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Archive mensuelle de février 2021

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L’emballement de la croissance économique aux États-Unis

L’emballement de la croissance économique aux États-Unis

 

Chaînes logistiques qui pataugent, manque de main-d’œuvre qui entrave le redémarrage des usines : « on a été pris au dépourvu » ( article du Wall Street Journal)

 

L’activité Outillage de Black & Deck a vu son bénéfice bondir de 57 % au quatrième trimestre, pour une progression de 25 % des ventes. ​

 

Privés de restaurants et de vacances, les Américains se sont rués sur les voitures, les appareils électroménagers, les meubles et les outils. Devant cette demande qui ne faiblit jamais, les industriels ont du mal à combler leur retard. Près d’un an après les premiers confinements, outre-Atlantique, les haltères, mixeurs, matelas et autres webcams sont toujours des denrées rares. De son côté, la pénurie mondiale de semiconducteurs a forcé plusieurs constructeurs automobiles à réduire leur production ces dernières semaines.

« On a tous été pris au dépourvu », résume Jack Springer, directeur général de Malibu Boats.

De fait, explique-t-il, le secteur de la navigation s’attendait plus à une baisse qu’à une envolée des ventes. Or, en juin, Malibu a enregistré 50 % de commandes de plus que l’an passé et, selon la National Marine Manufacturers Association, les ventes de bateaux de plaisance ont signé leur meilleure année depuis treize ans en 2020.

Les entreprises passent des commandes titanesques pour compenser des délais de fabrication et de livraison allongés par les efforts mondiaux pour enrayer la pandémie, ce qui accentue les tensions sur la chaîne logistique

Les dépenses des ménages américains en biens durables ont crû de 6,4 % l’an passé, révèlent des données fédérales, mais leur production a chuté de 8,4 %, à avec la clé des ruptures de stock et des hausses de prix.

En règle générale, la chaîne logistique est malmenée par les récessions : lorsque les ventes baissent, les entreprises préfèrent réduire leurs stocks pour protéger leur trésorerie qu’acheter des pièces détachées et des matières premières. Un grand ménage de printemps s’opère alors.

Puis, quand la demande repart, même timidement, les entreprises relancent démesurément la production pour re-remplir les entrepôts et approvisionner les lignes de production. Cet « effet coup de fouet » se propage à toute la chaîne logistique et des fournisseurs qui se situent en tout début du processus reçoivent des commandes colossales.

Aujourd’hui, cet effet est encore plus prononcé parce que la demande est exceptionnellement importante. Parallèlement, les entreprises passent des commandes titanesques pour compenser des délais de fabrication et de livraison allongés par les efforts mondiaux pour enrayer la pandémie, ce qui accentue les tensions sur la chaîne logistique.

Installé dans le Tennessee, Malibu s’était préparé à un passage à vide. Mais, à sa plus grande surprise, quelques semaines après avoir cessé sa production pour cause de coronavirus, l’entreprise a été informée par ses concessionnaires que les commandes affluaient. Quand Malibu a rouvert ses portes, il a fallu accélérer la production de ses bateaux, utilisés pour le ski nautique et le wakeboard, mais certains de ses sous-traitants ont mis du temps à répondre. Moins bien dotées en trésorerie, les entreprises de taille plus modeste ont eu du mal à relancer la production, acheter du matériel et le faire acheminer, surtout depuis l’étranger, explique Malibu, ce qui a entraîné des pénuries de pièces détachées pour les moteurs, de pare-brises et de câbles.

Pour les économistes, les décennies passées à réduire la taille des usines, les rendre moins coûteuses et plus efficaces ont rendu les entreprises plus vulnérables aux conséquences de l’effet coup de fouet. Pour faire baisser les coûts et augmenter les bénéfices, les entreprises américaines ont externalisé une grande partie de leurs activités et rogné sur les stocks, une démarche imitée par bon nombre de leurs sous-traitants

Wanxiang America Corp., filiale américaine de l’un des plus grands équipementiers automobiles chinois, a rapidement rouvert ses usines américaines l’été dernier. Mais des problèmes de transport ont augmenté le temps nécessaire pour acheminer des pièces produites, en Chine, par d’autres usines du groupe et certains fournisseurs. Pour que les commandes arrivent à Chicago, il a fallu dix semaines, contre quatre en temps normal.

« Une voiture compte trois, quatre voire cinq mille pièces, mais si une seule manque à l’appel, impossible de vendre le véhicule », déplore Pin Ni, président de Wanxiang America. Pour les petites pièces, il s’est tourné vers le transport aérien, mais celui-ci coûte dix fois plus cher qu’il y a un an.

« La chaîne logistique mondiale n’est pas aussi solide qu’on le pense », soupire-t-il.

Pour les économistes, les décennies passées à réduire la taille des usines, les rendre moins coûteuses et plus efficaces ont rendu les entreprises plus vulnérables aux conséquences de l’effet coup de fouet. Pour faire baisser les coûts et augmenter les bénéfices, les entreprises américaines ont externalisé une grande partie de leurs activités et rogné sur les stocks, une démarche imitée par bon nombre de leurs sous-traitants.

Résultat, quand la demande a rebondi sans prévenir l’an passé, ces entreprises ont toutes passé commande, au même moment, à un réseau de plus en plus nébuleux de fournisseurs installés à des milliers de kilomètres. L’effet coup de fouet a été beaucoup plus puissant qu’à l’accoutumée et pourrait provoquer un excédent d’offre dans certains secteurs, prévient Willy Shih, enseignant en management à Harvard.

« Tout le monde se dit qu’il faut commander beaucoup plus », explique-t-il.

Les consommateurs, eux, finissent par se lasser d’attendre l’arrivée de leur bateau de plaisance ou leur appareil de fitness.

Lorsque l’université du Michigan a fermé les salles de sport du campus au printemps dernier à cause de la pandémie, Jonny Chow, étudiant en informatique, a voulu poursuivre son entraînement à la maison. Sauf que les poids qu’il a voulu commander chez Rogue Fitness, un fabricant de Colombus, Ohio, étaient constamment en rupture de stock.

Jonny Chow a alors imaginé un programme informatique qui envoie un message sur Facebook quand les produits sont disponibles sur le site web de Rogue Fitness. Plus de 1 700 personnes l’utilisent désormais, affirme-t-il. « Les équipements les plus prisés ne sont toujours pas revenus en stock », déplore-t-il néanmoins.

Les entreprises qui dépendent de fournisseurs étrangers ont été particulièrement touchées par les retards de livraison : il est difficile de trouver des conteneurs disponibles et les ports américains ont du mal à les décharger

De son côté, Rogue Fitness explique qu’il propose régulièrement des produits, mais qu’ils sont vendus presque instantanément. L’entreprise a plus que doublé ses effectifs et porté son salaire minimal à 25 dollars de l’heure pour pouvoir fabriquer plus.

« Toute la chaîne logistique a été malmenée en 2020 et se trouve toujours dans une situation difficile, souligne Bill Henniger, son fondateur. Les machines, les salariés, les usines : tout fonctionne 24 heures sur 24. »

Les entreprises qui dépendent de fournisseurs étrangers ont été particulièrement touchées par les retards de livraison : il est difficile de trouver des conteneurs disponibles et les ports américains ont du mal à les décharger. Le vélo connecté de Peloton Interactive a convaincu deux millions de personnes en 2020, mais l’entreprise explique qu’elle a dû dépenser plus de 100 millions de dollars pour réduire les délais d’acheminement.

Pour les fabricants américains qui ont choisi de s’approvisionner localement, les choses sont à peine moins compliquées.

Dimarmel, la société qui fabrique les canapés Simplicity Sofas, voudrait agrandir son usine de High Point, en Caroline du Nord, pour réduire les délais de livraison, qui sont montés à huit mois pendant la pandémie. Mais son fondateur, Jeff Frank, explique qu’il n’a pas réussi à trouver assez d’ouvriers qualifiés et qu’il faut parfois plusieurs mois pour que les rouleaux de tissu arrivent.

Depuis peu, il s’est résolu à faire payer les échantillons de tissus aux clients potentiels, alors qu’ils étaient jusqu’à présent gratuits. « En gros, je décourage les gens d’acheter », soupire-t-il.

L’un de ses fournisseurs, STI Fabrics, met actuellement seize semaines à le livrer, contre six avant la pandémie. L’entreprise, installée à Kings Mountain, en Caroline du Nord, emploie 350 personnes. Elle voudrait en recruter 50 de plus mais peine à y arriver, alors qu’elle a relevé son salaire minimum de 2,50 dollars, à 15 dollars de l’heure. Anderson Gibbons, directeur marketing, raconte que STI a acheté l’an passé des équipements lui permettant d’augmenter ses capacités de production d’un tiers, mais les ingénieurs étrangers qui devaient venir installer les machines n’ont pas pu venir à cause des restrictions de voyage.

« On ne peut pas arrêter une chaîne logistique, la rallumer et se dire que rien ne va patiner », souligne-t-il.

STI a également eu du mal à se procurer du fil auprès de Drake Extrusion, une entreprise qui fabrique du fil coloré. « Nous sommes un goulet d’étranglement, déplore son directeur général, John Parkinson. Nous peinons à suivre le rythme. »

L’entreprise, installée à Martinsville, en Virginie, forme de nouveaux salariés : après deux mois de fermeture l’an passé, un quart de ses ouvriers ne sont pas revenus. Les nouvelles recrues sont moins productives que les vétérans, déplore le patron.

