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Covid: une gestion impossible en avril du taux d’hospitalisation( Vittoria Colizza)

Covid: une gestion impossible en avril du taux d’hospitalisation( Vittoria Colizza) 

La directrice de recherche à l’Inserm,* Vittoria Colizza, estime que la gestion sera impossible en avril en raison de l’explosion du taux d’hospitalisation. (Interview)

Où en est l’épidémie?
Les vacances ont ralenti la circulation des souches présentes, notamment la souche historique, encore plus fortement que le couvre-feu. Ça a permis aux hospitalisations de rester sur un plateau. Aujourd’hui, l’épidémie est en hausse avec de fortes disparités régionales, une circulation très élevée dans les Hauts-de-France ou en Île-de-France par exemple, avec une augmentation lente mais constante du nombre d’hospitalisations depuis plusieurs semaines. L’inquiétude est forte vis-à-vis de la croissance des passages en réanimation. Cette situation est vraisemblablement liée à la présence du variant britannique. Santé publique France a apporté des preuves préliminaires d’un lien entre la hausse de l’incidence et le pourcentage de variants présents.

 

Pourquoi les entrées dans les services de réanimation augmentent-elles plus vite que les hospitalisations conventionnelles?
Plusieurs hypothèses. Selon des études menées au Royaume-Uni et au Danemark, le taux de sévérité associé au variant britannique est plus élevé de 64% par rapport à la souche historique. À un moment, cela se traduit par une hausse des entrées en hospitalisation, selon l’étude danoise, ou par une hausse des admissions en réanimation, selon des études préliminaires britanniques. Les données de terrain le montrent, mais nous attendons des travaux portant sur un plus grand nombre de patients pour le confirmer avec la puissance statistique nécessaire. Nos modèles indiquent que le taux d’hospitalisation accru associé au mutant anglais va rendre encore plus difficile la gestion sanitaire en avril. Le pic attendu est plus élevé qu’avec la souche historique.

En réanimation, les malades sont trois ans plus jeunes en moyenne que lors de la première vague. Le variant britannique est-il en cause?
On ne peut pas encore répondre de façon définitive. Les chercheurs danois ont analysé les entrées à l’hôpital par tranche d’âge et il n’y a pour l’instant pas d’indicateur qui confirmerait des variations du fait de ce mutant. Même si nous avons de forts soupçons concernant l’impact sur les réanimations, il n’existe pas encore d’étude le démontrant. D’autres facteurs peuvent aussi intervenir : la vaccination des personnes les plus âgées, même si celle-ci n’a pas encore d’impact sur la courbe épidémique ; peut-être des effets liés au comportement des seniors, qui se protègent mieux ; enfin, la circulation virale étant très élevée, un grand nombre d’adultes peuvent arriver en hospitalisation.

À quel moment la vaccination infléchira-t-elle les courbes?
Nous avons modélisé son effet possible dans l’hypothèse d’un maintien du couvre-feu actuel [voir courbes ci-dessous]. Nous avons comparé nos projections avec le rythme de vaccination précédent, soit 100.000 doses injectées par jour, le rythme accéléré actuel mis en place depuis le week-end dernier, 200.000, et un rythme plus optimiste de 300.000 par jour. Dans tous les cas, il faut attendre le début avril pour que les scénarios se séparent et qu’on observe un début d’impact. Mais ce rythme ne serait pas suffisant pour inverser la tendance croissante sur cette période.

 

Que donneraient ces trois scénarios s’ils étaient associés à un confinement « souple » ?
Un confinement semblable à celui observé dans la première phase en novembre, avec une forte adhésion de la population et un recours massif au télétravail, suffirait en Île-de-France à contenir l’épidémie à la hauteur du pic de la deuxième vague. Mais notre projection tablait sur l’adoption de telles restrictions dès la semaine dernière, c’était optimiste! L’objectif était de montrer la marge de manœuvre dont on dispose.

Quel est l’impact des confinements localisés et le week-end?
Il est trop tôt pour le savoir. Mais on estime qu’un confinement « souple  »est 15 % plus efficace qu’un couvre-feu sur le nombre d’hospitalisations. Celui du week-end se situe entre ces deux extrémités.

Est-il possible de freiner l’épidémie sans confiner?
C’est très peu probable. On a vraiment besoin de mesures de distanciation sociale, sans doute différenciées selon les territoires. Éviter un confinement présente des avantages sociétaux et économiques. Mais cela induit beaucoup d’infections, d’hospitalisations, de Covid longs, sans parler des décès… D’un point de vue épidémiologique, le but est aussi de limiter les niveaux d’incidence pour empêcher le Sars-CoV-2 d’évoluer. Aujourd’hui, une partie des Français ont déjà été infectés. Cela va accroître la pression de sélection sur le virus. La clé est donc de vacciner très vite, pour protéger la population mais aussi éviter de donner trop de temps au virus de réussir à échapper aux vaccins.

Vos projections ne prennent en compte ni les vacances de Pâques, ni la saisonnalité, pourquoi?
Les vacances ont joué un rôle à la Toussaint et en février, on peut espérer ça à Pâques. En Italie, le nombre de cas a bondi de 75% depuis deux semaines, du fait d’une dynamique complexe de conjugaison de souches. Parmi les facteurs qui peuvent l’expliquer, il y a le fait qu’il n’a pas eu de vacances scolaires en février, ainsi que le passage de certaines régions à un niveau plus faible de contrôle, avec la réouverture de bars et de restaurants. Concernant la météo, il faut faire attention : les beaux jours et la hausse des températures, ça aide à contrôler l’épidémie si la circulation virale est peu élevée, comme au premier déconfinement. Mais aux États-Unis, plusieurs États aux conditions climatiques clémentes ont subi une deuxième vague très forte pendant l’été car ils ont rouvert les commerces et les activités trop vite, avant d’avoir supprimé la circulation virale après la première vague.

 

* Directrice de recherche à la tête du laboratoire EPIcx à l’Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique, chapeauté par l’Inserm et Sorbonne Université.

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