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Les sciences sociales sous dépendance politique dans certains pays

Les  sciences sociales sous dépendance politique dans certains pays

Les deux historiens Alain Blum et Juliette Cadiot rappellent, dans une tribune au « Monde », que nombre de leurs collègues en Pologne, Hongrie ou en Russie sont victimes de contrôles politiques et voient leurs recherches entravées par la censure. Une mainmise du pouvoir sur la recherche afin de contrôler le récit national.

Tribune. Le 9 février, deux universitaires polonais de réputation internationale, travaillant de longue date sur la Shoah, ont été condamnés pour diffamation par un tribunal de Varsovie. Ils auraient, en décrivant l’action d’un maire de village à l’égard des juifs durant la guerre, porté atteinte à son honneur. Cela ne fait que concrétiser des décisions prises par les autorités polonaises incitant à condamner au civil toute personne attribuant les crimes de la Shoah aux Polonais et non aux Allemands, et donc interdisant, de fait, tout travail mettant en évidence la contribution de Polonais à l’extermination des juifs. Ce serait diffamer la nation polonaise.

 

Il est vrai que les autorités polonaises ne sont pas les premières en Europe à s’attaquer ainsi au milieu universitaire en s’immisçant dans le débat scientifique. Les autorités hongroises le font régulièrement, sans parler de ce qu’on voit en Turquie. 

La Russie, depuis plusieurs années, a mis en place des lois restrictives encadrant les recherches historiques. Une commission destinée à « contrer les tentatives de falsifier l’histoire au détriment des intérêts de la Russie » avait été créée en 2009. Elle a fait long feu, mais l’intervention politique contre le milieu universitaire ne s’est pas arrêtée là. Il est par exemple interdit de mettre en cause l’honneur de la Russie durant la seconde guerre mondiale. Cela fait peser une menace sur les chercheurs qui étudient les violences de l’armée rouge ou les stratégies du haut commandement militaire soviétique. Dans ce même pays, un addendum à la loi sur l’éducation est actuellement en discussion qui vise à interdire la diffusion « d’informations illégales » et de « propagande anti-russe » dans les écoles et les universités.

Un nouveau pays se serait-il désormais joint à ce concert, la France ? Nous qui étudions l’histoire de l’est de l’Europe, voyons régulièrement nos collègues de certains de ces pays en proie au contrôle politique et à la censure de la recherche, notamment en sciences humaines et sociales. Nous sommes choqués par le parallélisme de procédés visant à remettre en cause les libertés académiques et ce qui fait le fondement des sciences sociales, une approche critique du monde dans lequel nous vivons. Les propos de la ministre de l’enseignement supérieur, et l’annonce d’une procédure d’enquête visant à la fois les opinions politiques des chercheurs et leurs catégories d’analyse, rappellent cette volonté de contrôler le récit national, que l’on croyait propre à des gouvernements autoritaires.

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