Drake fonctionne ainsi à 85 % de ses capacités alors que la demande de ses clients, qui fabriquent des voitures et des meubles, a augmenté de 50 %. Résultat : trois mois d’attente, le double du délai habituel. Les ouragans de l’automne dernier ont également perturbé la production de sa principale matière première, le polypropylène. L’approvisionnement s’est compliqué et les prix ont doublé.

« C’est l’année où rien ne va : tout ce qui pouvait mal se passer s’est mal passé », soupire John Parkinson.

Certaines entreprises avaient pourtant compris que la pandémie allait doper la demande.

En avril 2020, les distributeurs ont réduit leurs commandes d’outils Stanley Black & Decker de 40 % par rapport à l’année précédente. Mais, dès le mois de mai, ces mêmes magasins ont vendu 30 % de produits Black & Decker de plus que l’an passé, raconte le directeur général du groupe, James Loree, les consommateurs coincés à la maison décidant de bricoler et de jardiner.

Les enseignes ont néanmoins décidé de ne pas passer de nouvelles commandes et de puiser dans leurs stocks. Chez Black & Decker, les dirigeants ont étudié les options qui s’offraient à eux : attendre que les magasins passent en urgence des commandes que le groupe ne pourrait pas honorer dans les temps ou augmenter la production en misant sur le fait que les magasins auraient tôt ou tard besoin de reconstituer leurs stocks. Si ce n’était pas le cas, Black & Decker se retrouverait avec six mois de ventes sur les bras.

James Loree a décidé de fabriquer pour 600 millions de dollars d’outils et il a eu raison. Dès le début de l’été, les perceuses, scies et autres boîtes à outils se sont vendues comme des petits pains. L’activité Outillage de Black & Deck a vu son bénéfice bondir de 57 % au quatrième trimestre, pour une progression de 25 % des ventes, en partie parce que le groupe a réussi à augmenter ses prix. Depuis le début de l’année 2021, les ventes de ponceuses électriques ont été multipliées par an par rapport à l’an passé.

« Le marché s’est effondré d’un coup avant de repartir aussi brusquement », résume-t-il.

Les choses n’ont pas été faciles : Black & Decker a dépêché des collaborateurs chez une centaine de fournisseurs en Chine et au Mexique pour les convaincre de faire passer ses commandes en priorité. Au Mexique, le groupe a dû s’opposer à sept reprises aux autorités, qui voulaient fermer l’usine qu’il gère à Reynosa pour enrayer la pandémie. James Loree explique qu’il a dû demander à l’ambassadeur des Etats-Unis d’intercéder en sa faveur.

Les aciéries américaines ont drastiquement réduit leur production au printemps dernier quand leurs clients ont fermé leurs usines et annulé leurs commandes. La consolidation a donné à ceux qui sont toujours présents un plus grand pouvoir de négociation des prix pendant le rebond. Une partie des capacités de production est toujours à l’arrêt alors que, sur le marché spot, le cours de l’acier en rouleau a plus que doublé depuis août et se situe aujourd’hui à 1 200 dollars la tonne

L’entreprise a recruté un directeur médical pour limiter l’exposition des ouvriers à la Covid-19 et payé des taxis pour qu’ils viennent et repartent au travail sans risquer de contracter le virus dans les transports en commun. Elle a également hébergé certains salariés à l’hôtel pour qu’ils ne soient pas contaminés par leur famille.

« On a fait ce qu’on devait faire pour que les usines fonctionnent », explique-t-il.

D’autres entreprises ont, elles, prospéré parce que les produits de leurs concurrentes étrangères peinaient à arriver aux Etats-Unis dans les délais habituels. Beverly Semmann, patronne de Rowe Pottery, explique ainsi que son entreprise de vaisselle basée dans le Wisconsin a vu ses ventes s’envoler parce que les produits étrangers sont difficiles à trouver.

« Si vous allez dans les grands supermarchés, les rayons sont quasiment vides, raconte-t-elle. Les magasins cherchent donc des moyens de les remplir. »

Marlin Steel Wire Products, qui fabrique à Baltimore des panières utilisées pour la stérilisation en milieu médical, s’est lancé l’an passé dans la production de support métallique pour le gel désinfectant, les poches de traitement par intraveineuse et les tubes à essai, habituellement importés de Chine.

« Les entreprises ont compris qu’il était risqué de mettre tous leurs œufs dans un panier chinois », plaisante Drew Greenblatt, son président.

Il précise néanmoins qu’il a eu beaucoup de mal à trouver de l’acier américain pour augmenter sa production. Les cours de l’acier, du cuivre et des autres matières premières industrielles sont au plus haut depuis plusieurs années, ce qui pèse sur les marges de Marlin et des autres industriels.

De fait, les aciéries américaines ont drastiquement réduit leur production au printemps dernier quand leurs clients ont fermé leurs usines et annulé leurs commandes. La consolidation a donné à ceux qui sont toujours présents un plus grand pouvoir de négociation des prix pendant le rebond. Une partie des capacités de production est toujours à l’arrêt alors que, sur le marché spot, le cours de l’acier en rouleau a plus que doublé depuis août et se situe aujourd’hui à 1 200 dollars la tonne.

La baisse de la production nationale de métaux de spécialité, inox inclus, est encore plus criante. En fin d’année, il n’y aura plus que trois entreprises capables de fabriquer de l’acier inoxydable aux Etats-Unis. Gregg Boucher, responsable de la distribution d’Ulbrich Stainless Steels & Special Metals, un fabricant de câbles, de feuilles et de bobines de métal, explique que le recul de la production d’acier américain va pousser les acheteurs à aller à l’étranger ou à la faillite.

« Les clients s’inquiètent de la disponibilité, souligne-t-il. Ils n’ont pas envie de ne pas pouvoir honorer une commande parce qu’ils n’ont pas assez de stock. »

(Traduit à partir de la version originale en anglais par Marion Issard)

Bientôt la fin de l’argent facile( Aurélien Véron)

Bientôt la fin de l’argent facile( Aurélien Véron)

 « Eviter le défaut sur la dette exigera une vision claire et une volonté de fer le moment venu, d’autant que le déni devant la menace nous promet une crise systémique dépassant largement l’Hexagone », met en garde le conseiller de Paris dans l’Opinion.

 

 

La France ne remboursera pas sa dette comme convenu. Ce n’est plus une question de volonté mais de lucidité. Notre dette publique a fait un bond de 98% à 120% du PIB en un an. C’est un point de non-retour à en croire l’étude historique des crises par Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff (« This time is different »). Ce « quoi qu’il en coûte » était sans doute nécessaire pour éviter l’effondrement économique et limiter le recul du PIB à -8.3% sur 2020. Revenir à un niveau soutenable de dette est dorénavant une chimère avec une économie exsangue, la pression fiscale la plus élevée au monde et une dépense publique déjà calée à 60% du PIB. Nous devons réfléchir à la séquence suivante, lorsque le virus sera derrière nous.

Entre 2008 et aujourd’hui, la dette publique de la zone euro a grimpé de 70% à plus de 100% du PIB. Dans le même temps, le bilan de la Banque centrale européenne est passé de 2000 milliards à plus de 7000 milliards d’euros, soit une hausse correspondant à 40% du PIB de la zone euro, destinée à monétiser de la dette publique et privée. Achats obligataires massifs et taux négatifs ont incité les pays comme le nôtre à faire du déficit budgétaire la norme.

Perte de souveraineté. C’est ainsi que la France a fait le choix de perdre sa souveraineté financière bien avant la pandémie, aveuglée par le mirage de l’argent gratuit. Ce n’est pas tout. En tirant le niveau de rentabilité attendu des investissements privés vers le bas, l’écrasement de la courbe des taux a découragé la source essentielle de croissance future. Les capitaux se sont tournés vers des placements plus risqués et spéculatifs (voire exotiques comme le Bitcoin) afin d’obtenir un meilleur rendement. Cette euphorie se traduit par une rémunération insuffisante de risques excessifs.

«Tous les signaux annonciateurs d’une crise majeure sont réunis. L’illusion serait de croire que cette fois, c’est différent. Si les nouveaux outils de politique monétaires achètent du temps, ils ne nous feront pas échapper aux lois de la gravité»

L’exubérance irrationnelle des marchés s’accompagne de prix immobiliers historiques, d’un niveau record d’endettement public et privé tandis que la production décroche dans un contexte de montée des incertitudes. Tous les signaux annonciateurs d’une crise majeure sont réunis. L’illusion serait de croire que cette fois, c’est différent. Si les nouveaux outils de politique monétaires achètent du temps, ils ne nous feront pas échapper aux lois de la gravité financière et monétaire.

La BCE devra cesser un jour de laisser dériver son bilan, à moins que sa croissance ne déclenche en premier la vague d’inflation tant attendue. Dans les deux cas, les taux d’intérêt remonteront significativement. Nous ne pourrons alors échapper à une cure brutale de désintoxication de notre addiction aux déficits, le seul coût du renouvellement de la dette devenant insoutenable.

