Une justice politisée ?

Une justice politisée ?

 

Un article de Solenn de Royer, journaliste au Monde (extraits)

 

 

La droite, qui a dénoncé lundi la « sévérité » de la peine infligée à l’ancien président dans l’affaire dite « des écoutes », critique une justice politique. Un nouvel épisode dans la guerre des nerfs qui oppose politiques et juges.

Chronique. Trois ans d’emprisonnement, dont un ferme, pour corruption et trafic d’influence : sans précédent, le jugement dans « l’affaire des écoutes » a fait l’effet d’une déflagration. Nicolas Sarkozy – qui a fait appel – devient ainsi le premier ex-président à se voir infliger une peine de prison ferme.

Ces dernières années, les décisions de justice – sévères – impliquant des responsables politiques au plus haut niveau se sont multipliées. En 2019, Jean-Luc Mélenchon, qui s’était opposé à une perquisition dans les locaux de son mouvement, a été condamné à trois mois de prison avec sursis. En 2020, la condamnation à cinq ans de prison, dont deux ferme, de l’ancien premier ministre François Fillon, dans l’affaire des emplois fictifs de son épouse Penelope, avait également marqué les esprits.

 

A chaque fois, les responsables mis en cause, dans des « affaires » de nature très différente, ont dénoncé une politisation de la justice. Même rhétorique dans la foulée du jugement impliquant M. Sarkozy : le patron du parti Les Républicains, Christian Jacob, a aussitôt critiqué la « sévérité » de la peine, jugée « disproportionnée » et révélatrice de « l’acharnement d’une institution déjà très contestée ». Des critiques balayées par l’Union syndicale des magistrats qui répète que « la justice passe pour tout un chacun ». 

Un nouvel épisode de la guerre des nerfs qui oppose, depuis toujours, politiques et juges. La Révolution française, qui a consacré la défaite des Parlements de l’Ancien Régime (qui rendaient la justice au nom du roi), a scellé celle des juges, mis sous tutelle pendant deux siècles. Cette période, dans une société qui se judiciarise, est révolue. On assiste même, relèvent constitutionnalistes et historiens, à une inversion du rapport de force entre les deux pouvoirs. « Plus le pouvoir politique est affaibli, plus celui des juges se renforce », souligne le professeur de droit Bertrand Mathieu, auteur de Justice et politique : la déchirure ? (LGDJ, 2015), selon lequel « les juges ont incontestablement plus de pouvoirs aujourd’hui que par le passé ».

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