (Une panne qui pourrait bien affecter un jour la France avec la dérégulation NDLR)
Tribune.
La panne générale de courant qui a frappé le Texas mi-février est à l’origine d’une nouvelle réflexion sur la réorganisation des industries électriques aux Etats-Unis. Le débat sur le difficile équilibre entre régulation et marchés est relancé par les enquêtes menées par les autorités.
En effet, la crise électrique texane ne se limite pas à une défaillance des réseaux gelés par des températures négatives inhabituelles dans le sud des Etats-Unis. Dans un contexte de changement climatique extrême, de nombreux boucs émissaires ont été rapidement trouvés, ou désignés, depuis les défaillances des énergies renouvelables jusqu’à l’indépendance du gestionnaire du réseau, en passant évidemment par l’ouverture à la concurrence.
L’organisation des marchés s’avère en effet être au cœur de cette panne électrique, d’ailleurs récurrente en hiver au Texas (2011, 2018, 2021), ou encore en été en Californie (2000, 2020). Les conséquences sont à chaque fois catastrophiques : coupures de courant, faillites en série, factures exorbitantes impayées par les consommateurs, coûts de restauration du système et d’intervention des autorités. Selon une estimation des compagnies d’assurances, le coût de la tempête hivernale au Texas s’élève à 18 milliards de dollars (environ 15,13 milliards d’euros).
Outre-Atlantique, la dérégulation de la vente aux consommateurs finaux (la vente au détail) a été le choix des Etats, et non des autorités fédérales. Dans un contexte de coûts, et donc de tarifs, différenciés selon les régions, certains Etats ont été précurseurs, à la fin des années 1990, de l’ouverture à la concurrence.
La crise électrique californienne de 2000-2001 et la faillite d’Enron ont cependant pointé les défaillances de marché. L’ampleur du déséquilibre entre offre et demande d’électricité durant l’été engendrait une forte hausse des prix du marché de gros au niveau des producteurs. Mais l’existence d’un tarif réglementé plafonné pour le consommateur ne permettait pas aux fournisseurs de répercuter ces hausses en aval sur le prix de consommation, ce qui ne pouvait inciter les consommateurs à réduire leur demande.
Jouant de ces failles de marché, des entreprises comme Enron et Reliant se sont mises à manipuler le marché pour bénéficier de prix de gros encore plus élevés. En réaction à l’échec californien, la majorité des Etats avaient arrêté le processus d’ouverture à la concurrence, à l’exception du Texas, devenu, en 2002, la nouvelle référence en matière de dérégulation.
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