Volonté de fer. Déjà, des voix suggèrent que la banque centrale abandonne ses créances sur la France, soit un quart de notre dette publique. S’il devait être mis en œuvre, ce principe devrait viser aussi d’autres pays surendettés de la zone euro par souci d’équité. Les fonds propres de la BCE sombreraient dans des zones négatives abyssales – rien d’illégal en soi. A défaut de pouvoir la recapitaliser dans l’hypothèse d’un abandon de créances pour une valeur de quelques milliers de milliards d’euros, difficile d’éviter une crise de change et des ventes obligataires massives d’investisseurs inquiets. Ce scénario suppose l’accord de l’Allemagne et des pays adeptes de la rigueur : peu crédible, compte tenu de la difficulté à leur faire accepter le principe bien moins transgressif des « coronabonds ».

Eviter le défaut sur la dette exigera une vision claire et une volonté de fer le moment venu, d’autant que le déni devant la menace nous promet une crise systémique dépassant largement l’Hexagone. Nous pourrons envisager de repousser l’échéance d’une partie de la dette française de quelques décennies, en particulier via l’assurance-vie. Ce cadeau empoisonné fait aux générations futures ne fera que renforcer l’inquiétude des investisseurs français et internationaux. Apaiser les créanciers de l’Etat français nécessitera conjointement un plan drastique de réduction de l’encours de la dette restante.

«La huitième et dernière fois que la France a fait défaut remonte à 1812. Nous avons la capacité d’affronter cette crise annoncée et d’éviter un neuvième défaut. Mais les années d’insouciance sont derrière nous»

Il y a trois manières d’y parvenir. L’hyper-croissance en est une, mais les exemples passés sont rares et notre modèle économique et social offre peu d’espoir dans ce sens. Une autre est l’inflation que les banques centrales ont tant de mal à susciter et dont la perte de contrôle peut se révéler dévastatrice. Reste enfin la baisse drastique de la dépense publique : allongement des durées de cotisation et baisse des pensions de retraite, des salaires de la fonction publique et des dépenses sociales. Cette dernière solution reste la plus fréquente dans l’histoire, non par choix idéologique mais tout simplement parce que les caisses de l’Etat sont vides à la fin du mois. C’est ce qui nous arrivera le jour où personne ne prendra le relais de la BCE pour financer à crédit un train de vie dépassant très largement nos revenus.

Au terme d’un demi-siècle de déficits budgétaires ininterrompus, notre pays doit se préparer à un atterrissage douloureux. La huitième et dernière fois que la France a fait défaut remonte à 1812. Nous avons la capacité d’affronter cette crise annoncée et d’éviter un neuvième défaut. Mais les années d’insouciance sont derrière nous. Tous ceux qui pensent pouvoir danser tant que la musique joue doivent être conscients des risques encourus. Nous surmonterons cette crise systémique si notre démocratie ainsi que la cohésion européenne résistent au choc de la douleur des mesures que nous repoussons en les sachant inévitables. En attendant ce jour, plus ou moins proche, attachons bien nos ceintures.

Aurélien Véron est conseiller de Paris, porte-parole du groupe Changer Paris (Républicains, centristes et indépendants), et conseiller métropolitain.

Dette : Marine Lepen refuse de l’annuler

Dette : Marine Lepen refuse de l’annuler

« Une dette doit être remboursée. Il y a là un aspect moral essentiel. A partir du moment où un Etat souverain fait appel à une source de financement extérieure, sa parole est d’airain. Il s’organise pour rembourser sa dette contre vents et marées » (tribune de Marine Lepen)

 

De question de spécialistes, la dette est devenue un sujet omniprésent dans les gazettes et autour des tables familiales. Quelques observations de bon sens me semblent pouvoir contribuer au débat.

En premier lieu, les bilans des banques centrales dans le monde ont quintuplé depuis la crise de 2008. La pandémie n’a fait qu’accentuer le mouvement. Les interventions de la Banque centrale européenne (BCE) se traduisent par des acquisitions de titres d’Etat et d’entreprises à son actif et par la constitution de réserves créées ex nihilo à son passif. Les titres sont achetés sur le marché secondaire, la BCE ne pouvant financer directement les Etats. Mais cela revient au même. Rien n’empêche pour la BCE de conserver ces titres de façon indéfinie, de les transformer en dettes perpétuelles, voire même de les compenser avec les réserves comptables (équivalant à une annulation de dettes). Nous sommes dans la droite ligne de la théorie monétaire moderne post-keynésienne.

Mais la réalité ne se laisse pas facilement appréhender quelle que soit la théorie économique. Encore faut-il qu’il y ait un consensus sur tel ou tel traitement de la dette, car la monnaie repose d’abord sur la confiance.

«L’importance d’une dette publique ne peut se juger que par rapport à la capacité d’une nation de la rembourser. La référence au PIB n’est pas le bon indicateur de la capacité de remboursement de la sphère publique»

Economie de fonds propres. ​En second lieu, le débat public se focalise sur des chiffres, tous plus effrayants les uns que les autres (« une dette de 120 % du PIB » soit 2 670 milliards d’euros, « le besoin de financement de la France s’élève à 282 milliards d’euros en 2021 »). Or, l’importance d’une dette publique ne peut se juger que par rapport à la capacité d’une nation de la rembourser. La référence au PIB n’est pas le bon indicateur de la capacité de remboursement de la sphère publique. Celle-là doit être appréciée par rapport aux marges de manœuvre permettant de couvrir le service de la dette : excédents budgétaires, réduction des dépenses publiques, augmentation des impôts et refinancement de la dette.

Les taux sont faibles aujourd’hui (0,593 % à 50 ans), voire négatifs sur les échéances courtes. L’Agence France Trésor « roule » la dette publique avec une belle technicité mais le risque d’une remontée des taux à terme, alourdissant significativement le service de la dette, ne doit pas être sous-estimé.

En troisième lieu, la dette d’une nation s’apprécie globalement, dettes publiques et dettes privées. Or, le gonflement des dettes privées en France est tout aussi préoccupant. En 2018, elle correspondait déjà à 265 % du PIB (155 % pour l’Allemagne). Même sur la dette privée, nous sommes en décalage avec l’Allemagne. Les 130 milliards d’euros de prêts garantis par l’Etat (PGE) accentuent le problème. J’ai déjà eu l’occasion de proposer des dispositifs permettant de renforcer massivement les fonds propres des entreprises. Le meilleur remède à la dette, ce sont les fonds propres. La France doit impérativement passer d’une économie de dettes à une économie de fonds propres.

En quatrième lieu, il y a une grande différence entre une dette détenue majoritairement par les investisseurs institutionnels non résidents (c’est le cas de la France) et une dette détenue majoritairement par des nationaux (c’est le cas du Japon, avec pourtant une dette publique de 240 % du PIB). Le degré d’indépendance du pays est en jeu. Nous irons dans le sens d’une plus forte détention de la dette publique française par les investisseurs français, particuliers ou institutionnels, tout en préservant la diversité souhaitable des investisseurs. La signature France sera préservée et confortée.

« Nous devons mettre la France sur un chemin de croissance. Ceci implique des investissements de long terme dans les infrastructures, les technologies, les secteurs de souveraineté industrielle, l’aménagement du territoire, la transition énergétique et environnementale »

Souveraineté. Mon approche sur la dette est pragmatique.

Oui, une dette doit être remboursée. Il y a là un aspect moral essentiel. A partir du moment où un Etat souverain fait appel à une source de financement extérieure, sa parole est d’airain. Il s’organise pour rembourser sa dette contre vents et marées. La Banqueroute des Deux Tiers de 1797 est un précédent révolutionnaire lointain qui n’a pas vocation à se renouveler dans notre France contemporaine. Qui paie ses dettes s’enrichit.

Oui, nous devons mettre la France sur un chemin de croissance. Ceci implique des investissements de long terme dans les infrastructures, les technologies clés, les secteurs de souveraineté industrielle, l’aménagement du territoire, la transition énergétique et environnementale. Leur financement sera vertueux, avec de la bonne dette et de vrais fonds propres. Le contraire d’une politique d’austérité mais avec une réelle maîtrise budgétaire dans la durée. Des investissements qui permettent des retombées économiques et sociales, des externalités positives, au bénéfice du bien commun mais aussi une lutte déterminée contre toutes les sortes de fraudes qui nuisent aux honnêtes citoyens.

Non, les générations futures n’auront pas à subir l’impéritie de quatre décennies de mauvaise gestion publique. C’est une question d’équité. C’est aussi une question de lutte contre les inégalités. Nous favoriserons en tout état de cause les solutions qui assureront le respect de notre pacte social.

Oui, enfin, l’approche budgétaire qui prévaut au sein de la sphère publique française doit profondément évoluer. J’aurai l’opportunité dans les mois qui viennent de développer les principes qui permettront de rendre compatible la dette publique française avec les ambitions de la nation et la nécessaire protection des Français. Cette approche est appelée à impliquer l’ensemble des acteurs institutionnels, économiques, monétaires et financiers, avec lesquels un chemin de croissance soutenable est à construire et à faire prospérer. Une bonne gestion de la dette publique est au cœur de notre souveraineté.

Marine Le Pen est présidente du Rassemblement national.

L’Allemagne partenaire privilégié des États-Unis ?

L’Allemagne partenaire privilégié des États-Unis ?

