L’activisme actionnarial anglo-saxon
Dans un article de l’opinion la journaliste Muriel Motte évoque l’activisme actionnarial à propos notamment de l’affaire Danone .
Sur le papier, c’est un strike pour Artisan Partners. Un mois presque jour pour jour après avoir rendu publique sa présence au capital de Danone, la société de gestion américaine a obtenu ce qu’elle réclamait haut et fort. D’abord la dissociation des fonctions président/directeur général, ainsi que la recherche d’un nouveau patron opérationnel, ce qu’a annoncé le géant des produits laitiers le 1er mars.
Il s’agit « d’avancées positives », réagit alors l’exigeant actionnaire. Mais le maintien d’Emmanuel Faber à la tête du conseil ne lui convient pas, car avec lui « le directeur général à venir n’aura pas la latitude nécessaire pour fixer un nouveau cap [...] Il pourra simplement mettre en œuvre la stratégie déjà établie par M. Faber, dans ces circonstances, il est très improbable qu’un dirigeant de classe mondiale accepte ce rôle ». Et de réclamer avec insistance la nomination d’un président vraiment indépendant. « Nous pensons que M. Schnepp constituerait un bon choix », suggère lourdement Artisan Partners. Ce qui fut effectivement décidé dimanche soir.
Un cabinet de recrutement vient en outre d’être mandaté pour recruter le prochain DG. « Gilles Schnepp et le comité de gouvernance superviseront ce processus afin de s’assurer qu’un dirigeant d’envergure internationale soit nommé », précise le communiqué de Danone, répondant point par point aux préoccupations de l’américain.
Tout cela fait dire à un bon connaisseur du dossier que « la campagne des minoritaires mécontents contre Emmanuel Faber a été grandement simplifiée, voire orchestrée, par la partie du conseil d’administration de Danone qui n’attendait qu’une chose : déloger ce patron trop autoritaire. La lettre de Bluebell Capital, le premier activiste à avoir critiqué la gestion du PDG, a été délibérément rendue publique, rappelle-t-il. Elle a poussé Artisan Partners à sortir du bois, d’autres fonds, notamment Amber Capital, étaient prêts à se faire entendre avant l’Assemblée générale. Le départ d’Emmanuel Faber est une victoire du board, qui a choisi de la faire endosser par des actionnaires activistes ».
Petits arrangements. Néanmoins, vu de l’étranger, loin des petits arrangements du capitalisme français, le succès du tandem Bluebell Capital /Artisan Partners chez un géant emblématique du CAC40 – qui n’a connu de surcroît que trois présidents en près de cinquante ans – ouvre de nouveaux horizons. Et surtout le champ des possibles dans un pays qui n’est pas toujours si verrouillé qu’il y paraît.
Cela peut susciter de nouvelles vocations d’activisme actionnarial. Les célèbres Paul Singer (Elliott Management), Carl Icahn (Icahn Partner), Dan Loeb (Third Point Management), David Einhorn (Greenlight Capital) et autre Bill Ackman (Pershing Square Capital) ne sont plus seuls à afficher des trophées à leur actif. La tête du PDG de Danone vaut bien celle d’Ulrich Lehner, le CEO de ThyssenKrupp, celle de Devin Wenig, le CEO d’eBay. Ou encore celle de Klaus Kleinfeld, ancien numéro un de Siemens avant de diriger le roi américain de l’aluminium Alcoa, tous contraints au départ sous la pression du redoutable Paul Singer.
Si Suez, Lagardère, Pernod Ricard, Altran, EssilorLuxottica, Safran, entre autres, ont déjà expérimenté les foudres de certains de ces cadors de la finance – sans y laisser leur tête –, la France reste un bon terreau. « D’abord parce que les fonds de pension anglo-saxons et autres investisseurs institutionnels étrangers détiennent des participations non-négligeables dans les groupes cotés. Ensuite parce que certains d’entre eux sont sous-valorisés ou appliquent des stratégies peu performantes au regard de leurs pairs, et qu’un changement de cap peut créer de la valeur », commente Nicolas Bombrun, avocat associé chez Shearman & Sterling.
Pour mener à bien des opérations de grande envergure, un bon alignement des planètes reste indispensable. Après avoir averti en début d’année que l’Etat serait « vigilant » au sujet de Danone, Bercy s’est bien gardé d’interférer. Un choix délibéré, comme l’a démontré au même moment son interventionnisme dans le dossier Carrefour-Couche Tard. Longtemps perçu comme intouchable, notamment parce que de gros activistes s’y étaient cassé les dents (Nelson Peltz, Corvex), Danone est devenu en quelques mois mois un dossier de place urgent à traiter, fut-ce par l’intermédiaire d’investisseurs étrangers. Leur solution, validée par le conseil d’administration devrait « réduire la décote de management et ouvrir la voie à une approche plus constructive », notait lundi l’analyste d’Oddo BHF. Ce qu’espère aussi la Bourse, où l’action gagnait 4 % dans la journée
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