Chine: un objectif surtout de plus grande souveraineté
Croissance, technologies, environnement: le 14e Plan quinquennal chinois suscite des déceptions dans les domaines où il était le plus attendu à l’ère post-Covid ( chronique de david Bévérez, investisseur français à Hong Kong dans l’Opinion)
De manière surprenante, la publication pourtant tant attendue du 14e Plan quinquennal chinois a eu droit à peu de fanfares et trompettes. Alors que l’on s’apprêtait à assister à la consécration de la Chine comme grande gagnante de la crise de la Covid, les annonces ont plutôt déçu sur les trois principales attentes des observateurs. Elles confirment en fait que la perspective d’une « Chine Prospère » est bien repoussée à l’après 2035, les quinze prochaines années passant par l’étape intermédiaire, plus douloureuse, de la construction d’une « Chine Moderne ».
D’abord, en matière de croissance, l’annonce pour 2021 d’une progression d’« au moins 6 % » reste en-deça du consensus de +8-9 %. De manière positive, il faut y voir l’influence de la très sérieuse banque centrale chinoise, la PBOC, bien décidée à siffler la fin de l’emballement de l’endettement et à promouvoir la relance principalement par les investissements productifs. En complète opposition au laxisme monétaire occidental, notamment des Etats-Unis.
En ressortent cependant les limites des velléités de rééquilibrer la croissance chinoise par l’accélération de la consommation intérieure, puisqu’on voit bien qu’en Chine, c’est la croissance du PNB qui tirera la reprise de la consommation, et non l’inverse comme en Occident. Ce d’autant plus à court terme, compte tenu du retard pris dans la vaccination de la population.
Ensuite, l’objectif affiché de souveraineté technologique prévoit, certes, une progression de +7 % par an des dépenses de R&D. Mais il manque cruellement de précisions quant aux deux talons d’Achille de la tech chinoise. D’une part, les semi-conducteurs, où les 250 milliards de dollars de gabegie cumulée, illustrée encore récemment par les déboires du projet de 18 milliards de dollars de Wuhan Hongxin Semiconductor Manufacturing, laissent toujours la Chine dépendante du reste du globe. D’autre part, l’industrie des logiciels – notamment les systèmes d’exploitation – où la Chine, avec seulement 3 % des dépenses mondiales, reste non-crédible au plan mondial.
Le gouvernement chinois gagnerait sans doute à observer en France les conséquences néfastes de la politique du «en même temps»
Mais c’est sur le plan environnemental que les déceptions se sont sans doute le plus cristallisées : pas seulement compte tenu de l’absence des mesures concrètes attendues, mais surtout par le rappel des freins internes régionaux à la révolution du mix énergétique promu par le gouvernement central. A l’image de la remise en cause par l’Agence nationale de l’énergie du remboursement des 60 milliards de dollars de subventions restées impayées aux acteurs des énergies renouvelables.
De manière plus structurante, ces contradictions renvoient ouvertement à l’opposition qui fait actuellement rage à Pékin entre deux camps : d’une part, les partisans du renfermement de la Chine sur elle-même, forte de sa maitrise de la Covid, de sa consommation intérieure et de sa volonté d’en découdre avec Taiwan rapidement ; de l’autre, ceux favorables au contraire à la prolongation de l’ouverture vers l’extérieur, soulignant notamment les faiblesses chinoises dans les différents secteurs identifiés dans le récent « Accord global sur les investissements » avec l’Europe : services financiers, santé, logiciels du cloud, intelligence environnementale…
Le gouvernement chinois gagnerait sans doute à observer en France les conséquences néfastes de la politique du « en même temps », pour éviter que la « circulation duale » ne mène en réalité qu’au seul dangereux repli sur soi-même.
David Baverez est investisseur, installé à Hong Kong depuis 2011. Il est l’auteur de Paris-Pékin Express (Editions François Bourin, 2017).
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