 

 

Pour l’ancien ambassadeur Michel Duclos, l’Allemagne risque d’être le partenaire privilégié États-Unis ( interview dans l’Opinion)

 

 

Une semaine après la conférence de Munich sur la sécurité, qui a vu la réaffirmation du lien transatlantique, un Conseil européen extraordinaire se tient jeudi et vendredi par visioconférence. Au côté de la lutte contre la pandémie, les questions de sécurité et de défense sont au menu.

Michel Duclos est conseiller spécial géopolitique à l’Institut Montaigne.

Dans une récente note pour l’Institut Montaigne, vous évoquez un « débat entre experts américains » sur le thème « quel partenaire privilégier en Europe ? » De quoi s’agit-il ?

Pour faire « bouger » l’UE, les Américains sont toujours passés par les capitales des Etats membres, d’autant plus qu’ils sont mal à l’aise avec cette institution sui generis qu’est l’Union et que les relations bilatérales restent importantes en diplomatie, y compris pour atteindre des objectifs dans des enceintes multilatérales. Par le passé, ils ont beaucoup compté sur Londres mais ce chapitre est terminé. Sur qui s’appuyer alors ? Les Allemands, très atlantistes mais en retrait sur la Chine ? Les Français, en dehors du mainstream sur la Russie et la défense européenne mais présents sur les théâtres d’opérations et sur les enjeux globaux ? Les Britanniques, décidés à retrouver un rôle global, désireux de se rendre utiles, mais handicapés par l’affaiblissement de leurs liens avec l’UE et dont le crédit international reste incertain ? Alors que la carrière d’Angela Merkel touche en outre à sa fin, les Américains voient bien qu’Emmanuel Macron est celui qui, en Europe, a le plus d’idées, d’énergie, d’ambition, et donc qu’il fait figure de « chef de file » – même s’il est contesté. Mais, se demande-t-on dans les think-tanks outre-Atlantique et probablement désormais au sein de l’Administration, peut-on faire confiance à ce président français qui a constamment à la bouche les mots d’«autonomie stratégique » et de « dialogue avec la Russie » ? Sur le sujet capital de la Chine, le « De Gaulle qui est tapi dans Macron » – formule souvent utilisée chez les experts américains – ne va-t-il pas pousser l’Europe vers une forme d’équidistance entre Pékin et Washington ?

Quel serait le choix naturel de Washington ?

Privilégier la relation avec l’Allemagne. Mais la Chancelière inquiète : elle a poussé à l’accord sur les investissements avec la Chine et ne veut pas entendre parler de l’annulation du gazoduc russe Nord Stream 2. On peut donc imaginer un scénario dans lequel, du point de vue américain, les Français se révèlent les plus fiables. Un autre scénario serait que l’attention des Etats-Unis, revenue vers l’Europe, se détourne d’elle de nouveau.

Existe-t-il, au sein de l’Administration Biden, un « tropisme pro-allemand » comme on l’entend parfois à Paris ?

C’est très probable. L’une des forces de l’Allemagne, vue des Etats-Unis, est d’apparaître plus fédératrice que la France, plus représentative d’un axe moyen des pays européens. De manière générale, l’establishment américain connaît mieux l’Allemagne que la France. Le différentiel de poids économique se traduit aussi par un différentiel d’influence. Ce sont des fonds allemands qui financent les départements d’études européennes dans les universités américaines. Enfin et surtout, les équipes Biden proviennent largement de l’Administration Obama qui travaillait étroitement avec Berlin. Les Français ont cependant des atouts : l’excellence de la coopération politico-militaire, quelques brillants jeunes gens dans les think-tanks washingtoniens, et l’agilité diplomatique aiguisée comme membre permanent du Conseil de Sécurité.

«Compte tenu de l’envergure et de l’expérience de Mario Draghi, y compris son expérience américaine, il faut s’attendre à ce que l’Italie joue de nouveau un rôle, au moins sur les affaires économiques. De surcroît, Rome préside le G20, à un moment où la coordination de la relance mondiale va devenir cruciale»

Vu des Etats-Unis, l’Europe se résume-t-elle à l’E3 (Paris, Londres, Berlin) ?

L’Europe ne s’est jamais résumé à trois pays. Par exemple, sous Trump, la Pologne et la Hongrie comptaient à Washington. Compte tenu de l’envergure et de l’expérience de Mario Draghi, y compris son expérience américaine, il faut s’attendre à ce que l’Italie joue de nouveau un rôle, au moins sur les affaires économiques. De surcroît, Rome préside cette année le G20, à un moment où la coordination de la relance mondiale post-Covid va devenir cruciale.

L’UE, en tant que telle, peut-elle être un partenaire crédible pour Washington ?

Difficile à dire. Si l’on prend les sujets majeurs (changement climatique, numérique, Chine, commerce, voire Russie et Turquie), c’est à Bruxelles que les choses se décident. Le nouveau secrétaire d’Etat, Antony Blinken, ne s’y est pas trompé. Il a participé il y a quelques jours à une réunion virtuelle des ministres des Affaires étrangères de l’UE. En sens inverse, les affaires européennes sont jusqu’à présent vues à Washington par le prisme de l’Otan. De surcroît, la polyarchie qui dirige Bruxelles se prête mal à un dialogue de haut niveau avec Washington. On voit mal la présidente de la Commission négocier directement dans le Bureau ovale la taxation des Gafa. Il serait donc utile que la France et l’Allemagne jouent un rôle de porte-parole officieux et organisent le dialogue Europe/Etats-Unis, en impliquant des partenaires comme les Italiens, et en prenant garde au fait que le Royaume-Uni pourrait jouer un rôle de nuisance.

Islamo-gauchisme: une réalité sociale et politique

Islamo-gauchisme: une réalité sociale et politique

 

Une chronique  de Gilles Savary*dans l’opinion

 

L’islamo-gauchisme n’est sans doute pas un concept de sciences politiques subtilement académique, mais il a le mérite de nommer les choses par leur nom. N’en déplaise à ceux qui affectent de l’ignorer, ce n’est pas non plus un fantasme. En tout cas, si de prudes âmes ne l’ont jamais rencontré, l’Unef s’est chargée de l’incarner le 17 septembre 2020 en dépêchant à une audition de l’Assemblée nationale une convertie en hijab. La députée de Paris Anne-Christine Lang a marqué son indignation de cette provocation manifeste en y apportant la réponse symbolique de quitter la séance.

Il est indubitable que ces dernières années, la gauche radicale a montré plus de zèle à manifester aux côtés d’activistes de l’islam politique qu’à participer aux hommages rendus aux victimes du terrorisme islamiste ou des odieux assassinats de Français de confession israélite qui ont eu lieu sur le sol de France.

La complaisance de l’extrême gauche avec tout ce qui peut déstabiliser nos démocraties libérales n’est pas nouvelle. Jadis canalisée par des corpus politiques ou idéologiques structurés, dans la filiation des expériences révolutionnaires du XXe siècle, cette mouvance politique épouse aujourd’hui l’air du temps, qui se traduit par une multiplication de revendications sociétales. Certaines de ses composantes participent de la fermentation des culpabilités et des haines qui caractérisent l’époque et associent vaille que vaille des radicalités nouvelles, féministes, indigénistes, post-coloniales, religieuses, à de vieux fonds de sauce de lutte des classes, voire d’antisémitisme larvé.

L’islamo-gauchisme est le plus souvent la manifestation d’une « alliance objective » plus qu’affinitaire au service d’une cause commune, anti-libérale, anti-capitaliste, anti-occidentale et anti-sioniste

Dans ce contexte, l’islamo-gauchisme est le plus souvent la manifestation d’une « alliance objective ​» plus qu’affinitaire au service d’une cause commune, anti-libérale, anti-capitaliste, anti-occidentale et anti-sioniste, entre un activisme révolutionnaire et un activisme religieux fondamentaliste. Il constitue aussi pour « ​la gauche de la gauche ​» le creuset politique d’un clientélisme électoral.

Diversion. Pour autant, une démocratie fondée sur la liberté d’opinion et le droit ne peut se lancer dans l’aventure hasardeuse d’une chasse aux sorcières au sein d’administrations civiles sans suggérer, dans le contexte actuel, un amalgame abusif entre complaisance tactique et complicité terroriste.

Il est légitime que la République ne soit pas indifférente à ce qui se passe dans nos universités, dont le statut d’autonomie ne dispense pas du respect de ses valeurs fondamentales. Elle dispose pour cela de tous les attributs de puissance publique lui permettant d’exercer sa vigilance. S’il est normal que le gouvernement s’inquiète des pressions et des menaces intolérables qui s’exercent sur des chercheurs ou éditorialistes qui s’intéressent de trop près à l’islam politique, ce doit être précisément au nom de la défense de la liberté académique plutôt que de son contrôle.

Au-delà de l’influence islamo-gauchiste, il est particulièrement choquant que des personnalités comme Sylviane Agacinsky et François Hollande aient dû renoncer à s’exprimer dans des enceintes universitaires sous pression d’activistes d’autres horizons et que des intellectuels comme Alain Finkielkraut ou Elisabeth Badinter en soient systématiquement menacés. Ces réalités traduisent une dégradation détestable de la liberté intellectuelle au sein de certaines de nos universités.

