Transformation de l’écosystème monétaire ?

Transformation de l’écosystème monétaire ?

 

L’économiste Jézabel Couppey-Soubeyran, observe dans sa chronique, que l’essor du bitcoin et des monnaies complémentaires est le signe tâtonnant d’une sortie de la « monoculture monétaire ».

Chronique. 

 

Certes, c’est pour le moment le bitcoin qui défraie la chronique et, pourtant, les « monnaies » alternatives se sont développées par milliers à travers le monde depuis la crise financière de 2007-2008. Au-delà du bitcoin, qui est un peu dans ce domaine ce que le Minitel a été à l’Internet dans les technologies de l’information, la percée de ces innovations monétaires très diverses exprime les failles du système auquel nous sommes habitués, avec une monnaie, une seule, encastrée dans le crédit bancaire, garantie par la Banque centrale, et à cours légal imposé par l’Etat. Notre écosystème monétaire est en train de se transformer.

On dénombre aujourd’hui, au niveau mondial, près de 1 600 « cryptomonnaies » – et plus de 4 000 monnaies complémentaires. Les cryptomonnaies sont des instruments monétaires numériques, sans autorité centrale, sans intermédiaire financier, reposant sur un protocole informatique d’enregistrement et de validation décentralisée des transactions ; les monnaies complémentaires sont des instruments de paiement utilisables localement sans cours légal.

Les communautés qui les portent sont très diverses : il n’y a pour le moment guère de trait d’union entre les geeks anarcho-libertaires, dont se réclame parfois la communauté bitcoin, et les associations d’économie sociale et solidaire, plus souvent « low tech », qui portent des monnaies locales dans l’espoir de revitaliser un territoire. Mais chacune à sa manière exprime une défiance à l’égard des institutions représentatives de la monnaie (banques, banques centrales, Etats) et une volonté de « réimprimer » ses valeurs en émettant une monnaie dans laquelle elle se reconnaît mieux.

 

 « La monnaie est un symbole, celui de ce je-ne-sais-quoi consubstantiel à l’homme qui fait appartenance à un collectif », écrivent Michel Aglietta et Natacha Valla dans Le Futur de la monnaie (Odile Jacob, 320 pages, 24,90 euros). Peut-être faut-il donc voir dans ces initiatives monétaires le symbole d’un collectif, ou plutôt de collectifs, qui cherche(nt) à se réinventer. 

Ce n’est pas comme substituts à la monnaie officielle – celle qui fait autorité et qu’on appelle la monnaie « fiat » – qu’il faut chercher à en comprendre l’essor, mais plutôt comme des compléments pouvant apporter de la diversité à notre « monoculture monétaire ». C’est ainsi que l’économiste Ariane Tichit présente les monnaies locales complémentaires (« Nos fausses idées sur la monnaie », TEDxClermont, 2014), ou que Bernard Lietaer relève dans Au cœur de la monnaie (Yves Michel, 2013) que la monoculture monétaire – le fait de n’utiliser qu’un seul type de monnaie, aujourd’hui la norme – l’a en fait rarement été au regard de l’histoire longue de la monnaie.

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