Il est préoccupant que les vénérables pétitionnaires qui réclament la démission de la ministre affectent de l’ignorer et esquivent le débat par une diversion misérabiliste hors sujet.

Gilles Savary est ancien député PS de la Gironde, délégué général de Territoires de progrès.

Vaccin : la solution Novavax

Vaccin : la solution Novavax

S’il est autorisé, le dispositif du laboratoire jusque-là moribond pourrait devenir une arme redoutable contre la pandémie

 

Novavax est sur le point de voir son vaccin contre la Covid-19 autorisé aux Etats-Unis. Pour les scientifiques, s’il obtient le feu vert des autorités, le dispositif pourrait devenir une arme redoutable contre la pandémie et afficher des avantages non négligeables par rapport à ses concurrents.

En janvier 2020, des salariés de Novavax se sont réunis dans un bar du Maryland pour essayer de savoir comment sauver leur carrière. Depuis des décennies, la petite société de biotechnologie pour laquelle ils travaillaient essayait, sans succès, de développer un vaccin. Elle possédait tout juste assez de trésorerie pour tenir six mois et son action valait moins de 4 dollars, ce qui la valorisait à 127 millions de dollars.

Aujourd’hui, après 33 ans d’existence, Novavax est sur le point de voir son vaccin contre la Covid-19 autorisé. Pour les scientifiques, s’il obtient le feu vert des autorités, le dispositif pourrait devenir une arme redoutable contre la pandémie et afficher des avantages non négligeables par rapport à ses concurrents. En effet, des données préliminaires indiquent le vaccin Novavax pourrait être le premier à empêcher la propagation asymptomatique du coronavirus et fournirait une protection plus longue.

Si le schéma à deux injections est validé, restera à fabriquer et distribuer le vaccin en grandes quantités, un défi car, à court d’argent, la biotech a vendu une partie de son outil de production en 2019.

Les investisseurs, qui avaient alors laissé l’entreprise pour morte, misent désormais sur le fait que les régulateurs approuveront le vaccin de Novavax dans les prochains mois. Résultat : l’action a bondi de 106 % depuis le début de l’année, et vaut désormais 229 dollars. Fin janvier, Novavax a publié des données préliminaires indiquant que son vaccin était efficace pour protéger contre la Covid-19 (même s’il l’est un peu moins contre le variant sud-africain, qui semble toutefois poser problème à d’autres vaccins). Les résultats des essais cliniques aux Etats-Unis pourraient être publiés fin mars.

D’ici là, la valorisation de Novavax a atteint 15,4 milliards de dollars, loin devant des entreprises qui affichent pourtant des milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel, dont le géant des médicaments génériques Teva Pharmaceutical Industries.

L’autorisation de mise sur le marché serait une nouvelle preuve des bouleversements que la pandémie a provoqués sur le marché pharmaceutique. Les vaccins les plus perfectionnés ont été développés par des petits nouveaux qui se sont appuyés sur des technologies peu usitées pour imaginer et fabriquer des dispositifs beaucoup plus vite qu’avec les méthodes traditionnelles. Alors que Merck, géant du secteur, a récemment renoncé à proposer un vaccin contre la Covid-19 après des résultats décevants, des novices ambitieux (dont Moderna et BioNTech) ont mis au point, testé et produit des vaccins à la vitesse de la lumière. Et ce sont leurs dispositifs qui sont actuellement administrés à travers le monde.

Le vaccin de Novavax « semble aussi efficace que les autres vaccins, avec une durée de protection potentiellement supérieure », résume John Moore, immunologiste au Weill Cornell Medical College de New York. D’abord sceptique vis-à-vis de l’entreprise et de son produit, le docteur Moore explique que les données préliminaires l’ont convaincu au point qu’il s’est porté volonté volontaire pour les tests et a acheté des actions Novavax, qu’il a revendues depuis.

Le succès de Novavax pourrait changer la donne. Le lancement des vaccins de Pfizer/BioNTechModerna et AstraZeneca s’est révélé plus lent que prévu et les laboratoires peinent à satisfaire une demande colossale. Novavax affirme, lui, pouvoir produire plusieurs milliards de doses sur l’année à venir si la production est lancée en avril, soit autant (voire plus) que ces concurrents. La semaine dernière, Novavax a annoncé avoir conclu un accord avec Gavi, une organisation internationale basée à Genève, pour distribuer des doses à travers le monde.

« J’admire leur ténacité, leur persévérance, leur volonté de ne jamais abandonner, déclare Roger Pomerantz spécialiste des maladies infectieuses et des vaccins qui dirige aujourd’hui la biotech ContraFect après avoir travaillé chez Merck, qui a refusé de travailler avec Novavax il y a quelques années. Mais à la fin, il faut produire un vaccin. »

Contrairement aux dispositifs Pfizer et Moderna, les deux seuls autorisés aux Etats-Unis, le vaccin Novavax n’a pas besoin d’être conservé à des températures en dessous de zéro, un point fort pour les hôpitaux, cliniques et pharmacies qui n’ont pas de réfrigérateurs.

Si Novavax a utilisé des méthodes qui lui sont propres, la démarche est la même que pour les vaccins traditionnels (notamment ceux contre le zona et l’hépatite B), un élément qui a séduit les scientifiques.

Les vaccins Pfizer et Moderna reposent sur une technologie innovante qui utilise des molécules baptisées ARN messager pour apprendre au corps à créer la protéine S du coronavirus, ce qui provoque une réponse immunitaire.

Celui d’AstraZeneca utilise une autre technologie (qui s’appuie sur un virus inoffensif du chimpanzé entraînant également une réponse immunitaire) ; il est autorisé en Europe et au Royaume-Uni.

L’histoire compliquée de Novavax éclipse ses efforts. Il y a seize ans, le produit phare du laboratoire était une crème contre les bouffées de chaleur des femmes préménopausées qui ne s’est jamais vendue. En faillite, le groupe a fait appel à Gale Smith, aujourd’hui âgé de 71 ans, biologiste moléculaire qui dirigeait une petite société de mise au point de vaccins.

Novavax a choisi une troisième option : au lieu d’expliquer au corps comment fabriquer la protéine S, le laboratoire en injecte directement une version synthétique légèrement modifiée. Pour ce faire, les scientifiques du groupe ont utilisé le baculovirus, un virus propre aux arthropodes, dans lequel ils ont inséré des instructions génétiques pour produire la protéine S, puis infecté des cellules de légionnaire d’automne (un insecte aussi appelé noctuelle américaine du maïs).

Ces cellules ont été cultivées dans des bioréacteurs contenant 6 000 litres de liquide (des cuves qui ressemblent étrangement à des fûts de brasserie). C’est là que la protéine a été produite, avant d’être isolée, purifiée et injectée sous forme de vaccin, accompagnée d’un autre élément, appelé adjuvant, qui démultiplie la réponse immunitaire et rend le vaccin plus efficace.

L’histoire compliquée de Novavax éclipse ses efforts. Il y a seize ans, le produit phare du laboratoire était une crème contre les bouffées de chaleur des femmes préménopausées qui ne s’est jamais vendue. En faillite, le groupe a fait appel à Gale Smith, aujourd’hui âgé de 71 ans, biologiste moléculaire qui dirigeait une petite société de mise au point de vaccins.

Etudiant, le docteur Smith avait participé à l’élaboration de la méthode utilisant les baculovirus pour transporter l’ADN d’un agent infectieux vers des cellules d’insectes pour créer des vaccins, une méthode aujourd’hui utilisée pour le vaccin contre la grippe et le papillomavirus.

Pendant une décennie, le laboratoire l’a utilisée pour développer des vaccins contre le VIH, le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), la grippe porcine, Ebola ou le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS). A chaque fois, Novavax a obtenu des premiers résultats prometteurs et obtenu le soutien d’entités publiques et à but non lucratif, dont la fondation Gates.

Mais les vaccins ont échoué lors des phases suivantes ou les épidémies ont reflué, rendant un traitement moins nécessaire.

Les dirigeants ont tout fait pour remonter le moral de leurs équipes. Stanley Erck, vétéran du Vietnam âgé de 72 ans et directeur général, invitait souvent ses collaborateurs à une soirée bowling, pizza et bières le vendredi. Gregory Glenn, pédiatre responsable de la recherche et du développement, essayait lui aussi de mobiliser les troupes.

« Où trouverez-vous une mission aussi noble, aussi intéressante et aussi rémunératrice ? », a-t-il un jour demandé aux chercheurs.

Mais des dirigeants et des salariés ont fini par partir, minant le moral du docteur Glenn. Il y a quelques années, en rentrant chez lui, il s’est mis à pleurer, raconte-t-il. « J’avais le sentiment de les laisser tomber et d’avoir péché par excès d’enthousiasme », soupire-t-il.

En 2014, Novavax a racheté une société suédoise qui produit un adjuvant dérivé de l’écorce d’un arbre chilien qui renforce la réponse immunitaire générée par un vaccin.

Avec cet adjuvant, Novavax a commencé de travailler sur des vaccins contre le virus respiratoire syncytial (VRS), qui cause chaque année l’hospitalisation d’environ 58 000 enfants aux Etats-Unis et peut s’avérer mortel. En 2015, le cours de l’action a doublé quand Stanley Erck a annoncé que le vaccin pourrait devenir « le plus vendu de l’histoire des vaccins en termes de chiffre d’affaires ».

« Je suis patron d’une biotech, je suis optimiste, je le reconnais », indique-t-il.

L’année suivante, le vaccin a échoué lors de la phase 3. En novembre 2016, le lendemain de l’élection présidentielle, un tiers des salariés ont été accueillis par un message annonçant leur licenciement en raison des déboires du vaccin contre le VRS.

« Ça a été une énorme surprise, un jour triste et lugubre, les gens étaient accablés », raconte Kwanho Roh, biologiste cellulaire qui a échappé au licenciement mais a perdu un tiers de ses équipes avant qu’il ne décide de quitter la société.

En 2019, quand un nouvel essai de vaccin contre le VRS a échoué, Novavax est officiellement devenu le petit laboratoire qui n’arrive à rien. Quand Stanley Erck prenait la parole lors de conférences, ils n’étaient parfois que trois à venir l’écouter. En mai de cette même année, au moment où l’action ne valait plus que 36 cents et risquait d’être exclue du Nasdaq, Novavax a lancé un regroupement d’actions à raison de 20 actions pour une. Le titre a fini l’année en baisse de 39 % et a été sorti de l’indice biotechnologique du Nasdaq. Mais pour le docteur Smith, aucun doute : son équipe progressait sur son vaccin.

Début 2020, Novavax réalisait les essais cliniques d’un nouveau vaccin, cette fois-ci contre la grippe. Le laboratoire étudiait également les possibilités d’amélioration de son vaccin contre le VRS, qui semblait efficace, et s’était d’ailleurs rapproché des régulateurs et de partenaires commerciaux potentiels.

Les premières données du vaccin contre la grippe étaient impressionnantes, mais les salariés s’inquiétaient du manque de trésorerie. Stanley Erck, lui, savait que c’était la dernière chance de son entreprise et que certains de ses collaborateurs avaient déjà un pied dehors.

Lorsque la pandémie a frappé, les dirigeants de Novavax ont fait le choix difficile de réorienter leurs efforts vers le vaccin contre la Covid-19, au risque de retarder celui contre la grippe. Le laboratoire avait déjà travaillé sur d’autres coronavirus et estimait donc avoir ses chances.

En janvier, Novavax a acheté le gène de la protéine S auprès d’un fournisseur de Shanghai, mais les liaisons aériennes ont été suspendues et la livraison n’est jamais arrivée. Au bout de quelques jours, le bureau américain du fournisseur, situé dans le New Jersey, a accepté de produire le gène et de le livrer à Washington chez Novavax.

Quelques semaines plus tard, le laboratoire a utilisé le baculovirus pour créer un vaccin qui devait alors être testé. Mais, à court d’argent, Novavax ne pouvait pas fabriquer de doses en grandes quantités.

En mars, Stanley Erck et d’autres responsables de laboratoires pharmaceutiques se sont réunis à la Maison Blanche pour parler du vaccin contre la Covid-19. Il n’y est pas allé par quatre chemins. « Soyons honnêtes : on a besoin d’argent », a-t-il expliqué au président Trump, selon une transcription de la conversation.

Le laboratoire a obtenu 2 milliards de dollars au titre de Warp Speed, le programme public de soutien au développement du vaccin, et de la Coalition for Epidemic Preparedness Innovations, une organisation à but non lucratif installée en Norvège. Novavax a également levé des fonds auprès d’un hedge fund.

Pour tester son vaccin, le docteur Glenn a fait appel aux chercheurs de l’université de l’Oklahoma, qui ont proposé quinze singes élevés pour la recherche médicale. Conjugués à d’autres études sur des animaux et des tests préliminaires sur des humains, les essais qui ont eu lieu ont montré une efficacité suffisante pour faire le buzz dans le secteur.

En octobre, Novavax a repoussé la date du lancement des essais cliniques aux Etats-Unis en raison de la complexité de la fabrication des doses, prenant du retard sur ses concurrents.

Pour les analystes de Stanford C. Bernstein, si le vaccin est validé, Novavax pourrait engranger 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires cette année. Mais les dirigeants du laboratoire, plus conscients que quiconque du risque d’échec lors des essais cliniques, n’ont pas encore sorti le champagne

Le 28 janvier, le laboratoire a déclaré qu’une analyse intermédiaire de la phase 3 révélait que son vaccin était efficace à 89 % pour protéger les humains du virus au Royaume-Uni, où un variant commençait de circuler et d’inquiéter les autorités. En revanche, il n’est efficace qu’à 49 % contre le variant qui sévit en Afrique du Sud, a révélé une autre étude réalisée dans le pays, même si ce chiffre monte à 60 % chez les personnes séronégatives.

A l’instar des autres fabricants de vaccins contre la Covid-19, Novavax reformule son vaccin pour qu’il soit plus efficace contre les nouvelles souches.

Larry Corey, spécialiste des maladies infectieuses au Fred Hutchinson Cancer Research Center, a participé à la mise en place des essais fédéraux des vaccins contre la Covid-19. Il raconte que le dispositif de Novavax a plusieurs avantages potentiels, à commencer par le fait le vaccin contient une dose relativement faible de produit : il sera donc plus facile de produire de grandes quantités et de faire durer les stocks.

« La faisabilité et le potentiel sont très importants », affirme le docteur Corey.

Pour les analystes de Stanford C. Bernstein, si le vaccin est validé, Novavax pourrait engranger 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires cette année. Mais les dirigeants du laboratoire, plus conscients que quiconque du risque d’échec lors des essais cliniques, n’ont pas encore sorti le champagne.

Les investisseurs misent sur une baisse d’environ 10 % du titre Novavax, signe d’un certain scepticisme. A titre de comparaison, le taux de positions courtes sur le S&P 500 (qui met en perspective les positions vendeuses par rapport à l’encours total) n’est que de 2,5 %.

Les résultats des essais à grande échelle aux Etats-Unis seront dévoilés fin mars. Stanley Erck affirme qu’il est inquiet mais optimiste. Ses proches sont, eux, surtout stressés. Sa femme, le docteur Sarah Frech, a ressorti il y a peu une figurine dont elle pense qu’elle porte chance.

« Elle est plus superstitieuse que moi », plaisante-t-il.

(Traduit à partir de la version originale en anglais par Marion Issard)

L’urgence de la loi dépendance

L’urgence de la loi dépendance

La crise sanitaire a mis en évidence les questions liées à la dépendance. Il faut donc repenser un « modèle à bout de souffle », estiment dans une tribune au « Monde » quatre sénateurs socialistes, parmi lesquels Patrick Kanner et Monique Lubin.

Tribune. Selon l’Insee, près de 4 millions de seniors seront en perte d’autonomie d’ici à 2050, il faudrait augmenter le nombre de places en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) à hauteur de 50 %.

Alors que les conditions de vie et les difficultés rencontrées par les soignants travaillant en Ehpad ou à domicile ont été fortement dégradées et amplifiées par l’épidémie de Covid-19, le projet de loi « grand âge autonomie » tant attendu par les acteurs du secteur sera finalement repoussé à la fin de la crise sanitaire. Ce report est un signal très décourageant pour les professionnels du secteur et entre en contradiction avec les ambitions affichées par le gouvernement. En effet, la loi « grand âge et autonomie » voulue par le président de la République, et annoncée avant l’automne 2019, était censée incarner le marqueur social de ce quinquennat.

Or, pour l’instant, il n’en est rien. Ce report, justifié par la crise selon le gouvernement, est le triste révélateur des choix et priorités du gouvernement.

Ce calendrier différé enlève toute crédibilité à la création de la cinquième branche de la Sécurité sociale, actée par la loi relative à la dette sociale et à l’autonomie, ainsi qu’aux maigres avancées inscrites au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2021. Avancées que le groupe socialiste avait soutenues, comme il avait salué la visée universaliste de cette branche dans la prise en charge de toute perte d’autonomie, qu’elle soit liée à l’âge ou au handicap.

Aucun nouveau financement n’a été fléché pour la création de cette nouvelle branche confiée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), mis à part quelques transferts de contribution sociale généralisée (CSG), loin d’être suffisants face aux enjeux concernant les questions d’autonomie et de vieillissement de population.


Lors des débats sur le PLFSS 2021, nous avions fait plusieurs propositions, notamment celle d’une contribution des revenus du capital et des successions, mais la ministre Brigitte Bourguignon [déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie] nous a renvoyés à l’examen de ladite loi, qui n’est pas près d’être débattue.

Ces questions essentielles, de ressources supplémentaires à affecter, de prestations assurées au regard des besoins délimités, n’ont pas été tranchées. La cinquième branche de la Sécurité sociale n’est pour l’instant qu’une coquille vide.

Pays riches : le danger du protectionnisme vaccinal

Pays riches : le danger du protectionnisme vaccinal

Face à ce virus qui expose si durement notre vulnérabilité mais aussi notre interdépendance, jamais la communauté de destins entre l’Afrique et l’Europe ne s’est illustrée de manière aussi limpide, explique un collectif de représentants d’instances internationales, dont le directeur général de l’OMS, dans une tribune au « Monde ».

Tribune. Un an après le début de la pandémie de Covid-19 qui a fait plus de 2,4 millions de morts dans le monde, l’humanité a fait face en accomplissant un exploit scientifique historique : des vaccins ont été développés et certifiés en un temps record.

En combinaison avec d’autres outils de santé publique éprouvés que de nombreux pays ont utilisés avec succès pour supprimer la transmission, les vaccins offrent désormais un moyen de sortir de la crise. Le monde d’après peut être autre chose qu’un slogan.

Ce monde d’après justement. Tous s’accordent à dire que la pandémie a mis en exergue l’interconnexion de nos sociétés au Nord comme au Sud, et a permis la prise de conscience des menaces communes. Le concept de One Health, qui montre l’interdépendance de la santé humaine, de la santé animale et de la santé des écosystèmes, est désormais indiscutable. Une évidence s’impose donc : nous devons transformer la crise que nous vivons en une opportunité pour construire un monde plus durable, équitable et solidaire, en particulier dans le domaine de la santé.

Mais ce monde n’est pas encore tout à fait à portée de main : après le choc provoqué par le virus se profile désormais un autre danger, celui d’une fracture entre pays du Nord et pays du Sud dans l’accès au vaccin.

Les conséquences de ces inégalités pourraient bien provoquer une rechute dont nous ne soupçonnons pas encore l’ampleur. Tout protectionnisme vaccinal se retournerait vite contre les pays les plus riches : il accélérerait l’émergence d’une autre menace, celle de la multiplication de la circulation des variants, qui pourrait anéantir leur tentative de se protéger.

Au-delà de l’acte de solidarité et de l’impératif moral qu’elle représente, la vaccination rapide dans les pays du Sud est donc une question de sécurité pour tous. Car l’Afrique ne demande pas la charité, mais simplement l’égalité et l’équité d’accès aux vaccins, au même titre que les pays d’Europe. A ce jour, force est de constater que les pays africains ne peuvent même pas accéder aux vaccins qu’ils sont prêts à payer, car ceux-ci sont déjà précommandés par les pays riches.

« L’Agisme » ! Nouveau concept de l’obsolescence !

« L’Agisme » !

 

L’« âgisme », qui n’a pas connu la même diffusion que les concepts de racisme et de sexisme, permet pourtant une réflexion sur notre rapport au vieillissement, surtout en ces temps de pandémie, la sociologue Juliette Rennes dans un entretien au « Monde ».

Sociologue et maîtresse de conférences à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), Juliette Rennes travaille sur les questions de genre et de discrimination. L’Encyclopédie critique du genre (La Découverte, 2016), qu’elle a coordonnée et dont elle a écrit l’entrée « âge », reparaît, le 11 mars, dans une version revue et augmentée.

Quelle est la définition de l’âgisme ?

Le mot a été forgé par un psychiatre et gérontologue américain, Robert Butler, en 1969. Il désignait, principalement, les stéréotypes et les discriminations envers les vieilles personnes. Depuis, son sens s’est élargi pour s’appliquer aux préjudices fondés sur l’âge.

Plus précisément, je dirais qu’on tend à qualifier d’âgiste le fait de juger un individu trop jeune ou trop vieux pour accéder à un bien social (une activité, un service, une prestation, un droit…), sans prendre en considération ses aptitudes et ses aspirations.

Y avait-il, à l’époque où le concept a émergé, des mouvements de défense des personnes âgées ?

Il existait des organisations de défense des retraités bien avant les années 1970, mais la nouveauté de cette époque aux Etats-Unis est l’apparition de mobilisations dénonçant les préjudices fondés sur l’âge.

Le collectif des Gray Panthers, lancé en 1970 par des femmes retraitées, s’empare du terme d’âgisme. Ces militantes documentent la maltraitance dans les maisons de retraite, les représentations négatives de la vieillesse à la télévision, s’associent à un collectif africain et américain pour dénoncer les discriminations contre les Noirs âgés dans le système de santé et réclament plus largement une société plus accueillante pour tous les âges, par exemple en matière de transport public. Elles luttaient aussi pour l’instauration d’une sécurité sociale universelle.

Et en France ?

A l’époque, il n’existe pas de collectif de cette ampleur qui fasse entendre des
revendications sur la vieillesse portées par les personnes concernées. Il y a en revanche, dans le sillage de 1968, des professionnels du travail social, de la psychiatrie, de la gérontologie qui sont confrontés à la vieillesse dans leur activité professionnelle et portent un discours critique sur la relégation sociale des vieilles et des vieux – sur l’enfermement, la psychiatrisation, la ségrégation des âges ou encore le culte du productivisme, qui dévalue les retraités.

Le livre La Vieillesse, de Simone de Beauvoir, paru en 1970, fait partie d’une nébuleuse plus large, même si elle demeure marginale, de réflexions critiques et parfois d’expérimentations concrètes pour changer le regard sur la vieillesse et les relations entre générations.

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Sondage COVID-19: 67% DES FRANÇAIS FAVORABLES À DES CONFINEMENTS LOCAUX LE WEEK-END

Sondage COVID-19: 67% DES FRANÇAIS FAVORABLES À DES CONFINEMENTS LOCAUX LE WEEK-END

 

.Selon le sondage hebdomadaire « Opinion en direct » réalisé par l’institut Elabe pour BFMTV, 67% des Français, soit 2 sur 3, sont favorables à l’instauration d’un confinement le week-end dans « les zones les plus touchées par l’épidémie ». Dans le détail, 36% des personnes interrogées s’y disent « assez favorables », 31% « très favorables ». A contrario, 32% sont « opposés », 20% « assez opposés » et 12% « très opposés ».

Mais face à la dégradation des indicateurs sanitaires, on relève toutefois une forte hausse du nombre de pronostics de reconfinement dans les semaines à venir: 60% des Français pensent qu’il y aura un troisième confinement national dans les prochaines semaines, une hausse de 12 points par rapport à la semaine dernière.

A contrario, un autre chiffre est en légère baisse: 62% (-4 points), soit 6 Français sur 10, estiment que la crise sanitaire a pour l’heure été mal gérée. sensiblement identique.

La cote de popularité du président de la République s’améliore légèrement par rapport à octobre dernier. Le chef de l’État voit son dynamisme salué à 67% (+4 points), sa sympathie progresse de 7 points et s’établit à 49%. Il est toutefois toujours perçu comme « autoritaire » par 67% des personnes interrogées (+5 points) et par 64% comme étant « arrogant ».

Moral des patrons : baisse

Moral des patrons : baisse

L’indicateur synthétique qui reflète le climat des affaires a perdu un point par rapport au moins de janvier et s’établit à 90 points, soit très en dessous de sa moyenne de longue période qui est de 100, précise l’Institut national des statistiques. Le chiffre de janvier a par ailleurs été révisé à 91 points, contre 92 points précédemment, illustrant une stagnation du climat des affaires le mois dernier par rapport à décembre.

Après deux mois de progression dans les services, l’indicateur s’est fortement contracté en février, tandis qu’il enregistre son troisième mois de baisse dans le commerce de détail, pénalisé par le couvre-feu instauré à 18h00.

A l’inverse, la situation continue de s’améliorer dans l’industrie depuis le confinement de novembre. En parallèle, le climat de l’emploi est reparti à la baisse (-3 points) après deux mois de légère amélioration, constate l’Insee. « Cette dégradation est principalement due à la baisse des soldes d’opinion sur l’évolution (passée comme prévue) des effectifs dans le commerce de détail », souligne l’Institut.

La question de l’élitisme des Grands corps de l’État

La question de l’élitisme des Grands corps de l’État  

Comment faire évoluer le processus de sélection de ce système « élitiste » qui par construction tend à reproduire, stabiliser et entretenir un certain mode de pensée et d’action ? N’est-il pas temps de reconcevoir les voies de constitution d’une « élite » dans et pour le monde actuel ? Interroge Michel Paillet, docteur en sciences économiques, co-fondateur du cabinet Cognitive Companions.( l’Opinion)

 

L’État est servi au quotidien par des femmes et des hommes qui composent ses « corps ». Au plus « haut » niveau de notre appareil étatique se situent les « grands » corps, accessibles par un concours de catégorie A de la fonction publique. Comme l’indique le choix des mots qu’elle emploie elle-même, cette « élite » a été sélectionnée et hiérarchisée de façon militaire par « grade » à l’issue d’un apprentissage exigeant souvent mené dans les établissements les plus prestigieux. Ces corps regroupent les fonctionnaires par catégorie d’activités jugées utiles pour l’intérêt collectif au cours du temps : polytechniciens (à l’origine ingénieurs pour l’artillerie, la marine, les mines ou la construction des ponts et des chaussés), énarques administrateurs pour gérer les finances, le budget et le droit administratif, enseignants, experts des impôts…

Pour ceux qui n’en font pas partie, cette « élite » fait l’objet de nombreux phantasmes de richesse, d’opulence et de passe-droits. Vus de l’extérieur, ce sont des gilets d’or. Pourtant et par construction, il s’agit avant tout d’hommes et de femmes qui ont fait le choix de servir l’intérêt collectif plutôt que de suivre les sirènes internationales du privé, prêt à payer ces talents rares beaucoup plus que ne pourra jamais le faire l’État français.

Pour ceux qui font partie de ces « corps », l’épreuve des fonctions successives menées au service de « l’intérêt collectif » peut engendrer des souffrances personnelles. Nombre d’entre eux sont victimes d’une certaine forme de désynchronisation entre un temps politique court (et toujours plus réduit par les périodes de passivité liées aux campagnes) et un temps administratif beaucoup plus long. Conduire des réformes à horizon long fait sens pour le pays, mais cela ne peut aboutir si la condition de la réussite dépend d’une réélection.

 

La plupart des porteurs de projets voient donc régulièrement leur travail réduit à néant non pour une raison collective, mais bien pour satisfaire des intérêts politiques de court terme. Devant l’énergie personnelle investie et le sentiment du peu de résultats obtenus, l’engagement peut s’essouffler et laisser progressivement place à un sentiment d’impuissance, de frustration et d’abandon. Lorsque le sens investi dans l’intérêt collectif s’effrite, lorsqu’il n’est plus soutenu par le regard des autres citoyens, la personne au plus haut potentiel peut éprouver un malaise voire un sentiment d’absurde. Alors l’énergie enthousiaste au service de l’autre cède la place à la roue libre, à l’inertie et au découragement. De tels sentiments sont ressentis à tous les niveaux de l’administration française. Ils se chuchotent et se murmurent. Ils ne se disent pas. En résulte un constat général de gâchis de toutes ces intelligences.

Emmanuel Macron, François Hollande, Jacques Chirac, Valéry Giscard d’Estaing, mais aussi Édouard Philippe, Dominique de Villepin, Lionel Jospin, Alain Juppé et tant d’autres… nombreux sont les présidents et les chefs du gouvernement qui sortent de l’ENA (École Nationale de l’Administration). La plupart des hauts fonctionnaires sont également passés par les classes préparatoires parisiennes les plus prestigieuses et les mêmes grands corps de l’État. Une récente étude de l’Institut des Politiques publiques sur la démocratisation des grandes écoles en France souligne d’ailleurs l’étroitesse de la base de recrutement de ces établissements. Malgré les efforts fournis depuis plusieurs années, restent largement favorisés les étudiants masculins, issus de milieux privilégiés et originaires de Paris et de la région parisienne.

L’intelligence et les compétences des hauts fonctionnaires ne font pas de doute, mais la diversité de leur expérience pose question. Si tous les profils se ressemblent, un angle de vue monolithique tend à s’installer là où l’incertitude requiert précisément un échange dynamique entre des points de vue distincts. Deux raisons à cela : un cruel manque de porosité entre les secteurs public et privé, et un défaut d’interaction avec le terrain.

Le premier point est intrinsèquement lié au statut de fonctionnaire. La sécurité d’emploi à vie qu’offre la fonction a le désavantage de décourager toute prise de risque et volonté de mobilité vers des entreprises privées. Or, cela ne semble plus compatible avec le monde mouvant dans lequel nous vivons. Il apparaît nécessaire d’instaurer des mouvements de convection forte entre service public et entreprises privées, voire de les rendre obligatoires.

 

La deuxième difficulté réside dans une certaine forme de déconnexion entre les (hauts) fonctionnaires et ceux qu’ils sont censés servir : les citoyens. Cela peut créer une perte de la notion de réalité, qu’il convient de contrecarrer en créant plus de brassage, pour reconnecter les fonctionnaires à la réalité de terrain.

De ces échanges avec l’Autre, qu’il soit citoyen, acteur du secteur privé, fonctionnaire dans un autre domaine, etc., naîtront des modes de pensées pluriels et générateurs d’idées nouvelles.

Au sein des grandes écoles françaises, la pure connaissance cognitive – et plus particulièrement les mathématiques – est largement valorisée, au détriment d’autres sciences comme celles de la communication, de l’information ou de la gestion. A l’ENA elle-même, l’économie est parée d’une aura scientifique dont ne bénéficie pas le droit.

D’où nous vient cette croyance monodimensionnelle ?

Sans doute directement d’Auguste Comte et du courant de pensée qu’il a formalisé au XIXème siècle, connu sous le nom de « positivisme ». Cela consiste à considérer que tous les faits sont explicables par la science, sous forme d’observation ou d’expérience. Les mathématiques sont donc un langage qui permet d’expliciter une connaissance. Auguste Comte soutient ainsi que ce sont l’épistémologie et les sciences qui permettent l’émergence des technologies modernes. Dans une logique positiviste, la prise de décision revient aux scientifiques, qui sont les sachants, et est séparée de l’opération. Dit autrement, l’ingénieur pense le chantier quand les ouvriers exécutent les travaux. Cette culture est profondément ancrée en France, et notamment au plus haut niveau. Loin de nous l’idée de délégitimer les profils scientifiques au parcours dits d’excellence, car ils portent une expérience essentielle. Mais il faut reconnaître que les autres profils sont encore trop peu valorisés au sein des « élites ».

Dans le courant des années 70, l’émergence progressive d’une épistémologie nouvelle a permis l’avènement d’une autre façon de concevoir la connaissance. C’est le moment où certains phénomènes remettent en cause le système linéaire du positivisme. Le monde est toujours plus complexe et il n’est plus possible de dissocier décision et opération : c’est ce que les approches constructivistes mettent en évidence. Nous sommes désormais dans une logique d’adaptation permanente : celui qui met en exergue le processus cognitif est celui qui va prendre la décision, suivre la réalisation, analyser les résultats qui l’amèneront à prendre une nouvelle décision, et ainsi de suite. Cette dynamique en spirale est la réalité de notre quotidien.

Les modes de sélection, de formation et de progression des élites au sein des administrations publiques sont devenus obsolètes. Au regard des enjeux auxquels nous faisons face, ils sont même devenus contre-productifs. Ils tendent à mésuser de très forts potentiels dont l’investissement et l’engagement se gâchent, sans bénéficier opérationnellement aux citoyens. L’organisation de l’appareil est comme hors sol, déconnecté, se nourrissant d’elle-même et générant ses propres finalités.

Dans le contexte actuel, cette situation génère souffrance humaine et inefficience de l’action étatique. Les voies de réponse existent. Elles nécessitent une régénération en profondeur de la façon même dont s’organise l’interaction entre la gouvernance censée arbitrer et l’appareil d’État censé décliner et transmettre les orientations. Cette organisation ne peut plus être fondée sur une conception mécaniste « top-down » : les vitesses d’évolution de l’environnement imposent de resynchroniser à un rythme beaucoup plus élevé les décisions et les opérations. Comme un « corps », elles supposent une superposition de systèmes capable de répondre avec la réactivité adéquate. Comme un « corps », elles supposent une décentralisation de la responsabilité décisionnelle au niveau adéquat.

Le glissement de paradigmes semble déjà engagé, la régénération serait-elle en cours ? Auquel cas, il ne s’agirait plus que d’une question de temps, de volonté et d’énergie !

SNCF : une perte de 3 milliards en 2020

SNCF : une perte de 3 milliards en 2020

Comme la plupart des grands groupes transports,  les pertes sont considérables pour la SNCF du faît des mesures sanitaires qui ont entravé la mobilité. Le TGV par exemple a perdu à peu près la moitié de son trafic.

La grande vitesse ferroviaire, dont la SNCF tire habituellement ses bénéfices, a été particulièrement malmenée par la crise sanitaire, avec une baisse du trafic de 48%, et -du fait des « petits prix » consentis pour regagner le cœur des voyageurs- un recul du chiffre d’affaires plus marqué de 54%, à 3,7 milliards d’euros. La perte de chiffre d’affaires pour les TGV est estimée à 4,8 milliards.

 

« La mobilité internationale est à l’arrêt et le marché français au ralenti », a déploré la direction dans un communiqué.

Les activités conventionnées, trains régionaux et Keolis, ont moins souffert.

La « marge opérationnelle » est restée positive à l’échelle du groupe grâce aux effets d’un drastique programme de réduction des charges engagé au sortir de l’hiver, a relevé la direction.

La direction table désormais sur une « reprise d’activité progressive (…) à partir de l’automne, avec un plein effet en 2022″, selon M. Trevisani.

Comme pour Air France, les pouvoirs publics vont apporter une contribution significative pour amortir ses pertes exceptionnelles. Reste que l’aide de l’État était surtout prévue initialement pour participer à l’entretien d’un réseau qui en a bien besoin.

 

Covid : Nice, Dunkerque en confinement les week-ends…. avant un confinement plus général en France

Covid : Nice, Dunkerque en confinement les week-ends…. avant un confinement plus général en France

 

Un processus de confinement  territorialisé pourrait bien être le prélude à un confinement plus général impliquant tout le territoire. En effet, les chiffres sont particulièrement inquiétants avec la progression des variants qui sont en train de devenir majoritaires. La situation des hôpitaux est particulièrement critique compte tenu du nombre de personnes en réanimation.

Par ailleurs, le nombre de contaminés progressent dangereusement. Ainsi hier on a franchi la barre des 30 000 alors qu’on était il n’y a pas si longtemps sur une moyenne de 20 000 par jour.

Les mesures de confinement local peuvent se comprendre dans la mesure où le taux d’incidence (nombre de contaminés pour 100 000 habitants), est très variable. Les zones les plus touchées sont lest , le nord, le sud-est et la région parisienne ; c’est-à-dire là où se situe la plus grosse partie de la population. En clair au confinement localisé pourrait succéder un confinement plus général en France avec la très nette reprise de la pandémie.

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